Les travailleurs des arts pas concernés par la réforme du chômage ? “C’est notre ligne rouge et on sera très vigilants”, assure Élisabeth Degryse

La ministre-présidente de la Communauté française Élisabeth Degryse (Les Engagés) était l’invitée de Maxime Binet dans le « Café Sans Filtre » sur LN24 ce jeudi 10 avril 2025. Elle est notamment revenue sur la réforme de la loi chômage, sur le statut des artistes mais aussi sur le mouvement de grogne du monde de l’enseignement contre la réforme du qualifiant et la fin de la nomination.
- Publié le 10-04-2025 à 11h57
Avec la réforme du chômage voulue par le gouvernement fédéral et que le ministre de l’Emploi David Clarinval espère voir votée avant l’été, les allocations de chômage seront limitées à deux ans maximum, ce qui devrait exclure environ 100.000 chômeurs, selon les chiffres de l’ONEM.
Interrogée par Maxime Binet sur l’impact potentiel de cette réforme sur les artistes, la ministre-présidente de la Communauté française Élisabeth Degryse tient à rassurer les travailleurs des arts. « On sera très vigilants pour que leur statut ne soit pas concerné par cette réforme. Ce n’est pas une exception au régime du chômage, c’est un statut spécifique », rappelle celle qui a été élue députée sous l’étiquette des Engagés en 2024.
Le statut des artistes, une « ligne rouge » pour les Engagés
Néanmoins, il semble que le parti centriste et son partenaire du MR ne partagent pas la même vision sur le sujet. S’exprimant en séance plénière du parlement fédéral, le ministre fédéral de l’Emploi, de l’Économie et de l’Agriculture David Clarinval a déclaré que ce n’était « ni valorisant ni équitable » que les artistes soient considérés comme une exception.
« Dans le secteur, il existe deux tendances, explique Élisabeth Degryse. Une qui vise à dire que le statut d’artiste reste dans le cadre de l’Onem, l’autre qui dit qu’il faut un statut spécifique. Ce qui est certain, c’est qu’il faut qu’on puisse préserver l’entièreté des droits des travailleurs des arts et de la financabilité du système. Dans la déclaration de politique au fédéral, le statut des artistes est préservé. Monsieur Clarinval et ses collègues du MR en Fédération Wallonie-Bruxelles le savent : le statut des travailleurs des arts est une ligne rouge pour les Engagés. »
guillement S’il faut un jour réformer le statut des artistes, ce sera en concertation avec l’ensemble du secteur et des fédérations.
Pour la ministre-présidente de la Communauté française, il n’est « pas question » aujourd’hui de réformer le statut des travailleurs des arts mais de réformer la loi chômage. « S’il faut un jour réformer ce statut, ce sera en concertation, non seulement avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi avec l’ensemble du secteur et des fédérations, car c’est extrêmement technique », explique-t-elle.
Dans l’accord de gouvernement, il pourtant écrit noir sur blanc qu’il faut arrêter cette logique d’allocations de chômage pour le statut d’artiste, comme le rappelle Maxime Binet. Mais Elisabeth Degryse insiste, son objectif est de garantir les droits des artistes. « Aujourd’hui, au sein de l’Onem, ça fonctionne. La dernière réforme de ce statut date de 2024 et la première échéance est 2029 car les attestations données durent 5 ans. De toute façon, il n’y a pas de réforme sans analyse, ni évaluation. »
Réforme du qualifiant : des « réorganisations » mais pas de pertes d’emplois ?
Cette semaine, l’actualité concerne également les écoles. Depuis ce lundi, des actions de grève ont lieu dans l’enseignement en front commun pour protester contre les réformes engagées par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, notamment celle de l’enseignement qualifiant. Ce jeudi 10 avril, le mouvement de grogne concerne la province de Hainaut avec un rassemblement prévu à Mons.
« Notre réforme ne vise absolument pas à sortir les jeunes du qualifiant mais à faire en sorte que, lorsqu’on a son CESS et qu’on veut faire une année complémentaire, on puisse le faire dans l’enseignement pour adultes », rappelle la ministre-présidente de la Communauté française.
guillement La réduction des NTPP, ce ne sont pas 3% des enseignants en moins mais 3% des périodes.
Interrogée sur de potentielles pertes d’emploi causées par la réforme du qualifiant, Elisabeth Degryse tempère. « Il y a effectivement une réduction des NTPP (NdLR : Nombre Total de Périodes Professeurs) mais ce ne sont pas 3 % des enseignants en moins : c’est 3 % des périodes. Il y aura peut-être des réorganisations mais on est en période de pénurie et il y a toute une série d’endroits où on manque de professeurs. C’est aussi de la responsabilité des pouvoirs organisateurs de travailler sur l’ensemble de leurs écoles pour voir comment utiliser au mieux les forces vives existantes. »
La fin des nominations pour « lutter contre la pénurie »
Si les syndicats estiment que les réformes du Pacte pour un enseignement d’excellence sont importantes, ils pensent également qu’elles vont peut-être un peu trop vite. La prochaine réforme est d’aller jusqu’au bout du tronc commun jusqu’en 3e secondaire. Dès lors, faut-il appuyer sur pause ?
« Le secteur dit depuis longtemps que le Pacte, qui date de 2017, est passionnant mais qu’il demande beaucoup de travail sur le terrain pour les directions et les enseignants. On peut entendre qu’il y ait une certaine fatigue. Ce qu’on dit, c’est de prendre le pacte, de l’évaluer, de mettre notre propre touche de ce gouvernement avec de légers changements et de reprendre le temps avec l’ensemble des acteurs de se réaligner sur les réformes essentielles. Cela ne veut pas dire faire une pause », assure-t-elle.
guillement On veut maintenir les enseignants quand ils démarrent car il y en a 1 sur 3 qui partent dans les 5 ans. On ne peut pas laisser filer ces talents.
À l’image de la fin de la nomination et du passage en « CDIE », d’autres réformes également mises en place par le gouvernement actuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles font grincer des dents au sein du monde enseignant. Pour Elisabeth Degryse, il faudra pourtant passer par là afin de « lutter contre la pénurie » d’enseignants.
« Dans notre déclaration de politique communautaire, il y a effectivement la piste de la fin de la nomination. Aujourd’hui, celle-ci génère beaucoup d’insécurité pour les jeunes enseignants. On veut maintenir les enseignants quand ils démarrent car il y en a 1 sur 3 qui partent dans les 5 ans. On ne peut pas laisser filer ces talents. On doit les garder et permettre de la flexibilité dans leur carrière. On pense que cela passera par la fin de la nomination et par un contrat à durée indéterminée. Mais c’est vrai qu’il y a du flou. C’est pour cela que Madame Glatigny et moi-même avons lancé 4 groupes de travail avec les syndicats et les fédérations de PO », conclut Elisabeth Degryse.


