Les mesures sociales de l’Arizona sèment la panique chez les travailleurs sociaux : “Nous allons devoir fliquer nos bénéficiaires, douter d’eux »
Entre la limitation des allocations de chômage, la réforme des pensions et l’austérité dans les services publics, les CPAS redoutent une explosion de la précarité. Déjà en difficulté, ces derniers remparts sociaux craignent de ne plus pouvoir faire face à l’afflux massif de nouveaux bénéficiaires.
- Publié le 19-02-2025 à 09h37
- Mis à jour le 19-02-2025 à 09h50

L’Arizona a donné le ton. D’ici 2030, le taux d’emploi national doit atteindre 80 %, soit un objectif de +7,7 %. Le monde social bouillonne. Les réformes gouvernementales ne passent pas. Le jeudi 13 février dernier, entre 50 000 et 100 000 personnes manifestaient à Bruxelles, parmi lesquels des travailleurs sociaux des CPAS. Ils ont en grippe la limitation des allocations de chômage à deux ans pour les moins de 55 ans et la modification du rôle des assistants sociaux. Ces derniers dénoncent un report des charges sur les épaules des pouvoirs locaux, déjà en difficulté. Mais aussi une volonté de l’Arizona de transformer leur métier en une instance de contrôle social.
« Nous allons devoir fliquer nos bénéficiaires. Douter d’eux. Les contrôler sans cesse et les orienter vers des emplois inadaptés, précaires… », s’indigne Joëlle Janssens, directrice de l’action sociale au CPAS de Wavre.
Avant d’ajouter : « Ceux qui n’auront plus droit au chômage se retrouveront au revenu d’intégration sociale (RIS). Il faut bien se mettre en tête que cette aide n’est là que pour survivre. Vous ne vivez pas avec le RIS. Cela vous permet à peine de garder la tête hors de l’eau. »
Sur les 320 000 chômeurs dénombrés par Statbel en 2024, la moitié est concernée par la limitation à deux ans. Une fois cette porte fermée, les possibilités de subsistance économique sont peu nombreuses. Il faut trouver un travail à la hâte, si l’on peut, ou se tourner vers d’autres types d’aides, comme le revenu d’intégration sociale, géré par les CPAS. C’est sur ce point que les travailleurs sociaux sont inquiets.
L’impossible défi des CPAS
Selon une estimation de plusieurs syndicats, 70 % des futurs exclus des allocations de chômage dépendront à l’avenir des CPAS par le biais du RIS. Cela représente plus de 100 000 nouveaux bénéficiaires à charge des centres publics d’action sociale pour l’année à venir. Une charge de travail colossale pour des CPAS déjà proches de la saturation.
« C’est tout bonnement ingérable. Impossible. Nous sommes en pénurie de personnel. Nous avons mis six mois à recruter une seule assistante sociale. Comment voulez-vous que l’on suive la cadence sans augmenter nos moyens ? », analyse Joëlle Janssens.
Les assistants sociaux font aussi face à la colère de la population contre les mesures gouvernementales d’austérité. Car les mesures vont se concrétiser dans les bureaux des travailleurs sociaux. Joëlle Janssens s’attend à un climat tendu, qui risque d’impacter fortement les conditions de travail de son équipe : « Nous allons être en défaut face à la loi. Celle-ci nous demande de verser l’aide aux bénéficiaires dans le mois qui suit leur inscription. Imaginez-vous, avec cette tonne de nouveaux dossiers qui vont venir s’ajouter aux nombreux existants, comment fait-on pour être dans les temps ? Ce n’est tout simplement pas possible. Nous ne pourrons pas toujours respecter les droits des citoyens. »
Selon Joëlle Janssens, « il sera très compliqué de fournir les aides à temps pour les personnes dans le besoin. Cela va créer un cercle vicieux de précarité. Ils vont se surendetter pour payer leur loyer en attendant de toucher le RIS. Puis, ils ne pourront pas payer toutes leurs factures avec ce montant. Etc., etc. »