Michel Goovaerts, chef de corps de la zone de police Bruxelles-Ixelles : « Les politiques doivent d’abord se demander pourquoi la mendicité augmente »
À trois jours des élections communales, les politiques en campagne alignent leurs dernières cartouches pour tenter de séduire des électeurs. Parmi celles-ci, figure l’idée de recriminaliser la mendicité sur tout le territoire belge, pourtant sortie du Code pénal il y a trente ans. La problématique est criante dans les grandes villes, mais aussi dans les campagnes. Comment réagir ? Michel Goovaerts, chef de corps de la zone de police Bruxelles Capitale-Ixelles, témoigne de son expérience de terrain.
- Publié le 10-10-2024 à 11h50
Plus que trois fois dormir avant de se rendre une nouvelle fois aux urnes. Et c’est classique : dans la dernière ligne droite, les politiques en campagne dégainent l’une ou l’autre idée « choc » pour tenter de marquer des points auprès des électeurs. La dernière en date, portée par un certain Georges-Louis Bouchez (MR) : recriminaliser la mendicité en Belgique.
Petit rappel utile, l’interdiction du « vagabondage » a été supprimée du Code pénal il y a trente ans sous l’impulsion de la ministre de la Justice de l’époque, Laurette Onkelinx (PS). Mais voilà, dans les faits, cette interdiction de mendier n’a jamais été supprimée puisque deux tiers des communes belges (305 sur 581) se sont empressées d’adopter des règlements interdisant partiellement ou totalement la mendicité sur leur territoire. Fait notable, aussi : plus de 250 d’entre elles vont jusqu’à bafouer les principes édictés par la charte sociale européenne et sont, par conséquent, en infraction.
Interdire ? Pénaliser ? Sanctionner administrativement ? Comment faut-il dès lors composer avec la mendicité sur le terrain ?
« Nous avons assez d’outils pour réagir »
Pour Michel Goovaerts, chef de corps de la zone de police Bruxelles Capitale-Ixelles, il n’y a pas lieu de réinstaurer une loi qui interdirait la mendicité sur tout le pays : « Ce n’est pas nécessaire. Nous disposons aujourd’hui de suffisamment d’outils qui nous permettent de réagir. » Et l’intéressé de s’expliquer : « En Région bruxelloise, le règlement général de police qui s’applique aux dix-neuf communes stipule que la mendicité n’est pas considérée comme une infraction. Ceci étant, nous intervenons quand même dans trois cas de figure :
1. La mendicité avec enfants. L’avis de nos bourgmestres est très clair à ce sujet : lorsqu’il s’agit de mineurs d’âge, nous sommes tenus de réagir immédiatement et avons la possibilité de contacter le parquet pour travailler à ce niveau-là.
2. La mendicité organisée. On vise ici ces bus de mendiants qui entrent dans la capitale le matin et repartent le soir. C’est quelque chose d’assez exceptionnel mais que nous tenons à l’œil, en collaboration avec d’autres zones de police locale et avec la police fédérale. En théorie, nous pénalisons l’organisateur de cette mendicité mais, dans les faits, à l’instar des dossiers relatifs à la traite des êtres humains, ce n’est pas simple.
3. La mendicité qui génère un trouble à l’ordre public. Je songe notamment à ce qui peut se passer lors de grands événements tels que les Plaisirs d’hiver. Si deux ou trois personnes mendient sur la Grand-Place en plein pendant l’événement, nous les invitons à se placer à un autre endroit. »
Une hausse du nombre de mendiants
Sur sa zone, Michel Goovaerts déploie ainsi six personnes à temps plein (c’est la « team Herscham ») pour gérer quotidiennement la mendicité dans les rues. Et leur retour est sans appel : la mendicité augmente. « En tant que chef de corps, je me dois de tirer la sonnette d’alarme : oui, il y a clairement plus de mendiants aujourd’hui qu’hier. Je ne suis pas sur les listes électorales, ce n’est pas à moi de dire s’il faut ou pas consacrer un droit de mendier. Ceci est une question purement politique. Ce que je dis, c’est que les autorités politiques doivent d’abord se demander pourquoi la mendicité augmente. La réponse ne se situe pas, selon moi, au niveau de la répression mais bien, d’abord et avant tout, du côté de la lutte contre la pauvreté », termine-t-il.