Le train de nuit en Europe : un chemin semé d’embûches ?
1. L’Union européenne prévoit de doubler le trafic ferroviaire à grande vitesse d’ici 2030 et de développer les liaisons transfrontalières pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
2. En 2024, plus d’un million de voyageurs ont pris le train de nuit, selon un rapport de l’ONG Réseau Action Climat.
Pendant de nombreuses années, les trajets en train de nuit à travers l’Europe étaient fréquents, mais l’essor des compagnies aériennes low-cost a entraîné une forte diminution de leur nombre. Après la crise du Covid, plusieurs nouvelles lignes et projets de relance ont été lancés. Cette reprise est soutenue par des initiatives privées telles qu’European Sleeper et des projets nationaux subventionnés. Vienne se positionne comme un véritable hub pour les trains de nuit, notamment grâce aux Nightjets de la compagnie ferroviaire autrichienne ÖBB.
Cependant, l’opérateur ferroviaire autrichien et la SNCF ont décidé de mettre fin aux liaisons entre Paris-Berlin et Paris-Vienne, pourtant rétablies récemment et affichant des résultats encourageants, avec un taux de remplissage de 70 % en 2024 : 36 000 voyageurs pour Vienne et 30 000 pour Berlin.
En Suède, le Parlement a également refusé de financer une ligne entre Bâle et Malmö.
### Un trajet semé d’embûches pour le train de nuit
Derrière ces succès relatifs se cache une équation complexe : sans subventions, le modèle économique n’est pas viable. La France a arrêté de financer ces deux liaisons à hauteur de 10 millions d’euros par an, une décision qui est à la fois budgétaire et politique, les trains n’étant pas considérés comme prioritaires par le gouvernement.
Néanmoins, ce mode de transport a trouvé son public, avec plus d’un million de passagers ayant emprunté le train de nuit en 2024, selon un rapport de l’ONG Réseau Action Climat. Cependant, le train de nuit reste structurellement coûteux en raison de plusieurs facteurs :
– Un nombre de passagers souvent inférieur à celui des trains classiques : les couchettes et cabines privées réduisent le nombre de places. Un TGV peut proposer entre 500 et 900 sièges, alors qu’un Nightjet n’excède souvent pas 250 places.
– Une fréquence de circulation plus faible : les trains circulent généralement une fois par jour, contrairement aux TGV qui effectuent plusieurs rotations quotidiennes.
– Des coûts de personnel plus élevés pour les trains de nuit, nécessitant davantage de personnel de service et de cabine, notamment à cause des passages de frontières, ainsi qu’un coût de service nocturne plus élevé.
– Les trains de nuit parcourent de longues distances, passant par plusieurs pays, entraînant des péages ferroviaires à chaque kilomètre parcouru.
– Des coûts énergétiques importants.
### Les ambitions européennes pour étendre le réseau ferroviaire d’ici 2040
Malgré cela, l’Union européenne a des ambitions claires : doubler le trafic ferroviaire à grande vitesse d’ici 2030, développer les liaisons transfrontalières et intégrer le train au Pacte vert afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La Commission européenne a d’ailleurs présenté, il y a un mois, un projet ambitieux visant à établir d’ici 2040 un réseau à grande vitesse reliant toutes les capitales européennes. Ce plan envisage une réduction significative des temps de trajet pour faire du train une alternative sérieuse à l’avion, en particulier sur les distances inférieures à 1000 kilomètres.
Cependant, ces projets se heurtent à un réseau ferroviaire fragmenté. Le développement ferroviaire en Europe est freiné par plusieurs obstacles :
– Des infrastructures vieillissantes et un sous-investissement, notamment en Allemagne.
– Un manque d’interopérabilité dû à des écartements de rails différents.
– La complexité administrative et les coûts élevés associés à la création de nouvelles lignes (TGV).
– Des opérateurs publics qui n’ont pas de priorités, de calendriers ou d’investissements communs.
Ainsi, tandis que le train européen promet une grande vitesse, les projets, eux, avancent bien plus lentement.

