Les loups de la forêt d’Anlier : risques pour animaux et humains.
En Wallonie, le retour du loup est marqué par l’établissement de trois meutes dans les Hautes Fagnes et par la première présence dans la province de Luxembourg. Tanguy Allard, qui a rencontré un loup en septembre, a déclaré : « Je pensais que le loup ne cherchait pas le contact avec l’homme. »
En Wallonie, le retour du loup ne constitue pas une nouveauté : trois meutes se sont déjà établies dans les Hautes Fagnes. En revanche, la province de Luxembourg fait face à une première. Nous avons rencontré ceux qui doivent s’habituer à coexister avec ce nouveau prédateur en forêt.
## L’homme qui a vu le loup
« Au début, je suis content de le voir. Mais quand il commence à nous suivre, là, je suis vraiment stressé. » Tanguy Allard est l’un des rares témoins d’une rencontre avec un des loups de la forêt d’Anlier. Cela s’est produit une soirée de septembre, au crépuscule. Le photographe animalier et sa compagne étaient postés sur un mirador pour observer le brame du cerf : « Il y avait une biche, juste là au milieu de la prairie. Elle était inquiète. J’ai cherché ce qui l’effrayait avec mes jumelles, et là, j’ai vu le loup. »
Dans un premier temps, Tanguy est fasciné. « Il était là, avec ses grosses pattes, des fines jambes, une courte queue », décrit-il. Il réussit à filmer brièvement avec ses jumelles thermiques. Cependant, lorsque, peu après, il descend de son observatoire pour rejoindre sa voiture, l’émerveillement cède place à une certaine anxiété.
« Je marchais dans la sapinière et j’ai repéré le loup un peu plus loin, à 100 mètres environ. » À chaque enjambée, Tanguy réalise que l’animal se rapproche. Il prend alors son téléphone et se dit : « Là, je mets de la musique à fond en me disant que ça va lui faire peur. »
Cependant, cela ne dérange pas le loup, qui demeure curieux. « Donc je coupe la musique, je prends ma lampe de poche et je vois qu’il est juste là, à côté de ce sapin, à 25 mètres environ, et je fais trois pas vers lui. » Le loup devient alors nerveux et s’éclipse.
« Je pensais que le loup ne cherchait pas le contact avec l’homme », confie Tanguy. Cette réaction inattendue le perturbe : « Je suis un grand gaillard, mais je me demande ce qui pourrait arriver s’il s’agissait d’une personne âgée ou d’un enfant. »
## Les loups sont-ils dangereux pour les humains ?
Qu’est-ce qui peut expliquer le comportement de ce loup ? Est-il surprenant qu’il se soit approché ainsi ? Nous avons posé la question à Vinciane Schockert, experte au service public de Wallonie et membre du Réseau loup, mis en place en 2017 pour étudier le retour de l’animal en région.
« Curieux ne veut pas dire agressif », souligne-t-elle. La scientifique ne peut pas commenter l’incident décrit par Tanguy, car elle n’a pas assisté à la scène. Toutefois, elle apporte plusieurs éléments d’explication. « Nous avons identifié le mâle. C’est un jeune issu d’une des portées des Hautes Fagnes, né en 2023. » Ce loup n’a que deux ans, ce qui pourrait justifier son comportement curieux.
L’experte souligne que de telles rencontres restent rares. « La probabilité de rencontrer un loup n’est pas si élevée. Oui, bien sûr, il y a du passage, surtout en début de soirée, quand les loups sont à la recherche d’une proie. Mais le voir n’est pas donné à n’importe qui se promenant en forêt », rassure-t-elle.
Les attaques de loups sur les humains sont extrêmement rares en Europe occidentale, rappelle Vinciane Schockert. « À part un cas aux Pays-Bas, il n’y a pas eu d’attaques sur des humains au cours des 30 dernières années, alors qu’il y a plus de 200 meutes en Allemagne et plus de 160 meutes en France. Donc il faut garder raison et se dire qu’a priori, c’est un animal qui n’est pas très dangereux pour l’homme. »
## Le loup reste un prédateur pour les animaux d’élevage
Si les menaces à l’homme sont minimes, le loup demeure un prédateur pour les animaux domestiques. Pour le moment, les deux individus installés dans la forêt d’Anlier se contentent du gibier abondant dans la région. Plusieurs chasseurs locaux rapportent régulièrement des carcasses de cervidés.
Malgré cela, les éleveurs que nous avons rencontrés expriment leurs inquiétudes pour leurs animaux. « Et ils ont raison, c’est normal d’avoir la crainte du loup pour les troupeaux en sachant que c’est un prédateur », comprend Vinciane Schockert. C’est pourquoi des mesures de protection doivent être mises en place avant la naissance de louveteaux, période où les attaques pourraient devenir plus fréquentes.
Hannah Westenbohm, conseillère à Natagriwal, explique : « Notre objectif, c’est d’accompagner les éleveurs et de trouver des solutions concrètes qui s’adaptent à leurs exploitations. » Le territoire est complexe, avec des terrains en dénivelé et des pâtures bordant la forêt ; ainsi, le conseil est fourni au cas par cas, lors de rencontres avec les agriculteurs.
La Région wallonne indemnise les éleveurs présents dans les zones de présence permanente (ZPP) pour ces mesures. « Ces solutions ont prouvé leur efficacité ailleurs, » note Hannah Westenbohm. « Mais le risque zéro n’existe pas, on travaille avec du vivant. » Par ailleurs, dans toute la Wallonie – que ce soit en ZPP ou non – les autorités indemnisent les éleveurs en cas d’attaque de loup, sur la base d’une évaluation d’un expert indépendant.
## Entre peur, hostilité et compromis
Cependant, la forêt d’Anlier reste un territoire complexe. Au cours de notre enquête, il apparaît que la Région wallonne n’a pas les moyens de sécuriser l’ensemble de la zone. De plus, l’implémentation et l’entretien des mesures de sécurité représentent des défis supplémentaires pour les éleveurs, qui se trouvent déjà dans un métier difficile.
« Il vaut mieux tuer ces loups. Ce serait plus facile, » affirme un éleveur. Abattre cet animal protégé expose à une amende de plusieurs centaines de milliers d’euros. Malgré cela, plusieurs personnes ont affirmé être prêtes à agir si un loup s’approchait de chez eux.
D’autres sont plus conciliants : « Il faut trouver un équilibre entre les bénéfices pour la biodiversité et les contraintes pour les éleveurs, » estime Xavier Mestagh, éleveur de moutons à Martelange. « J’aime voir les animaux sauvages. Je pense que le loup a sa fonction et qu’il vaut mieux cohabiter plutôt que de lui faire la guerre. »

