Belgique

Malades de longue durée : Élise Derroitte alerte sur la responsabilité du patient

Le Premier ministre cherche à économiser dix milliards d’euros, et la réforme liée aux malades de longue durée permettrait de dégager 1,8 milliard d’euros en 2029 et jusqu’à 2,2 milliards l’année d’après. La Mutualité chrétienne et la CSC expriment des craintes concernant une possible pression supplémentaire sur les personnes ne pouvant pas travailler.


Le Premier ministre ne cache pas son objectif : économiser dix milliards d’euros. Dans ce cadre, la recherche d’économies et les réformes avancent de concert dans l’exercice budgétaire délicat actuel. Parmi les pistes explorées, la réforme des mesures concernant les malades de longue durée est significative.

Bien que le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, affirme que sa démarche n’est pas uniquement motivée par des économies, la réforme des dispositifs liés aux malades de longue durée pourrait permettre de dégager 1,8 milliard d’euros d’ici 2029, et peut aller jusqu’à 2,2 milliards l’année suivante. Cela représente plus d’un quart de toutes les économies envisagées par le gouvernement fédéral pour respecter le cadre budgétaire, soulignant ainsi l’enjeu crucial de ce dossier dans les négociations actuelles.

Pour justifier l’augmentation du nombre de malades de longue durée et son impact sur le budget fédéral, Élise Derroitte, vice-présidente de la Mutualité chrétienne, évoque des facteurs structurels tels que « la réduction de l’accès à la prépension », « l’allongement des carrières » et l’augmentation des femmes occupant des emplois précaires.

Elle souligne également la « détérioration de la qualité du travail en Belgique« . Elle explique : « En observant l’évolution des heures travaillées en Belgique ces dix dernières années, on constate qu’il n’y a pas vraiment plus d’heures travaillées malgré toutes les politiques d’activation. En réalité, il y a plus de travail, mais de moindre qualité. Cela conduit à des incapacités de travail« .

### Malades de longue durée, de quoi parle-t-on ?

Actuellement, un patient devient « invalidé » après un an d’incapacité de travail. Frank Vandenbroucke propose d’instaurer un nouvel examen global de la situation du patient pour envisager une réintégration, même partielle, dans le milieu professionnel.

Ce projet repose sur la responsabilisation de tous les acteurs concernés : mutuelles, médecins traitants, médecins du travail, employeurs et patients. L’idée est de lier la perception de l’indemnité à un nouveau dossier médical demandant la reconnaissance de l’invalidité, avec une évaluation régulière — annuelle — de la situation du malade. Ce dispositif ne s’appliquerait pas aux personnes en invalidité totale, ni aux malades chroniques ou aux personnes traitées pour cancer par exemple.

Avec cette mesure, le gouvernement espère limiter le nombre de malades de longue durée à moins de 600.000 personnes, un chiffre en constante augmentation. En 2024, ils étaient 526.000, et le Bureau fédéral du Plan prévoit qu’ils seront environ 600.000 en 2035. Les personnes de plus de 55 ans constituent 80 % de cette hausse, dont le coût est évalué à 13 milliards d’euros.

### « Des personnes malades »

Élise Derroitte, vice-présidente de la mutualité chrétienne, défend le rôle des mutuelles, dont l’objectif premier n’est pas le contrôle, mais « l’accompagnement de l’incapacité de travail. Il s’agit de l’évaluer et de voir si la personne peut reprendre le travail« .

Elle ajoute que des contrôles existent via un vaste réseau de médecins-conseils, mais que les mutuelles voient surtout « des personnes malades« . « Nos médecins ne sont pas juges et parties dans cette équation. Ce n’est pas le médecin généraliste qui vient nous voir, ni le médecin de contrôle de l’employeur. C’est une instance neutre qui évalue, à partir de son expertise, les capacités à travailler« , précise-t-elle.

Il existe un vrai risque de responsabiliser uniquement le patient alors qu’il est en situation d’incapacité de travail à cause de sa maladie.

Élise Derroitte, vice-présidente de la mutualité chrétienne

Elle souligne également que la fréquence à laquelle les médecins-conseils des mutuelles rencontrent les malades de longue durée pourrait augmenter. « C’est l’une des conséquences de la loi Vandenbroucke : nous voyons les personnes plus souvent afin de pouvoir évaluer rapidement leur état de santé« .

Cependant, Élise Derroitte met en garde : « Il y a un gros problème pour la réintégration au travail : les aménagements. Pour beaucoup de petites entreprises, c’est très difficile d’adapter l’espace de travail. La responsabilité doit être collective, car il y a un vrai risque de faire peser l’intégralité de la responsabilité sur le patient qui, lui, entre en incapacité de travail par sa maladie. Pour le sortir de cette situation, tous les acteurs doivent l’accompagner et prévenir les rechutes, ce qui passe également par l’adaptation de son poste. Et là, nous n’en sommes pas là« .

La Mutualité chrétienne n’est pas la seule à exprimer cette préoccupation. Récemment, la CSC a également mis en garde contre des pressions supplémentaires sur ceux qui ne peuvent pas travailler. Le syndicat chrétien appelle à davantage d’attention pour la prévention des maladies professionnelles.