Belgique

L’Europe inflige une amende « symbolique » à X : début d’un « combat acharné » numérique.

La Commission européenne a infligé une amende de 120 millions d’euros au réseau social X (ex-Twitter) pour non-respect de ses obligations de transparence dans le cadre du règlement européen sur les services numériques. X a entre 60 et 90 jours pour se mettre en conformité, sans quoi il pourrait faire l’objet d’amendes supplémentaires.


Il aura fallu deux ans d’enquête pour que la Commission européenne prenne des mesures. Ce vendredi 5 décembre, elle a infligé une amende au réseau social X (anciennement Twitter). La société américaine a omis de respecter ses obligations de transparence définies par le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act, DSA). Si des mesures correctives ne sont pas mises en place dans les mois à venir, X pourrait être sanctionné à hauteur de 120 millions d’euros.

« Le DSA rétablit la confiance dans l’environnement en ligne », a souligné Henna Virkkunen, vice-présidente de la Commission européenne responsable de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie.

« On assiste à un combat pour instaurer des règles dans les espaces numériques », a confirmé Nicolas Van Zeebroeck. « Mais c’est aussi un combat pour essayer d’affirmer l’autorité et la souveraineté de l’Europe, surtout depuis que nous avons commencé à mesurer les conséquences de notre dépendance à des plateformes principalement américaines. »

Ces combats sont encore à un stade précoce et leur issue demeure incertaine.

La Commission européenne, qui supervise le numérique dans l’UE, accuse X d’avoir commis trois infractions.

Premièrement, les « coches bleues » d’X sont jugées trompeuses. À l’origine, ces badges étaient attribués après vérification à des comptes fiables. Cependant, depuis l’achat par Elon Musk, « n’importe qui peut payer pour obtenir le statut ‘vérifié’ sans que l’entreprise ne vérifie substantiellement qui se trouve derrière le compte », estime le régulateur européen. « Cette tromperie expose les utilisateurs à des escroqueries, y compris des fraudes à l’identité, ainsi qu’à d’autres méthodes de manipulation par des acteurs malveillants. »

Ensuite, X est critiqué pour son manque de transparence concernant les publicités. Le DSA exige que les grandes plateformes numériques mettent en place des registres de publicités accessibles afin de faciliter la détection des escroqueries, des campagnes de menaces hybrides ou des fausses publicités. Des exigences que la société américaine n’a pas respectées.

Enfin, l’exécutif européen reproche à X d’ériger des barrières inutiles pour les chercheurs indépendants désirant accéder à ses données publiques, telles que le nombre de vues, de likes, de partages, ou les tendances de hashtags. En étudiant des phénomènes comme la polarisation des opinions ou la propagation de contenus sur les réseaux sociaux, les chercheurs peuvent identifier des risques systémiques pour nos démocraties, tels que les tentatives d’ingérence étrangère lors des élections.

Ces infractions entraînent une amende de 120 millions d’euros pour X. Cette somme va-t-elle pousser l’entreprise à corriger le tir ? Son propriétaire, Elon Musk, possède pour sa part une richesse évaluée en centaines de milliards de dollars…

« Il faut faire attention », réagit Nicolas Van Zeebroeck. « On met à l’amende X, et non son propriétaire. Or X est une entreprise qui n’est pas hyper rentable et ne génère pas un chiffre d’affaires aussi conséquent que celui de Google ou de Microsoft. Selon mes derniers chiffres, le chiffre d’affaires total de X se situe entre 3 et 4 milliards de dollars. Ainsi, 120 millions d’euros représente une somme non négligeable par rapport à ce chiffre d’affaires. »

La Commission européenne se défend de n’avoir pas été trop sévère avec la société américaine. Le DSA stipule que le fournisseur d’une plateforme numérique peut être sanctionné jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires mondial annuel. Cependant, il faut considérer ce montant comme un seuil à ne pas franchir, a expliqué un fonctionnaire européen. Les amendes sont calculées selon des critères tenant compte de la nature, de la gravité et de la durée des infractions. Sur cette base, l’amende pour les coches bleues a été estimée à 45 millions d’euros, celle pour les publicités à 35 millions, et celle pour l’accès aux données à 40 millions d’euros.

Le réseau X dispose entre 60 et 90 jours pour se conformer. À défaut, d’autres amendes pourraient être infligées.

