Les ONG ne sont pas au-dessus de la surveillance du Parlement européen
Le PPE, la famille politique de centre droit, est largement soutenu par des groupes ultraconservateurs et souverainistes au Parlement européen, qui reprochent aux ONG d’utiliser des financements européens pour faire avancer leurs idées sur le Green Deal. Selon une étude menée par Linda Givetash, le changement d’attitude du public envers les ONG porte atteinte à la liberté d’association et nuit à la démocratie.
C’est une proposition du PPE, le parti politique de centre droit, soutenue par des groupes ultraconservateurs et souverainistes au sein du Parlement européen. Ces derniers critiquent les ONG pour leur utilisation de financements européens afin de promouvoir leurs idées auprès de la Commission ou du Parlement, notamment concernant le Green Deal.
Cependant, de nombreux experts estiment que cette initiative vise avant tout à discréditer les ONG environnementales, en particulier le Green Deal. Transparency International a décrit cette démarche comme une chasse aux sorcières, semblable à celle entreprise par le gouvernement hongrois pour limiter le financement des ONG en provenance de l’étranger.
Les députés socio-démocrates, centristes, libéraux, verts et de gauche ont décidé de boycotter les travaux de ce groupe de contrôle. Lors de la première réunion de travail mercredi, ces élus ont quitté la salle devant les caméras pour exprimer leur désaccord face à ce qu’ils considèrent comme une initiative partisane de la droite et de l’extrême droite, destinée à faire taire les voix qui s’opposent à leurs idées.
Linda Givetash, journaliste ayant réalisé une enquête pour les radios du réseau Euranet+, partage cette analyse. Elle note que près de 600 ONG ont diffusé un communiqué commun en avril dernier, signalant que des eurodéputés bien informés utilisaient des arguments fallacieux pour créer un prétendu scandale visant à suspendre le financement des associations. Les ONG se plaignent d’être constamment accusées de mauvaise gestion des fonds européens, y compris par les médias.
### ONG Bashing
Ce phénomène d’“ONG bashing” ne concerne pas uniquement les organisations environnementales. Dirk Gotink, eurodéputé néerlandais et initiateur de cette démarche au Parlement, souhaite élargir les activités de son groupe aux ONG traitant des questions de migration ou de commerce, qui s’opposent aux États membres devant la Cour de justice de l’Union européenne. En élargissant le regard, il devient évident que cette remise en cause du travail des ONG s’observe également au sein des États membres.
Corporate Europe Observatory, une ONG qui surveille l’influence des lobbies dans l’Union européenne et qui ne reçoit aucun financement européen, affirme que le retrait de fonds aux ONG nuirait finalement à l’intérêt public et minerait la confiance des citoyens.
### Stress Test en Belgique
Martien Schotsmans, directrice de l’Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains, a mené une enquête auprès de 159 organisations de la société civile. « Nous leur avons demandé comment elles perçoivent l’espace civique, dans lequel elles peuvent opérer en tant qu’associations et défenseurs des droits humains. Près de 55 % d’entre elles ont exprimé qu’elles ressentent régulièrement de l’intimidation ou de l’agression, au moins deux fois par mois, que ce soit par des menaces légales ou des campagnes de dénigrement. Plus d’une ONG sur cinq déclare être victime de campagnes médiatiques négatives, et 19 % ont subies des cyberattaques, qui ne sont pas toujours sophistiquées mais parfois orchestrées par des trolls pour bloquer leurs sites Web. »
Erynn Robert, coordinateur général de Prisme, fédération wallonne des associations LGBTQIA+, constate une montée des tensions conservatrices depuis deux ou trois ans. « C’est un peu toute cette mouvance anti-woke qu’on voit aux États-Unis, au Royaume-Uni et qui arrive aussi en Europe », explique-t-il. Ces mouvements propagent des informations manifestement fausses, en particulier sur des sujets liés au genre et aux personnes transgenres, y compris concernant les transitions de genre chez les mineurs. Erynn Robert a identifié le centre de recherche ultraconservateur MCC, basé à Bruxelles mais financé par la Hongrie, comme l’un des vecteurs de cette désinformation.
### Risque pour la démocratie
L’étude de Linda Givetash souligne que le risque concerne non seulement le financement des ONG, mais aussi leur capacité à soutenir les groupes vulnérables. Le changement d’attitude du public, accompagné d’une méfiance croissante et d’une diminution des financements, réduit la capacité de ces groupes à mener à bien leur travail souvent essentiel, tout en portant atteinte à la liberté d’association, décourageant l’engagement civique et, ultimement, menaçant la démocratie.
Pour qu’une démocratie soit efficace, il est vital que toutes les voix soient entendues, celles qui soutiennent les politiques publiques comme celles qui les contestent.

