Belgique

L’Europe ne se rassure pas face à la situation politique en France.

Les institutions européennes se retranchent derrière une prudente neutralité lorsque des États membres traversent des crises, comme c’est le cas de la France aujourd’hui. Selon l’eurodéputé Les Engagés Yvan Verougstraete, « ce qui se passe en France est un problème pour l’Europe », car la crise entame « la crédibilité de notre monnaie unique, de notre puissance économique ».

La gestion des crises politiques nationales suit toujours le même protocole à Bruxelles. Lorsqu’un État membre, tel que la France aujourd’hui, fait face à une crise, les institutions européennes se positionnent avec une neutralité prudente.

Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission européenne, évite toute prise de parole sur les affaires intérieures d’un pays. De même, Antonio Costa, à la tête du Conseil européen, s’en tient à cette réserve : il représente les 27 sans s’immiscer dans leurs affaires internes, même si la situation devient préoccupante.

Cependant, sous cette apparente sérénité, l’inquiétude grandit. « Si un des moteurs de la construction européenne tourne à vide, le pilotage de l’avion européen pourrait devenir plus complexe, d’autant plus que nous faisons face à de nombreuses turbulences », confie un fonctionnaire européen.

Répercussions et inquiétudes européennes

Ailleurs en Europe, un contraste similaire se dresse entre les discours officiels et les ressentis populaires. À Berlin, le porte-parole du chancelier allemand Merz a appelé à ne pas exagérer la gravité de la situation politique française. En revanche, la presse allemande se montre beaucoup plus critique : « On a l’impression que trop d’individus à Paris lorgnent sur de nouvelles élections au lieu de s’attaquer aux problèmes sérieux du pays », avance le Frankfurter Allgemeine. Une analyse similaire provient de Rome : « La France est aujourd’hui le maillon faible de l’UE », observe la Repubblica.

Derrière ces réflexions se cache une appréhension commune : la paralysie française pourrait fragiliser l’équilibre européen. Avec une dette avoisinant les 3500 milliards d’euros, la France demeure l’un des pays les plus endettés de l’UE. Bien qu’elle ait promis à la Commission européenne de ramener son déficit sous la barre des 3 % d’ici 2029, la trajectoire budgétaire semble lointaine. Les efforts de Michel Barnier et François Bayrou pour imposer des économies significatives ont été freinés par la réalité politique. Sébastien Lecornu, quant à lui, n’a même pas eu l’occasion de présenter une proposition budgétaire.

L’inquiétude des eurodéputés

« Ce qui se passe en France est un problème pour l’Europe », reconnaît l’eurodéputé Les Engagés Yvan Verougstraete. Pour lui, cette crise entame « la crédibilité de notre monnaie unique, de notre puissance économique ». L’eurodéputé Vert allemand Daniel Freund renchérit : « On voit que les marchés financiers réagissent. Le spread des intérêts en France, en Allemagne s’accroît. La France est un pays assez endetté avec un déficit considérable. La situation inquiète forcément en Allemagne, d’autant que sans gouvernement en France, il n’y aura pas de budget, ce qui n’est pas une bonne nouvelle, ni pour la France, ni pour l’Europe ».

Pour l’eurodéputé Les Engagés Yvan Verougstraete, « ce qui se passe en France est un problème pour l’Europe » © European Union 2025 – Source : EP

L’eurodéputée NVA Assita Kanko se montre plus directe. « Le président Emmanuel Macron a perdu le contrôle de sa présidence depuis les dernières élections européennes. Le problème aujourd’hui, c’est que l’Union européenne doit faire face à de nombreux défis et que nous avons besoin de tout le monde autour de la table du Conseil afin de pouvoir renforcer nos liens avec les États-Unis, définir nos positions au niveau international et renforcer nos capacités de défense ».

Pour l’eurodéputée NVA Assita Kanko, « Emmanuel Macron a perdu le contrôle de sa présidence depuis les dernières élections européennes » © European Union 2024 – Source : EP

Peur d’un effet de contagion politique

Pour Yvan Verougstraete, un retour à une situation stable nécessite une recomposition politique en France. « Certes, la dissolution de l’Assemblée Nationale au soir du 9 juin 2024 n’a pas été l’acte le plus intelligent des dernières années, mais le problème est plus profond et fondamental. Je pense qu’aujourd’hui, si les hommes et les femmes politiques ne retrouvent pas une capacité à dépasser leurs petits intérêts partisans, la situation s’enlisera. Face aux extrêmes, il est indispensable de proposer un projet qui rassemble la population. Sinon, cela nous mène à une paralysie complète ».

L’eurodéputé allemand du groupe des Verts estime que la crise politique française commence déjà à se faire ressentir au Parlement européen © European Union 2025 – Source : EP

C’est précisément cette dérive vers la paralysie que redoute Daniel Freund. « L’extrême droite est déjà bien installée au Parlement européen. Le week-end dernier, les élections en République tchèque ont montré qu’elle s’installait aussi confortablement au Conseil. Ce n’est pas anodin si les deux motions de censure déposées cette semaine au Parlement européen contre Ursula von der Leyen ont été portées d’une part par le dirigeant du Rassemblement National Jordan Bardella, et d’autre part par la cheffe de file de la gauche radicale Manon Aubry. C’est déjà une forme d’exportation de la crise politique française dans les institutions européennes et je crains que ce ne soit que le début. »

Face au silence prudent des capitales et des institutions européennes, les inquiétudes de ces députés révèlent combien la stabilité politique de Paris reste essentielle à la cohésion et à la solidité de l’UE dans son ensemble.