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Maria Corina Machado, « libératrice » vénézuélienne, reçoit le Prix Nobel de la paix.

Maria Corina Machado, cheffe de l’opposition au Venezuela, a été formalement récompensée par le prix Nobel de la Paix en 2024. Évaluée à 58 ans, elle vit dans la clandestinité depuis la présidentielle contestée de juillet 2024, tout en continuant à mener son combat pour des élections libres et un gouvernement représentatif.


Maria Corina Machado, 58 ans, « est l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps », a déclaré Jørgen Watne Frydnes, président du comité Nobel norvégien.

Elle « a été une figure clé de l’unité au sein d’une opposition politique autrefois profondément divisée, une opposition qui a trouvé un terrain d’entente dans la revendication d’élections libres et d’un gouvernement représentatif », a-t-il ajouté.

Qui est Maria Corina Machado ?

Maria Corina Machado, cheffe de l’opposition au Venezuela, a été récompensée par le prix Nobel de la Paix. Surnommée la « libératrice » par ses partisans, elle vit à présent dans la clandestinité depuis la présidentielle contestée de juillet 2024, mais demeure l’âme de l’opposition vénézuélienne.

« Très juste reconnaissance pour la longue lutte d’une femme et de tout un peuple pour notre liberté et notre démocratie », a affirmé Edmundo Gonzalez Urrutia, candidat de l’opposition à la présidentielle.

Alors que le président Nicolas Maduro, au pouvoir depuis 2013, a été proclamé vainqueur par l’autorité électorale considérée comme contrôlée par le pouvoir, l’opposition revendique la victoire pour son candidat.

Mme Machado, déclarée inéligible, n’avait pas pu se présenter, cependant, elle avait dirigé la campagne pour un candidat alors peu connu, rassemblant des foules derrière elle. Elle a également appelé ses partisans à recueillir les procès-verbaux de chaque bureau de vote pour « prouver » la victoire de l’opposition.

Répression

Le pouvoir vénézuélien, qui n’a pas encore publié les résultats complets des élections, a durement réprimé les troubles post-électoraux et a intensifié la répression politique ces derniers mois, selon une mission d’experts de l’ONU.

Mme Machado a choisi de rester dans son pays, tandis que M. Gonzalez Urrutia, visé par un mandat d’arrêt et harcelé verbalement par le pouvoir, a été contraint à l’exil en septembre.

Fin septembre 2024, lors d’un entretien avec l’AFP, elle avait déclaré vivre parfois « des semaines sans contact humain » : « Je suis là où je me sens le plus utile pour la lutte ». Réfugiée dans un lieu tenu secret, elle continue de mener son combat.

« Si quelque chose m’arrive, la consigne est très claire (…), personne ne négociera la liberté du Venezuela contre ma liberté », affirmait-elle lors d’une interview par appel vidéo avec l’AFP.

Depuis les élections présidentielles, elle donne des interviews en ligne et participe à des débats sur internet, cherchant à demeurer dans un cadre neutre pour éviter d’être localisée.

Jusqu’au boutiste

La popularité de Mme Machado a explosé lors des primaires de l’opposition en octobre 2023, obtenant plus de 90 % des voix dans une démonstration de force avec 3 millions de participants.

Elle est rapidement devenue la favorite des sondages, surnommée la « libertadora » (« libératrice »), en hommage au « libertador » Simon Bolivar.

Connue pour sa franchise, ces traits de caractère, selon les experts, ont profondément contribué à sa popularité. Elle répétait sans cesse le slogan de sa campagne : « jusqu’au bout ».

Bien que son nom n’ait pas figuré sur les bulletins, c’était elle qui incarnait le visage et l’âme de l’opposition. Elle a parcouru le pays en voiture, interdite de prendre l’avion, et ses apparitions étaient marquées par des cris, des pleurs et des bousculades.

Mme Machado promettait alors « le changement » pour un Venezuela dirigé depuis 1999 par Hugo Chavez, suivi par Nicolas Maduro.

