Belgique

Modifications de la loi football : mécontentement des supporters exprimé

Les clubs de supporters signalent une « interdiction ou limitation des drapeaux, tambours et mégaphones » ainsi qu’une « réduction du nombre de bus autorisés et diminution des quotas de places allouées sans justification apparente. » Bernard Quintin, ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, affirme que « le seul et unique objectif de la réforme de la loi football est de permettre à tous les supporters présents dans le stade de profiter du match dans une ambiance sereine et festive, en toute sécurité. »


Des conditions qui se dégradent d’année en année

Les reproches sur les conditions de déplacement des supporters sont fréquents : « Interdiction ou limitation des drapeaux, tambours et mégaphones, généralisation des dispositifs combi-car, réduction du nombre de bus autorisés et diminution des quotas de places allouées sans justification apparente. »

Ces conditions varient en fonction des supporters, comme l’indique un représentant du club de supporters d’Anderlecht, les Mauves Army 2003 : « Il y a plusieurs problèmes qui existent depuis plusieurs années. Mais la problématique liée au déplacement est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il y a le manque de tickets. Et il y a aussi toutes les difficultés qu’on rencontre quand on arrive devant un secteur visiteur où on ne sait jamais en fonction de qui on a devant nous, ce qui va être autorisé. Et quand on discute entre nous, on remarque que tous les clubs de supporters des différents clubs de Belgique ont aussi les mêmes difficultés. »

Le constat est similaire du côté du Standard, comme l’explique un responsable du collectif : « Il n’y a pas de geste fait pour les supporters. À un moment donné, on a envie de dire stop. Il y a des stades dans lesquels on ne peut pas rentrer de mégaphone ou des drapeaux par exemple. Selon le club qui se déplace, parfois c’est oui, parfois c’est non. Puis, on reçoit trop peu de tickets. Il y a 10-15 ans, on allait à Westerlo, on avait 1000-1200 tickets. Cette année, on a eu 450-500 tickets. C’est trop peu pour un club comme le Standard qui se déplace. Cela crée des problèmes d’organisation au sein des différents groupes de supporters. »

Le communiqué des clubs de supporters

Un autre gros souci soulevé par différents clubs de supporters est la modification de la loi football, dont l’application est prévue théoriquement pour l’été 2026. Parmi les modifications, l’identification obligatoire avant d’entrer dans les stades suscite des inquiétudes : « On se sent un peu utilisé comme des rats de laboratoire, qu’on sert d’expérience. On a l’impression qu’on va tester des choses sur les supporters de foot et que ça pourrait, par la suite, s’étendre au reste de la société. Et c’est pour ça qu’on alerte », explique un responsable du club de supporters d’Anderlecht, les Mauves Army 2003.

Les difficultés s’accumulent, même à domicile : « Les tickets, il n’est déjà quasiment plus possible d’en acheter le jour du match. Il faut absolument s’identifier via Itsme. Ce qui rend les choses compliquées quand on veut inviter un ami en dernière minute au match. Ou quand mon ticket n’est pas libre mais que j’ai envie de le donner à un collègue. Tout devient de plus en plus compliqué et on se pose la question du pourquoi. »

Les incidents font aussi partie des préoccupations : « On se demande un peu où sont les gros incidents dont on nous parle qui nécessitent qu’on durcisse les mesures, sans dialoguer avec les supporters, tout en prenant des moyens qui posent quand même certaines questions au niveau des libertés individuelles. »

Éviter l’accès aux interdits de stade

Cependant, le cabinet de Bernard Quintin, ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, assure que « le seul et unique objectif de la réforme de la loi football est de permettre à tous les supporters présents dans le stade de profiter du match dans une ambiance sereine et festive, en toute sécurité. » Cela implique un renforcement des sanctions contre ceux qui violent les principes fondamentaux de respect : « Les faits de racisme et de xénophobie seront par exemple punis plus sévèrement : l’amende minimale passera de 1500 à 2000 euros ainsi qu’un allongement de la durée d’interdiction de stade. »

