Belgique

L’humour a-t-il sa place aux funérailles ?

Dans une petite boutique colorée du vieux Liège, des plaques funéraires humoristiques comme « Game Over » et « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » sont proposées, suscitant à la fois des rires et des réactions choquées. Jean-René Tabouret, créateur de ces plaques, a débuté son activité avec un cadeau d’anniversaire humoristique pour un ami, ce qui a mené à une demande croissante pour ces objets décalés.


En déambulant dans l’une des petites ruelles du vieux Liège, impossible de rater une boutique colorée foisonnant d’objets de décoration et d’idées cadeaux, parfois avec une dose d’humour. Parmi ces articles, des plaques funéraires sortent du lot. Les traditionnels « A ma mamy » sont remplacés par des citations qui ne manqueront pas de vous faire sourire, voire d’étonner, atteignant un savant équilibre entre rires et chocs.

Il s’agit ici d’un humour noir, souvent très incisif. Des phrases telles que « Game Over », « Tu fais moins le malin maintenant », « Salut les moches », « Bien arrivé, bisous », « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles », « Trou Love » figurent dans la collection, présentant des punchlines audacieuses.

CesPlaques sont-elles réellement destinées à orner les tombes, ou sont-elles davantage des cadeaux humoristiques pour ceux qui apprécient ce type d’humour ? « Ça a été un véritable coup de cœur parce que c’est un objet qui est détourné de sa fonction initiale », explique Catherine Fourneaux, la propriétaire du Petit Grand Bazar. « Ça me touche, ça me parle. Pour moi, c’est de l’absurde. » Cette approche semble faire écho auprès des consommateurs, puisque lorsque ces plaques ont été exposées en vitrine, de nombreuses personnes se sont arrêtées pour les photographier.

Jean-René Tabouret, l’artiste créateur de ces plaques, confie que « Il y a effectivement des gens qui ont beaucoup d’humour et qui me disent ‘moi je veux vraiment ça sur ma tombe’. Et il y a les personnes qui trouvent ça complètement rock’n’roll, et qui achètent comme un objet de déco ou comme cadeau. »

Ces plaques d’humour noir proviennent de l’univers punk de Jean René Tabouret. Dès son enfance, il a été sensibilisé à la mort par sa mère qui vendait des monuments funéraires, et il a débuté sa carrière en tant que graveur funéraire. Mais c’est sur une blague qu’il a fondé sa vie de créateur aujourd’hui. « C’était complètement une blague ! C’était pour un cadeau d’anniversaire pour un ami qui avait beaucoup d’humour. Et donc, j’ai fait une plaque complètement décalée. » Cela a ensuite entraîné un phénomène de bouche-à-oreille qui a propulsé son activité.

Dans ses premiers pas, Tabouret a réalisé dix à quinze plaques, à l’occasion d’expositions d’art ou lors de festivals. « Je ne savais pas si ça allait choquer dans le bon sens ou choquer dans le mauvais sens. Et puis il s’est avéré que ça a plu, que ça fait marrer les gens. » Le cadeau décalé est devenu son activité principale, et il se décrit lui-même comme un graveur « presque funéraire ».

Concernant les réactions des personnes choquées par cet humour, il raconte : « Qu’on ne peut pas rire de ça. Qu’on ne peut pas rire de la mort. J’essaie de leur expliquer que c’est de l’humour, que c’est un objet de déco complètement décalé. »

L’importance de rire face à la mort est également soutenue par des experts tels que le psychologue Jean Van Hemelrijck. Il explique : « Quand on rit, on éclate de rire. Et en éclatant de rire, on expulse de l’air. On fait éclater la réalité en morceaux. » Il souligne que « là où il n’y a pas de rire, il n’y a pas de deuil », mettant en avant l’importance de se souvenir des moments joyeux partagés avec les disparus.

Le rire et l’humour noir ne sont donc pas uniquement des moyens de distanciation, mais aussi des outils importants pour ceux qui travaillent fréquemment avec la mort. Xavier Deflorenne, coordinateur d’une cellule de gestion du patrimoine funéraire, en témoigne. Il enseigne l’importance de l’humour dans le processus de deuil et comment celui-ci peut occuper une place bénéfique lors des funérailles, voire aider à surmonter la peine.

Pour lui, les funérailles ne devraient pas être uniquement des occasions de tristesse. « Les funérailles ne sont jamais qu’un contexte. À partir de là, modifions les funérailles pour qu’elles aident les vivants. » Il raconte même des anecdotes touchantes de familles qui, au lieu de pleurer, ont choisi de célébrer la vie de leurs proches à travers l’humour.

En somme, l’humour noir ne se limite pas à être provocateur : il est, selon De Florenne, le meilleur moyen de se réapproprier nos sensibilités face à la mort et de rendre hommage à nos défunts d’une manière qui favorise le souvenir et l’apaisement.