Belgique

L’or atteint des records, mais ce n’est pas une bonne nouvelle.

Depuis le 1er janvier, la valeur de l’or s’est envolée de 45% sur les marchés financiers si l’on prend comme référence la cotation en dollar. En 2022, 2023 et 2024, les banques centrales ont acheté respectivement 1082, 1037 et 1030 tonnes d’or, des volumes jamais observés jusque-là.


Depuis le 1er janvier, le prix de l’or a bondi de 45 % sur les marchés financiers, si l’on se base sur la cotation en dollars. En euros, la hausse est tout aussi remarquable, bien qu’un peu moins frappante, atteignant environ 35 %. Cette différence s’explique simplement par la chute continue du dollar face à l’euro depuis plusieurs mois.

Quoi qu’il en soit, la progression de l’or est telle que de nombreux analystes doivent revoir en urgence leurs prévisions. C’est le cas de Deutsche Bank, qui indique dans une de ses lettres d’information que, « l’or ayant atteint [cette année] notre cible prévue pour 2026 (3700 dollars l’once) […], nous augmentons notre objectif pour l’année prochaine à 4000 dollars l’once en moyenne ». Étant donné l’évolution actuelle des prix du métal précieux, il est même possible que cet objectif soit atteint plus tôt que prévu.

### Et si la cause essentielle de cette hausse se trouvait aux… Etats-Unis ?

Pour qualifier l’augmentation des cours de l’or, l’économiste Bruno Colmant, qui a étudié et commenté de nombreux chocs économiques ces dernières décennies, utilise le terme « stupéfiant ». « La dernière fois que les marchés ont connu une telle augmentation », dit-il, « c’était en 1979, lorsque l’URSS a envahi l’Afghanistan. Donc, oui, il se passe quelque chose sur les marchés. Bien sûr, il existe des explications traditionnelles, notamment les troubles géopolitiques [guerre en Ukraine, guerre au Proche-Orient, tensions commerciales diversifiées, ndlr], mais cela ne suffit pas. Je pense que ce qui se passe, c’est que la politique monétaire américaine commence à susciter des inquiétudes. La dette des États-Unis est très élevée et on sait que [le président américain] Donald Trump souhaite contrôler la Banque centrale américaine, la Federal Reserve, pour qu’elle effectue des baisses de taux significatives, peut-être trop importantes, ce qui risquerait de relancer l’inflation. »

Et ainsi nuire au dollar américain… Que conclure à ce stade ? « Je pense que le reste du monde commence à se protéger du dollar et de la dette américaine. Le meilleur refuge reste l’or, car l’or est la monnaie d’un pays sans gouvernement, c’est la monnaie de l’univers. De plus, il n’y a aucun risque de crédit associé à l’or, car c’est un actif tangible et parfaitement négociable. »

### Les achats massifs des banques centrales

Il n’est pas surprenant que les plus gros acheteurs d’or soient en réalité des… banques centrales. « Elles ont en effet considérablement augmenté leurs achats d’or ces dernières années », souligne la banque ING dans une publication récente. « Beaucoup d’entre elles, en particulier dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), cherchent à réduire le poids du dollar américain dans leurs réserves de change. En 2022, 2023 et 2024, les banques centrales ont acheté respectivement 1082, 1037 et 1030 tonnes d’or, des volumes jamais observés auparavant ! Et comme la production annuelle des mines d’or tourne autour de 2000 tonnes, on peut mesurer l’impact colossal des banques centrales sur le marché. L’engouement est tel que si l’or était considéré comme une devise, il représenterait 20 % des réserves de change des banques centrales, juste derrière le dollar américain (quasi 60 %) et égal à l’euro (20 %). »

### Les particuliers (du moins ceux qui en ont les moyens) continuent à acheter de l’or

Pour les investisseurs particuliers, cependant, l’or physique (monnaies, lingots) présente plusieurs inconvénients majeurs : il ne génère ni dividende, ni intérêt, contrairement aux actions ou aux obligations. De plus, il doit être protégé contre le vol. Un coffre bancaire ou chez un spécialiste ? De plus en plus coûteux. Un coffre chez soi ? Pas gratuit et pas toujours rassurant…

Malgré ces inconvénients, un négociant établi à Bruxelles rapporte que beaucoup se rendent dans sa boutique pour acheter de l’or, malgré la hausse significative des prix : « De manière générale, explique-t-il, le volume des transactions a considérablement augmenté chez nous depuis le Covid. La pandémie a suscité des inquiétudes, suivies d’une vague d’inflation et de la guerre en Ukraine. Beaucoup de gens sont inquiets, voire paniqués, et donc ils achètent de l’or. On pourrait penser qu’avec l’augmentation des prix, les gens vendraient leur or, mais ce que j’observe, c’est plutôt l’inverse, ils achètent. Ils ont tellement peur de ce qui pourrait arriver en Europe, et à l’échelle mondiale, qu’ils préfèrent acheter et sécuriser leur patrimoine. »

Signe des temps, les acheteurs optent souvent pour de petites pièces ou lingots. « Les gens qui achètent de l’or veulent évidemment quelque chose de facilement monnayable », constate-t-il. « Pas trop grand, pas trop cher. Cela va des lingots de 5 à 100 grammes et, bien sûr, les pièces de monnaies, qui sont évidemment beaucoup plus accessibles qu’un lingot d’1 kilo coûtant plus de 100.000 euros. »

Exemples ? Le Napoléon français s’achète aujourd’hui autour de 625 euros, un prix similaire à celui d’une pièce belge (ancienne) de 20 francs Léopold II. Une autre pièce très appréciée des Belges est le Krugerrand sud-africain, qui coûte actuellement un peu plus de 3300 euros.