Ces infractions entraînent donc pour X une amende de 120 millions d’euros. Cette somme va-t-elle inciter l’entreprise à remédier aux problèmes ? Son propriétaire, Elon Musk, dispose d’une fortune considérable…

« Il faut rester vigilant, » avertit Nicolas Van Zeebroeck. « On inflige une amende à X, pas à son propriétaire. Toutefois, X n’est pas particulièrement rentable et n’atteint pas le chiffre d’affaires des géants tels que Google. Les derniers chiffres que j’ai, indiquent que X gagne environ 3 à 4 milliards de dollars. Donc, 120 millions d’euros restent une somme significative. »

La Commission européenne, pour sa part, refuse de voir dans cette sanction une atteinte à la société américaine. Le DSA précise que, pour un fournisseur de plateforme numérique, les amendes peuvent atteindre 6 % de son chiffre d’affaires annuel global. Mais il est crucial de comprendre ce montant comme un plafond à ne pas dépasser, insiste un fonctionnaire européen. Les amendes sont estimées en fonction de critères liés à la nature, à la gravité et à la durée des infractions. De cette façon, l’amende pour les coches bleues a été fixée à 45 millions d’euros, pour les publicités à 35 millions, et pour l’accès aux données à 40 millions d’euros.

Le réseau X a entre 60 et 90 jours pour se mettre en conformité. S’il ne le fait pas, des amendes supplémentaires pourraient lui être imposées.

Une autre critique faite à la Commission européenne concerne sa lenteur. Deux ans ont été nécessaires pour prendre une première mesure dans le cadre du DSA. Elle se défend néanmoins. Ce règlement est nouveau et a nécessité la mise en place de nouvelles équipes. Le processus inclut également un dialogue avec les plateformes, ce qui prend du temps.

« Je comprends ses arguments, » répond le spécialiste de la Solvay School à l’ULB. « Mais cela reste un vrai souci. La crédibilité de ces législations repose sur l’efficacité et la rapidité de leur mise en œuvre. Si une enquête prend deux ans pour donner lieu à une mesure qui, comme dans le cas d’X, est encore relativement symbolique, cela nuit gravement à la crédibilité de l’instrument. »

Non seulement la décision de la Commission européenne a tardé, mais elle est également perçue comme symbolique par Nicolas Van Zeebroeck. « C’est troublant. Il existe un fossé entre les grands principes que l’Europe tente d’honorer avec ces règlements et la décision de la Commission, qui se concentre sur des détails. Je ne dis pas que les infractions d’X ne sont pas significatives, mais je les trouve plutôt symboliques, secondaires et très techniques. »

De plus, d’autres aspects de l’enquête contre X restent ouverts. Les investigations européennes se poursuivent concernant la désinformation et les manipulations de contenus via l’algorithme du réseau social américain. « Ces enjeux sont plus cruciaux. Ils se rapprochent de l’esprit du DSA, qui cherche à garantir la sécurité en ligne au sein de l’Union européenne, » souligne le professeur en économie et stratégies numériques.

La Commission européenne aurait donc choisi de ne pas s’attaquer frontalement à X, optant pour un délai. Pourquoi cette approche ? Peut-être pour éviter d’accentuer les tensions avec les États-Unis, qui ont vu l’administration Trump et de nombreux leaders de la tech américaine, dont Elon Musk, s’opposer fermement aux réglementations numériques européennes, perçues comme des instruments de censure ciblant spécifiquement leurs entreprises.

« C’est peut-être une manière de tâter le terrain, » avance prudemment Nicolas Van Zeebroeck. « On peut interpréter cela ainsi. Mais je n’ai pas accès aux véritables motivations de la Commission. Honnêtement, je ne sais pas si c’est ce qui l’a guidée, mais cela permet de tester la réaction américaine, avant d’aborder possiblement des sujets plus importants. »

La réponse des États-Unis n’a pas tardé. Après l’annonce de l’amende contre X, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a rapidement critiqué cette décision comme une « attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain ».

Elon Musk a attendu le dimanche pour réagir. Sur son réseau X, il a affirmé que « l’UE devrait être abolie et que les États membres devraient retrouver leur souveraineté, ce qui permettrait aux gouvernements de mieux représenter leurs citoyens. »

Anticipant la potentielle indignation américaine, la vice-présidente de la Commission européenne a insisté sur le fait que la sanction « n’avait rien à voir avec la censure », mais relevait de l’application stricte des lois européennes. « Si vous vous conformez à nos règles, vous n’aurez pas d’amende, » a-t-elle précisé.

Ces échanges pourraient constituer le début d’une bataille difficile. La Commission européenne a lancé plusieurs enquêtes contre des géants du web américains et chinois, tels qu’Apple, Google, Meta (propriétaire de Facebook et Instagram), Amazon et TikTok.

« Ce sera un combat acharné pour établir un certain état de droit dans l’espace numérique », conclut Nicolas Van Zeebroeck. « Certains revendiquent un espace entièrement libertarien, sans aucune autorité ni contrôle. D’un autre côté, l’idée de transformer nos outils numériques en un Big Brother surveillant nos vies privées ne constitue pas non plus une solution. Il est évident qu’il existe un état de non-droit aujourd’hui sur les plateformes numériques, auquel il faut mettre fin. Cette lutte sera certainement ardue. »

Elle ne fait que commencer.