Live Nation achète Pukkelpop : un géant américain presque incontournable
Live Nation possède déjà plusieurs festivals belges, dont Rock Werchter, Graspop et Dour, ainsi que des salles de concert telles que Forest National et le Lotto Arena. Le ministre fédéral de l’Économie, David Clarinval, a demandé à l’Autorité belge de la Concurrence de se pencher sur le rachat du Pukkelpop par Live Nation.
Huit festivals belges dans les mains du mastodonte américain
Le rachat d’un festival belge par Live Nation n’est pas un événement inédit. Rock Werchter, le Graspop et Dour figurent également parmi les festivals acquis par ce géant de l’organisation et de la promotion musicale. L’influence de Live Nation s’étend au-delà des festivals, de nombreuses salles de concert telles que Forest National, le Lotto Arena et le Sportpaleis lui appartiennent également. L’entreprise possède plus de 270 salles à travers le monde.
De plus, Live Nation est derrière la plateforme de billetterie Ticketmaster, qui vend chaque année environ 55 millions de billets de concert à l’international. Peut-on parler de monopole ? Live Nation et Ticketmaster sont d’ailleurs assignés en justice pour concurrence déloyale aux États-Unis. En Belgique, le ministre fédéral de l’Économie, David Clarinval (MR), a exprimé son souhait que l’Autorité belge de la Concurrence (ABC) examine le rachat du Pukkelpop par Live Nation, une demande faite ce jeudi à la Chambre.
Un positionnement stratégique
Le Pukkelpop a collaboré avec Live Nation pendant plusieurs années. Des rumeurs sur un éventuel rachat avaient circulé, mais avaient été systématiquement démenties. Lorsque l’annonce a finalement été faite, les organisateurs ont simplement publié un communiqué précisant que l’accord « garantissait l’avenir du Pukkelpop pour la prochaine génération de festivaliers ».
Il n’est pas question de difficultés financières pour le festival. Lors d’une intervention sur le plateau de l’émission ‘Laat’ de la VRT, Dirk de Korte, professeur de management culturel à l’université d’Anvers, a souligné : « Les chiffres de Pukkelpop sont tout simplement excellents. Le festival possède une épargne conséquente et des fonds propres solides. Il est rentable. Live Nation n’achète d’ailleurs pas d’entreprises en difficulté pour les redresser ensuite. Ce qu’ils recherchent, c’est d’acquérir de très bonnes entreprises. »
Ça permet aux festivals d’obtenir des têtes d’affiche ultra exclusives et donc d’attirer un maximum de gens.
Selon Marie Frankinet, journaliste musicale à la RTBF, les organisateurs du Pukkelpop ont des motivations stratégiques. « C’est très intéressant pour un festival de rejoindre un groupe comme Live Nation en termes de réseau, puisqu’ils disposent des plus gros artistes. Angèle, par exemple, fait partie de Live Nation. Cela permet donc aux festivals de négocier des exclusivités sur de grands noms, d’obtenir des têtes d’affiche ultra exclusives et donc d’attirer un maximum de gens. »
Une rivalité renforcée ?
Il semble clair que les négociations pour obtenir les artistes souhaités vont devenir plus difficiles, voire affaiblir les festivals qui ne sont pas affiliés à Live Nation. « Si un festival Live Nation négocie une exclusivité, cela signifie que ceux qui ne font pas partie de ce groupe ne pourront pas négocier à la même échelle. Je pense que tout le monde n’aura pas les ressources suffisantes pour faire face à ce nouvel acteur qui est omniprésent sur le marché. Cela risque d’être compliqué pour les festivals qui n’ont pas une identité suffisamment forte ou un concept spécifique pour rivaliser avec Live Nation », affirme Marie Frankinet.
Les artistes émergents sous pression
Les artistes émergents pourraient se trouver parmi les « perdants » potentiels. Mettre en avant de nouveaux talents fait partie des spécificités du Pukkelpop. Cependant, ce processus pourrait se compliquer, selon nos experts. « Live Nation voudra évidemment mettre en avant ses artistes, donc des noms plus établis », prévoit Marie Frankinet, « à moyen terme, cela risque d’être un peu plus problématique parce que, là où il était possible de contacter Chokri Mahassine et ses équipes, les jeunes artistes vont devoir négocier avec un géant. Cela s’avère beaucoup plus compliqué s’ils n’ont pas la structure nécessaire. » Dirk de Korte partage également cette inquiétude : « Pour l’heure, les groupes émergents ont plus facilement leur chance grâce à leurs contacts sur place. Mais ils risquent à l’avenir de subir une pression accrue. »
Je ne pense pas que les festivaliers doivent craindre une expérience radicalement différente.
En ce qui concerne la possibilité que le Pukkelpop perde son identité, les avis sont rassurants. Dans son communiqué, le festival affirme que le rachat ne changera rien à son fonctionnement quotidien : même équipe, même siège social. Dirk de Korte en est convaincu. « Chez Live Nation, ils ont généralement l’habitude, surtout pendant les premières années, de laisser les choses suivre leur cours. Je ne pense pas que les festivaliers doivent craindre une expérience radicalement différente. »
Marie Frankinet partage cette vision : « Rock Werchter, par exemple, qui fait partie de Live Nation depuis 2001, n’a pas vu son ADN se diluer pour autant. » Toutefois, que se passera-t-il lorsque le fondateur et PDG du Pukkelpop, Chokri Mahassine, 65 ans, cédera sa place ? « J’imagine que c’est quelqu’un de Live Nation qui reprendra le flambeau, il faudra voir ce qu’il se passera à ce moment-là. »
Pukkelpop BM
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