Concernant les accès au stade, « nous voulons éviter que des gens interdits de stade – ce qui signifie qu’ils ont commis dans le passé des faits très graves – ne puissent accéder aux tribunes. C’est du simple bon sens, » ajoute Bernard Quintin. Or, les systèmes actuels ne garantissent pas un contrôle suffisant pour atteindre cet objectif. Actuellement, il est très facile d’entrer dans la tribune avec le ticket d’une autre personne. « C’est la seule et unique raison pour laquelle nous avons décidé avec la Pro League qu’il faut renforcer les contrôles d’identité et d’authenticité du titre d’accès, au travers d’un système qui sera mis en œuvre par la Pro League en collaboration avec Itsme. »

Les groupements de supporters estiment que c’est un faux débat. Pour eux, les interdits de stade n’y vont pas et s’ils se font prendre au stade alors qu’ils sont interdits, la peine de récidive est bien trop lourde. Cependant, la Pro League confirme que cela se produit parfois.

Lorin Parys, CEO de la Pro League, dément l’utilisation de la biométrie

Selon la Pro League, le système Itsme qui sera mis en place répond à la demande législative et, en cas de succès, il n’y aura pas d’utilisation d’autres moyens, comme l’explique Lorin Parys : « Si le projet Itsme a des résultats positifs, on ne va pas utiliser la biométrie. On a une collaboration avec Itsme qui est une application largement utilisée et bien connue de l’ensemble des citoyens belges pour l’identification lors de l’achat de tickets. »

Il ajoute : « On veut évoluer vers un processus d’identification à l’entrée du stade sans avoir à recourir à un contrôle manuel généralisé qui entraînerait d’importantes files d’attente. Et on ne veut pas utiliser la biométrie comme c’est parfois communiqué par certains groupes. Ça, ce n’est pas dans les plans actuels. Itsme, c’est la façon la plus efficace pour les fans et pour les clubs de répondre aux contraintes qui sont reprises dans la loi qu’on doit respecter. Et je peux dire à 100% qu’on ne va pas utiliser les données à autre chose. On ne vérifiera que si une personne est ou non sur la liste des interdits de stade. »

Une lutte qui va continuer, mais surtout une volonté de dialogue

Les représentants des supporters étaient présents et impliqués lors d’une grande table ronde sur le football au siège de l’Union belge, mais cela ne suffit pas. Les tensions demeurent : « L’ensemble des tribunes belges poursuivra des actions de protestation lors des deux derniers matches de l’année, en restant silencieuses les 12 premières minutes », précise le communiqué.

Les Mauves Army 2003 réagissent au boycott : « C’est un mouvement assez unique qui est en train de se créer, parce que l’heure est grave. Ce qu’on attend, c’est d’être entendu, d’être reçu, pour qu’on puisse discuter de certaines choses. Pour l’instant, on n’a pas reçu d’appel du pied. On est prêts à discuter et à se mettre à table. Il faut surtout que les personnes qui prennent les décisions se rendent compte de la réalité du terrain. »

Au Standard, l’envie de dialogue est également présente : « Depuis des années, on subit un peu la loi du ministère de l’Intérieur. Nous, ce qu’on veut, c’est qu’il y ait un geste qui soit fait pour les supporters. Comme on l’a dit, nous voulons des stades en vie, des stades remplis. Et tout va dans le sens opposé. On souhaite discuter avec les décideurs, car, au final, s’il n’y a pas de supporters, le football sera mort. »

Une rencontre est prévue début 2026 pour apaiser les tensions. Si rien ne change, les supporters ont l’intention de poursuivre leurs actions. L’objectif est d’éviter que ce type de situation se reproduise et que les différentes équipes puissent compter sur le soutien des supporters lors des matches de football.