Belgique

L’enseignement et les profs ciblés par les économies de la FWB.

Le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a mentionné un groupe d’experts présidé par Pierre Crevits, qui souligne la nécessité « absolue » et « urgente » de reprendre en main les finances de la FWB. Selon le rapport, la Fédération Wallonie-Bruxelles traîne aujourd’hui une dette de 14 milliards d’euros, soit davantage que ses recettes annuelles.


Vu l’ampleur de l’effort budgétaire et l’absence de nouvelles recettes, le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a constitué un groupe d’experts afin de formuler des propositions. Leur constat est très clair : la gestion des finances de la FWB est une nécessité « absolue » et « urgente ». Ce groupe, dirigé par l’économiste Pierre Crevits (CEO de Dexia), comprend une dizaine de personnalités, dont Etienne de Calataÿ, Philippe Defeyt et Jean Hindriks.

Les experts soulignent, avec insistance, le « danger d’un emballement insoutenable de la dette ». En déficit chronique depuis des années, la Fédération Wallonie-Bruxelles affiche une dette de 14 milliards d’euros, ce qui dépasse ses recettes annuelles. La nouvelle majorité MR-Engagés a exprimé sa volonté de réduire de 300 millions d’euros le déficit d’ici 2029. Toutefois, pour les experts, cela ne représente qu’une première étape. « Sans correction substantielle, la trajectoire budgétaire actuelle mettra en grave danger le financement de la FWB et de tous ses acteurs », précisent-ils, appelant à « accélérer » le rythme des économies.

### L’école dans le viseur

Taper dans le budget de la fédération, c’est impacter celui de l’enseignement. Plus de 7 milliards d’euros y sont alloués chaque année, représentant 54 % du budget total de l’institution. Selon les experts, il est impératif de débattre d’une réduction drastique des dépenses dans le secteur de l’enseignement obligatoire. « Sur base de comparaisons internationales, le nombre d’heures de cours par semaine des enseignants et le nombre d’élèves par enseignant apparaissent plus faibles en FWB que dans beaucoup d’autres pays », souligne le rapport.

Le rapport suggère plusieurs mesures qui devraient susciter des réactions parmi les acteurs du monde éducatif :

– **Augmenter la charge horaire des enseignants** de l’enseignement secondaire en réinstaurant les charges horaires fixées avant le Pacte. Par exemple, il est proposé d’augmenter la charge horaire des enseignants du secondaire supérieur à 22 périodes pour l’aligner avec celle des professeurs du secondaire inférieur.
– **Accroître significativement la charge horaire** des professeurs d’éducation physique et d’éducation artistique et musicale (24 périodes).
– **Réduire le nombre d’enseignants financés par la FWB mais non présents en classe**, en activant divers leviers et **limiter les possibilités et les durées de détachement** au sein d’autres organisations.
– **Aménager le temps de travail des enseignants en fin de carrière** afin qu’ils puissent rester en fonction plus longtemps.
– **Limiter le nombre des petites classes** dans l’enseignement secondaire ordinaire, où 16 % des classes avaient des tailles moyennes inférieures à 10 élèves et 5 % supérieures à 25 élèves en 2022-23.

Comme l’a annoncé le gouvernement fédéral, le comité d’experts propose également de revoir, voire de mettre fin au système de Disponibilité précédant l’âge de la retraite (DPPR). Ce système permet à de nombreux enseignants de terminer leur carrière « en douceur ». La réforme des pensions prévoit de supprimer ce régime, mais le texte doit encore être adopté au parlement fédéral. La Fédération Wallonie-Bruxelles envisage également de suivre cette réforme et de supprimer les DPPR.

Un autre point susceptible de provoquer des tensions entre les partenaires sociaux est la suggestion du comité d’experts de **ne pas rétribuer davantage les enseignants ayant suivi une formation prolongée**. La Réforme de la formation initiale des Enseignants (RFIE) suscite des inquiétudes en raison de son coût budgétaire, estimé entre 500 millions et 1 milliard d’euros par an. Les experts se questionnent sur la pertinence de poursuivre cette réforme, qui a déjà débuté en septembre 2023. Ils recommandent d’ »éviter l’introduction d’un barème 401 superior à l’actuel barème 301 et limiter l’accès à un barème 501″.

### Indexer le minerval

Les experts soulignent également la situation précaire de l’enseignement supérieur. Les diverses parties prenantes, y compris les universités, réclament depuis de nombreuses années un refinancement. Le rapport précise qu’entre 2006 et 2021, l’enseignement supérieur a enregistré une hausse de près de 50 % de sa population estudiantine, tandis que son budget réel n’a augmenté que de 15 %. Cette situation en matière de refinancement reste en l’état. Les réflexions portent désormais sur une augmentation des recettes, notamment via le relèvement du minerval, qui n’a pas été indexé depuis 2011.

### Changement pour les crèches

Concernant la petite enfance, le rapport évoque un changement dans la facturation des absences en crèche. Le comité propose de remplacer la facturation quotidienne des familles dont l’enfant fréquente une crèche subventionnée par un forfait mensuel, similaire à celui des crèches non subventionnées reconnues par l’ONE.

Le rapport rappelle la nécessité de créer de nouvelles places en crèche, un objectif fixé par le gouvernement. Cependant, les experts critiquent une réforme antérieure, la réforme dite MILAC, qui prévoit que l’ONE prendra en charge le financement de 1,5 puéricultrice par tranche de 7 enfants à partir de janvier prochain. Le coût de cette réforme est évalué à 106 millions. Le comité exprime des « réserves fortes concernant la pertinence de ce budget », qui ne crée « aucune place supplémentaire ». Y aura-t-il encore des économies à réaliser ?

### Encore des économies pour la RTBF ?

Le rapport des experts rappelle que « la dotation de la RTBF représente 84,7 % du budget audiovisuel et multimédias de la FWB. » Cette dotation atteindra 376 millions d’euros en 2025. Dès son arrivée, le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles a décidé de suspendre l’indexation et de geler l’augmentation de 2 % de la dotation. La RTBF a récemment élaboré un plan d’économies de 132 millions d’euros d’ici 2028 pour respecter cette trajectoire budgétaire. Les experts estiment qu’il serait encore possible de « revoir certaines modalités de travail » et « de remettre en question une série d’initiatives ou de projets non indispensables ».

### Des efforts aussi au sein des cabinets et de l’administration

Actuellement, deux tiers des membres de cabinets sont en réalité des fonctionnaires détachés de l’administration, qui continuent de les rémunérer. Les cabinets ne versent qu’une prime, la charge financière pesant sur leur administration d’origine. Les experts mandatés par la Fédération Wallonie-Bruxelles proposent de mettre fin à cette pratique et de réexaminer le détachement des agents du ministre au sein des cabinets ministériels. Ils suggèrent d’adopter le système en vigueur en Communauté flamande, où les ministres doivent reverser les salaires des fonctionnaires à leur administration d’origine, même en cas de détachement à un même niveau de pouvoir.

Dans le cadre de la réforme de l’ensemble de la fonction publique souhaitée par le gouvernement de la Fédération, les experts recommandent de réduire le nombre de mandataires au sein de l’administration de la fédération Wallonie-Bruxelles.