Belgique

Les médecins généralistes sont prudents face à la réforme de leur système de rémunération: “On va nous demander de faire plus avec les mêmes moyens”

Une réforme du système de financement de la médecine générale est sur les rails dans le cadre d’un “New Deal” lancé par le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit).

Du temps en plus pour les patients, des honoraires revus, des collaborateurs supplémentaires… Vers un New Deal pour les médecins généralistes

À l’heure actuelle, un médecin est payé soit à l’acte (visites ou consultations), soit au forfait (s’il fait partie d’une maison médicale qui pratique ce système).

Le groupe de réflexion “New Deal” a proposé la semaine dernière de créer une troisième voie, une formule hybride qui mixe les deux modèles existants. Le médecin (ou groupement de médecins) serait à la fois rémunéré à l’acte et au forfait. Le montant du forfait serait augmenté pour mieux tenir compte des tâches de suivi des patients, tandis que les honoraires à l’acte seraient réduits, de sorte que les médecins seraient moins incités à accumuler les consultations.

De nombreuses inquiétudes

Chacun de ces deux postes (financement au forfait et à l’acte) représenterait 40 à 45 % de la rémunération. Les 10 à 20 % restants viendraient du système de primes déjà existant, mais qui serait étendu – pour l’engagement d’infirmières et d’aides à la pratique, pour les frais de fonctionnement des cabinets, etc.

L’objectif est d’améliorer les conditions de travail des médecins, de leur permettre de consacrer plus de temps aux patients, et, en parallèle, de soigner davantage de personnes grâce au soutien des collaborateurs.

guillement

Il y a beaucoup de promesses, sans qu’il y ait vraiment d’éléments concrets pour les concrétiser.

”Ce rapport est ambitieux, mais on se demande ce qui pourra être réalisé. Il y a beaucoup de promesses, sans qu’il y ait vraiment d’éléments concrets pour les concrétiser”, commente Vincent Parmentier, vice-président de la SSMG (la Société Scientifique de Médecine Générale).

”Dans le rapport, on ne parle pas de la répartition (géographique) des médecins, ni des effets sur la continuité des soins, déplore-t-il. On ne parle pas non plus des gardes, des responsabilités horaires, etc., alors que l’une des ambitions est de réduire les activités pénibles des médecins. Le rapport se focalise sur une troisième voie de financement, mais l’idée sous-jacente, c’est qu’on fasse plus avec les mêmes moyens, ce qui n’est pas possible.”

La proposition du groupe de réflexion promet pourtant l’appui de collaborateurs supplémentaires pour les médecins. “La délégation de tâches à d’autres professionnels devra être supervisée pour les généralistes. Je ne vois pas où est le gain de temps, répond le Dr Parmentier. Ce n’est pas qu’une question d’argent. Mais les ambitions du rapport sont irréalisables à budget fermé.”

Le ministre Vandenbroucke a dégagé 23 millions d’euros pour le New Deal. Mais sera-ce suffisant ?

De nouvelles concertations vont avoir lieu avec le secteur. “Dans le tri qui sera fait dans ce qui se trouve dans le rapport, qu’est-ce qui sera réalisable ? J’ai peur que la montagne accouche d’une souris”, termine Vincent Parmentier.

Mise en œuvre en 2024

L’accueil est plus positif du côté des syndicats de médecins Absym et GBO, même s’ils ont eux aussi des réserves. “Le New Deal est une bonne chose”, estime David Simon, administrateur à l’Absym.

Il faut toutefois éviter les pièges qui se trouvent dans le rapport, dit-il. Il y a un trop grand nombre d’obligations [prévues pour les généralistes qui s’inscrivent dans le New Deal], alors que la proposition est censée diminuer leur charge de travail.” Il cite trois exemples : la création de protocoles thérapeutiques, la réalisation d’audits de qualité “selon des méthodologies très lourdes”, et la charge de travail générée par l’engagement de collaborateurs non médicaux.

Les syndicats insistent pour que le nouveau modèle de financement coexiste avec les deux modèles traditionnels. Qu’il soit donc optionnel.

Paul De Munck, le président du GBO (Groupement belge des omnipraticiens), pointe pour sa part une série de questions encore à trancher. Quelles tâches devront assumer les médecins dans le cadre du forfait et avec quelles obligations ? Est-ce que les généralistes inscrits dans le New Deal auront l’obligation d’être conventionné ? Est-ce que le ticket modérateur (la part des soins payés par le patient) va disparaître pour les patients au forfait, et avec quel impact sur les revenus du médecin ? Etc.

Les deux syndicats insistent enfin pour que le nouveau modèle de financement coexiste avec les deux modèles traditionnels. Qu’il soit donc optionnel – ce qui est a priori prévu – et non obligatoire, de sorte que le financement exclusivement à la prestation subsiste.

Le lancement du nouveau modèle de financement est attendu pour 2024.