Ce dernier a été proclamé vainqueur de la dernière élection présidentielle avec 52 % des voix par le Conseil national électoral, jugé sous l’autorité du pouvoir. Celui-ci n’a pas divulgué les détails des votes, se disant victime d’un piratage informatique.

L’opposition, ayant publié les procès-verbaux des bureaux de vote, assure que M. Gonzalez Urrutia a remporté le scrutin avec plus de 67 % des voix. Le pouvoir a de son côté qualifié ces procès-verbaux de « faux ». C’est justement elle qui avait demandé aux siens de s’organiser pour cette collecte.

Fort soutien international

Cela a eu pour conséquence de lui valoir un soutien international fort, les États-Unis, l’Europe et de nombreux pays d’Amérique latine ne reconnaissant pas la réélection de M. Maduro.

Couronnée par le prix Sakhraov en 2024, Mme Machado a qualifié cela de « reconnaissance pour chaque prisonnier politique, demandeur d’asile, exilé et chaque citoyen de notre pays qui se bat pour ce qu’il pense ».

Croyant en une économie de marché, elle a proposé la privatisation du géant public pétrolier Petroleos de Venezuela (PDVSA), principal soutien économique du pays dont la production s’est effondrée à cause de la mauvaise gestion et de la corruption.

Nous allons libérer notre pays et ramener nos enfants à la maison

« Nous allons libérer notre pays et ramener nos enfants à la maison », a-t-elle déclaré en référence aux 7 millions de Vénézuéliens qui, selon l’ONU, ont quitté le pays en proie à une crise économique prolongée.

Elle est particulièrement touchée par le retour espéré de la diaspora. Ses trois enfants – Ana Corina, Henrique et Ricardo – vivent à l’étranger.

Ingénieure de formation, Mme Machado a commencé son parcours politique en 2002 avec la création de l’association Sumate, réclamant un référendum pour révoquer le président Chavez.

Accusée de trahison, car Sumate percevait des fonds des États-Unis, ainsi que de menaces de mort, elle avait alors envoyé ses jeunes enfants vivre aux États-Unis. Elle promet pourtant de « jusqu’au bout ».

Soutenant le déploiement de navires de guerre américains dans les Caraïbes, elle a récemment déclaré sur les réseaux sociaux : « Il ne nous reste que très peu de temps avant que les Vénézuéliens ne récupèrent leur souveraineté et leur démocratie. Nous sommes prêts à prendre les rênes du nouveau gouvernement ».

Pas de Nobel pour Trump

Le prix évite donc au président américain Donald Trump, qui avait exprimé son souhait de le remporter cette année.

Depuis son retour à la Maison Blanche pour un second mandat en janvier, le président américain a réitéré à plusieurs reprises qu’il « méritait » le prix Nobel pour son rôle dans la résolution de nombreux conflits – une affirmation largement jugée exagérée par les observateurs.

Les autres Nobel

Mme Machado succède à Nihon Hidankyo, un groupe de survivants des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, engagé dans une lutte contre l’arme nucléaire.

Après le prix de la paix, le seul Nobel décerné à Oslo, la saison des Nobel se poursuivra la semaine prochaine à Stockholm, où elle se conclura avec le prix d’économie.

La médecine a ouvert le bal en couronnant l’Américain Fred Ramsdell, sa compatriote Mary Brunkow et le Japonais Shimon Sakaguchi pour leurs découvertes sur le fonctionnement du système immunitaire.

Le lendemain, le prix de physique a été attribué au Britannique John Clarke, à l’Américain John M. Martinis et au Français Michel Devoret pour leurs travaux en mécanique quantique.

Le prix de chimie a été décerné à un trio composé du Japonais Susumu Kitagawa, du Britannique Richard Robson et de l’Américano-Jordanien Omar M. Yaghi pour « le développement des structures métallo-organiques ».

Le prix Nobel de littérature a été remis à l’écrivain hongrois Laszlo Krasznahorkai, dont l’œuvre explore des thèmes de dystopie et de mélancolie.

Le prix Nobel est composé d’un diplôme, d’une médaille d’or et d’un chèque de 11 millions de couronnes suédoises (près d’un million d’euros).