Belgique

Les coulisses de l’Europe : tensions dans l’hémicycle européen

Ursula von der Leyen a prononcé un discours d’une durée d’une heure et quart au Parlement européen, où elle a fait des promesses aux différents groupes politiques. Manfred Weber, le président du PPE, a critiqué les socialistes moins de cinq minutes après la fin de l’intervention de von der Leyen.

Le discours prononcé par Ursula von der Leyen mercredi au Parlement européen aurait pu s’intituler « Opération déminage ». La présidente de la Commission européenne s’est efforcée de réparer les relations d’une coalition fragilisée par son accord avec Donald Trump et par le silence de l’Europe concernant la situation à Gaza.

Durant une heure et quart, elle a multiplié les promesses, les distribuant généreusement. Aux socialistes, elle a promis d’éradiquer la pauvreté d’ici 2050. Aux libéraux, elle a assuré que l’argent de l’Europe devait être accompagné de démocratie. Aux Verts, elle a évoqué l’avenir électrique de l’automobile européenne. Enfin, à ceux qui lui reprochent son silence sur Gaza, elle a condamné l’utilisation de la famine comme arme de guerre.

Avec ces engagements, elle espérait inciter le Parlement européen à reprendre une attitude unie, chantant en chœur « serrons-nous les coudes, restons unis, c’est la seule façon de répondre aux attentes des citoyens ». Cependant, l’harmonie a rapidement été rompue.

La cacophonie est vite revenue dans l’hémicycle

Moins de cinq minutes après la clôture du discours, Manfred Weber, président du PPE, la famille politique d’Ursula von der Leyen, a lancé une attaque contre les socialistes, les accusant de compromettre la majorité pro-européenne. Iratxe Sanchez, la leader des sociaux-démocrates, a répliqué en accusant Weber d’être l’ennemi juré de la Commission.

L’ambiance est rapidement devenue chaotique. Pour l’unité, il va falloir repasser…

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen s’entretient avec le président du Parti populaire européen (PPE) de centre-droit, Manfred Weber, le 27 novembre 2024 à Strasbourg. © AFP

Les raisons de la bagarre

Le président du Parti populaire européen (PPE), Manfred Weber lors d’une photo de famille prise lors du congrès du Parti populaire européen (PPE) à Valence, le 30 avril 2025. © AFP

À ce jour, Manfred Weber dirige une solide coalition qui réunit le plus grand nombre de dirigeants européens au Conseil, le plus de commissaires à la Commission et le plus grand nombre de députés au Parlement européen. Cette influence dépasse même la partie visible de l’iceberg, car le PPE a également placé des personnes dans des postes stratégiques bien que moins médiatisés au sein des institutions européennes.

Bien qu’il ne préside pas la Commission, il a la capacité d’imposer sa volonté, n’hésitant pas à rechercher des alliés parmi les eurosceptiques de l’extrême droite. Weber choisit ses alliances pour avancer son agenda qui reflète une droite décomplexée, refusant de discuter du Green Deal. Ses priorités incluent la réduction de la bureaucratie pour relancer l’économie et la limitation des flux migratoires, mettant de côté les préoccupations de ses partenaires de la coalition pro-européenne pour défendre ses idées.

Le risque d’une chute de la Commission von der Leyen

Manfred Weber prend des risques. Ursula von der Leyen a déjà fait face à une motion de censure cet été. D’autres pourraient suivre, mais il semble improbable qu’elles atteignent les 361 voix nécessaires pour destituer la Commission. Ni les sociaux-démocrates ni les libéraux n’oseront enclencher le processus de censure. Weber mise sur cette faiblesse de ses partenaires pour avancer sa propre cause, d’autant plus qu’il s’oriente vers une Europe plus dure, plus à droite, en phase avec un électorat européen qui se radicalise.

Ursula von der Leyen se retrouve à naviguer dans un environnement où l’apparente discrétion de Manfred Weber cache des ambitions redoutables. Pour garder le contrôle, elle devra faire preuve d’autorité, de détermination et d’un courage politique réel. Peut-être même d’un peu de magie… mais pas celle que lui apporte son vieux camarade Manfred.