Belgique

Les sociétés de management ne sont pas exemptées de l’enquête fédérale.

Franck Vandenbroucke, ministre fédéral de la santé et vice-Premier ministre chargé du budget 2026, a déclaré que « les sociétés de management c’est de l’évasion fiscale, même de la fraude fiscale légalisée ». Le rapport du Comité de monitoring montre que le nombre de sociétés de management a quasiment triplé en six ans, passant d’environ 20.000 à plus de 55.000 structures.

« Les sociétés de management, c’est de l’évasion fiscale, même de la fraude fiscale légalisée« . Cette déclaration émane de Franck Vandenbroucke, ministre fédéral de la santé et vice-Premier ministre chargé de négocier le budget 2026 de l’État fédéral pour les socialistes flamands de Vooruit, en discussion avec les autres partis de la coalition Arizona.

Plus tôt dans la semaine, le ministre du Budget Vincent Van Peteghem, représentant les chrétiens-démocrates flamands du CD&V, avait déjà exprimé dans la presse son inquiétude face à l’augmentation significative du recours à ce type de société en Belgique. « Il faut mettre un terme au recours croissant aux sociétés de gestion« , a-t-il déclaré, notamment dans les colonnes du Standaard, qualifiant cette pratique de « problème majeur« , comparable à l’explosion des flexi-jobs ou à l’exagération des droits d’auteur.

Une explosion du nombre de sociétés de management

Pourquoi, alors, cette focalisation de l’aile gauche et centriste du gouvernement sur les sociétés de management ? Tout a commencé avec un rapport du Comité de monitoring (l’organe chargé des finances publiques) qui a révélé que le nombre de sociétés de management a presque triplé en six ans, passant d’environ 20.000 à plus de 55.000 structures.

Cette tendance est également confirmée par une étude de la KU Leuven, qui montre que les bénéfices cumulés des sociétés de management ont considérablement augmenté ces dernières années, atteignant aujourd’hui plus de 57 milliards d’euros.

Bien que, selon le journal L’Echo, la création de nouvelles sociétés de management ait déjà commencé à ralentir depuis le début de l’année 2025, l’essor de ces structures a été indéniable ces dernières années.

Un système séduisant

Ce succès peut s’expliquer par l’attrait des sociétés de gestion. Une étude récente du Conseil supérieur des Finances révèle que les personnes passant par une société subissent une pression fiscale moyenne d’environ 35%, contre près de 60% pour un salarié (cotisations patronales incluses) et 50% pour un indépendant en personne physique.

Outre la fiscalité sur les bénéfices, les sociétés de management offrent d’autres avantages. Certains dirigeants optent pour un salaire réduit, voire nul, ce qui leur permet de bénéficier d’allocations familiales plus élevées et de réductions sur les soins de santé, bien qu’ils restent soumis à un impôt des sociétés de 25%.

Injuste… ou nécessaire ?

Le ministre Franck Vandenbroucke a pointé le fait que ces structures permettent à des individus bien rémunérés de générer davantage de revenus tout en affaiblissant les finances de l’État. Selon lui, « On peut cacher un revenu, qui n’est pas celui d’un indépendant prenant des risques, mais un revenu salarié, bien sécurisé. On peut dissimuler cela dans une société de management et ainsi payer très peu d’impôts, c’est fondamentalement injuste« , a-t-il déclaré ce vendredi matin sur notre antenne.

Pour des personnes n’ayant qu’un seul employeur ou un seul lieu de travail, avoir une société de management, c’est de la fraude fiscale légalisée

Frank Vandenbroucke, vice-Premier ministre de la Santé (Vooruit)

Cependant, cette analyse est contestée par le Syndicat neutre pour les indépendants (SNI), qui souligne que « le chef d’entreprise travaillant par le biais d’une société de gestion ne bénéficie pas d’un filet de sécurité sociale comme un salarié. Il ne touche pas d’allocations de chômage et ne dispose pas de revenu garanti en cas de revers de fortune. La société de gestion est une méthode légalement nécessaire pour compenser fiscalement ce risque et investir dans l’avenir« . Le syndicat ajoute qu’il ne s’agit pas d’une réforme, mais d’une augmentation d’impôt visant à équilibrer le budget au détriment des entrepreneurs.

Les projets du ministre Van Peteghem et de l’aile gauche du gouvernement ont donc été mal accueillis par le secteur des professions libérales, des fiscalistes et des indépendants en général. Toutefois, ce vendredi, le ministre Vandenbroucke a tenu à faire la distinction entre les différents profils. Selon lui, « Pour un vrai indépendant qui prend des risques et a un portefeuille diversifié, cela se comprend. Mais pour des personnes n’ayant qu’un seul employeur ou un seul lieu de travail, avoir une société de management, c’est de la fraude fiscale légalisée« .

Des mesures déjà prises récemment

Le SNI demande à l’ensemble du gouvernement fédéral de ne pas créer d’incertitudes supplémentaires pour les entrepreneurs, tandis que certains fiscalistes rappellent que les règles concernant les sociétés de management ont récemment été modifiées.

Parmi celles-ci, on note l’augmentation de 45.000 à 50.000 euros de rémunération annuelle obligatoire (et donc imposable) pour les dirigeants souhaitant bénéficier d’un taux d’imposition réduit sur les bénéfices ; ainsi que le plafonnement des avantages en nature à 20% du revenu total. Ces mesures, décidées par l’actuel gouvernement, rendent déjà moins attrayante la création d’une société. C’est probablement l’une des raisons du ralentissement dans l’utilisation de cette formule ces derniers mois, comme l’a indiqué le journal L’Echo.

Après la bataille des dépenses, la bataille des recettes ?

À ce stade, il est important de noter qu’il n’est pas certain que cette dispute autour des sociétés de management conduise à de nouvelles régulations dans ce domaine. En effet, proposer des idées de mesures dans la presse pour renforcer la position politique de son parti et exercer une pression sur les autres engagés dans les discussions budgétaires est une stratégie bien connue en politique belge. Mais surtout, on commence à percevoir que cela s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large.

Les dépenses sont même plus basses que prévu. Ça, c’est une excellente nouvelle. Mais on a perdu le contrôle des recettes.

Franck Vandenbroucke a déclaré à ce sujet : « On contrôle bien les dépenses de l’État fédéral. Les dépenses sont même plus basses que prévu. Ça, c’est une excellente nouvelle. Mais nous avons perdu le contrôle des recettes. Il existe une dynamique, une lourde tendance à la perte de recettes, liée à des mécanismes d’évasion fiscale, voire de fraude fiscale, et à des effets économiques que nous ne contrôlons pas. Nous devrons donc agir là-dessus, sans aucun tabou.« 

Cette analyse est corroborée par une enquête du journal De Tijd qui a montré que les recettes fiscales ont constamment diminué depuis 2014, en partie à cause de choix délibérés des différents gouvernements et en partie à cause d’effets d’aubaine et de « trous » créés involontairement dans le système fiscal. Un constat qui, dans le contexte budgétaire actuel, pourrait inciter certains membres du gouvernement à explorer des méthodes de financement possibles, plutôt que de se concentrer uniquement sur des coupes budgétaires et les effets d’incitations favorables aux milieux économiques.