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L’œil de Moscou – Les Russes ne sont-ils pas lassés de « l’homme providentiel » ?

En cette rentrée 2025, seulement 28% des personnes interrogées en Russie ont répondu  » Un leader fort « , contre 72% en 2000. Selon un sondage, 73% des répondants pensent que le pays va dans la bonne direction, tandis que 23% estiment que  » le pouvoir actuel doit être changé « .


Le chiffre est passé pratiquement inaperçu. À la question « De quoi la Russie a-t-elle besoin ? », seulement 28 % des personnes interrogées à cette rentrée 2025 ont répondu « Un leader fort », contre 72 % en 2000.

Ce résultat est d’autant plus remarquable qu’il provient de l’institut VTsIOM, le Centre pan-russe d’étude de l’opinion publique, une structure sérieuse mais réputée proche du pouvoir et généralement prudente dans ses formulations. Il a été peu commenté en Russie, ce qui n’est guère étonnant compte tenu du climat politique.

Certains analystes occidentaux – peut-être influencés par un optimisme mal placé – y voient le signe annonciateur de la fin de l’ère Poutine. Cette évolution contredit en tout cas l’une des idées reçues les plus solidement ancrées concernant la Russie : non, la situation n’y est pas figée, et la société – loin d’être monolithique – est vivante et souvent divisée.

Une autre photographie du pays, encore plus complète et présentant la même profondeur historique, a été publiée à la fin du printemps par l’Institut d’études sociales et politiques de l’Académie des sciences.

Elle se structure autour d’une cinquantaine de questions qui ont été posées de manière constante depuis 1992 à plus de 1300 habitants de Russie. Le portrait qui en ressort est parfois surprenant, souvent attendu, confirmant alternativement le grand divorce avec l’Europe de l’Ouest ou, à l’inverse, des mouvements ou préoccupations convergentes.

À la question « Quels responsables politiques ont fait le plus grand bien et le plus grand mal ? », Poutine, Staline et Brejnev se classent en tête (avec respectivement 65 %, 45 % et 24 % des répondants estimant qu’ils ont apporté le plus grand bien), tandis que Gorbatchev et Eltsine ferment la marche (59 % et 56 % considérant qu’ils ont fait le plus de mal). Dans le même temps, seuls 38 % des Russes pensent que l’État remplit ses obligations en matière de liberté d’expression (contre 52 % en 2008). C’est sur l’égalité devant la loi qu’ils sont les plus critiques : seulement 30 % estiment qu’elle existe actuellement.

Plus d’un tiers de siècle après l’effondrement de l’Union soviétique, 44 % des Russes déclarent vouloir vivre dans une société socialiste, contre seulement 14 % préférant une société capitaliste (6 % souhaitant « une autre » société et 36 % ne sachant que répondre). Ce choix est constant depuis 30 ans, mais l’écart n’a jamais été aussi grand (sauf en 2023 : 48 % contre 5 %).

La nostalgie d’une certaine forme de justice sociale associée à l’URSS reste très forte (et semble avoir été transmise aux générations postsoviétiques). Interrogés sur les changements au cours des 30 dernières années, 65 % des Russes jugent que le potentiel économique du pays a évolué positivement ; à l’inverse, ils ne sont que 22 % à estimer que les évolutions dans la lutte contre la corruption sont satisfaisantes.

Appelés à donner leur avis sur la situation actuelle de la Russie, 73 % des répondants pensent que le pays va dans la bonne direction, 73 % estiment que les principales menaces viennent de l’étranger et 23 % croient que « le pouvoir actuel doit être changé ». 40 % se déclarent confiants pour l’avenir, tandis que 41 % ne se sentent pas en sécurité. 48 % des Russes ne font aucun plan pour l’avenir, seuls 15 % d’entre eux planifiant plusieurs années à l’avance.

Concernant « l’opération militaire spéciale » – terme employé en Russie pour désigner la guerre en Ukraine – et ses conséquences sur leur quotidien, 26,4 % des Russes estiment qu’elle a affecté leur santé mentale. 7,5 % des répondants affirment avoir de la famille ou des amis sur le front et 0,9 % indiquent que des personnes de leur connaissance ont quitté le pays.

Enfin, 62 % jugent « probable », à des degrés divers, la conclusion d’une paix avec l’Ukraine dans les deux ou trois années à venir ; les opinions sur un conflit armé avec les États-Unis et les pays de l’OTAN sont partagées (33 % contre 31 %).