« Les mesures de l’Arizona sont un cataplasme sur une jambe de bois »
Ancien juge d’instruction, Michel Claise maîtrise tous les rouages de la lutte contre la criminalité internationale. Fraîchement retraité, il met désormais son expertise au service de sa commune, Forest, où il siège au conseil communal et de police sous la bannière de Défi. Pour La Libre, il évoque les enjeux et crises qui entourent les services de police. Non sans étriller au passage, les mesures de l’équipe fédérale de Bart De Wever.
- Publié le 15-03-2025 à 07h07
- Mis à jour le 15-03-2025 à 07h08

Le gouvernement veut fusionner les zones de police à Bruxelles. Mauvaise idée ?
Le ministre de l’Intérieur Bernard Quintin va faire le coup de force alors… Je m’oppose à la fusion des zones de police, parce qu’elle représente un recul, alors que nous sommes dans une situation critique. Nous avons plutôt besoin d’avancées rapides. Quoi qu’il arrive, c’est beaucoup trop tôt, comme l’expliquait Julien Moinil, le procureur du Roi de Bruxelles. Vous n’allez pas détricoter ce qui existe et fonctionne déjà difficilement, pour faire quelque chose qui ne fonctionnera forcément pas.
L’Arizona semble vouloir avancer rapidement sur ce dossier. Cela répond à un agenda nationaliste, selon vous ?
Évidemment ! On le sait tous. C’est une volonté flamande. Qui a pu accepter ce projet lors des négociations ? Des gens qui n’habitent pas à Bruxelles : Prévot et Bouchez. L’accord de gouvernement m’inquiète. Plutôt que de toucher aux institutions judiciaires, il faut les renforcer. Le texte ne prévoit absolument pas de refinancement. Je ne parle d’ailleurs même plus de pouvoir judiciaire, il n’existe plus.
Les mesures du nouvel exécutif vous semblent insuffisantes ?
Il y a 25 ans, j’aurais probablement trouvé que c’était une bonne idée. Aujourd’hui, ces mesures sont un cataplasme sur une jambe de bois.
guillement Quand je lis la presse, sans connaître évidemment les détails du dossier, je me dis de temps en temps : nous n’avons pas besoin de truands, il suffit que les policiers s’entretuent. Je le regrette profondément, nous avons d’autres priorités que de nous tirer dessus.
Vous prônez la création d’un parquet national financier. L’Arizona souhaite créer une section financière au sein du parquet fédéral.
C’est insuffisant, mais mieux que rien. Un jour, l’ex-ministre de la Justice Van Tigchelt répondait à cette proposition en ces termes : ‘Pourquoi faut-il un parquet national financier alors qu’on dispose déjà de deux magistrats au fédéral pour s’en occuper ?’ C’est une blague ou quoi ? C’est un peu comme si, tout d’un coup, je découvrais l’ampoule électrique et que le ministre de l’énergie expliquait : ‘Pourquoi une ampoule électrique, puisqu’on possède déjà des lampes à pétrole ?’ Non, il faut aller plus loin. Le parquet national financier français comporte beaucoup plus de magistrats et des policiers affectés. C’est aussi considéré que la lutte contre la criminalité financière devient une priorité en termes de politique. Alors, aujourd’hui, on opte pour une section inféodée. Or, il faut une section indépendante. Le parquet doit être à un certain moment indépendant dans ses poursuites. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
Les services de police aussi s’inquiètent pour leur indépendance. La crise qui se joue à l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) vous inquiète ?
Terriblement. Quand j’étais encore en fonction, l’OCRC se trouvait déjà en manque de moyens. Un jour, nous avions détecté une très grosse corruption au sein d’une commune : un trafic de faux papiers. Nous avions remarqué que d’autres communes étaient impactées. J’ai dénoncé l’affaire au parquet, mais nous avons été obligés de terminer le dossier par manque d’effectifs policiers. Il était impossible d’organiser des interventions à l’OCRC.
Ce qui interpelle, ce sont les moyens mis en œuvre contre le patron Hugues Tasiaux. Son domicile et son bureau ont été perquisitionnés sur base d’une plainte pour « violation du secret de professionnel » de Marie Arena et son fils. Vous êtes étonné ?
Quand je lis la presse, sans connaître évidemment les détails du dossier, je me dis de temps en temps : nous n’avons pas besoin de truands, il suffit que les policiers s’entretuent. Je le regrette profondément, nous avons d’autres priorités que de nous tirer dessus.