Le recyclage belge et européen ne perd-il pas la bataille du plastique ?
Le secteur du recyclage du plastique en Belgique fait face à des difficultés dues à la baisse du cours du pétrole, ce qui engendre des coûts fixes pour le recyclage, notamment pour la collecte et le traitement des déchets. Depuis 2023, l’Europe a déjà perdu près d’un million de tonnes de capacité de recyclage, alors que l’Union européenne impose l’utilisation de plastique recyclé dans les emballages d’ici 2030.
Premier point soulevé par le secteur pour expliquer ses difficultés actuelles : la baisse du prix du pétrole. Un pétrole moins cher entraîne une réduction des coûts de production pour le plastique neuf.
Cependant, « le recyclage, ça implique des coûts fixes », explique Inge Dewitte de Denuo, la fédération du secteur. « Il y a les coûts pour collecter les déchets, pour les traiter, les broyer, les laver, etc. » De plus, « cette pression est encore renforcée par des coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre qui sont en Belgique parmi les plus élevés d’Europe », ajoute-t-elle. « Dans ces conditions, nos recycleurs ne parviennent plus à concurrencer les importations bon marché en provenance des pays asiatiques. »
Est-ce que cela menace des entreprises de faillites ? Pas encore, mais aux Pays-Bas, « sept usines de recyclage ont fait faillite l’année dernière », indique Inge Dewitte. « En Belgique, nous sommes vraiment des spécialistes en collecte et recyclage des déchets, mais nous sommes en train de perdre ce rôle important. Nos entreprises sont en crise pour l’instant et tous les investissements qui étaient planifiés sont à l’arrêt. »
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### Et pourtant notre plastique recyclé reste moins cher que le neuf
La compétitivité du plastique ne dépend pas uniquement de son prix. Il y a également la question de ses usages. Le plastique recyclé de couleur grise ou noire est moins utilisé. Ainsi, même si le neuf reste plus cher, si l’écart de prix entre le neuf et le recyclé diminue, le recyclé perd de son attrait.
« Les recycleurs de plastique en Belgique peuvent également réaliser des plastiques recyclés transparents », précise Maarten Geerts de Denuo. « Mais ces prix sont encore plus élevés, car pour cela, ils doivent rechercher des déchets spécifiques (par exemple des films transparents), et ces déchets sont plus chers à l’achat. »
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### Le contexte (Trump) n’aide pas
Comme l’explique Yves De Rongé, le contexte actuel affecte l’arrivée de plastique recyclé d’Asie, en particulier de Chine, sur le marché européen. En cause : les fameux « tarifs » américains – les taxes d’importation. « À partir du moment où les produits chinois ont un accès beaucoup plus difficile au marché américain, ils ont été réorientés vers l’Europe. Ils sont effectivement très compétitifs sur le plan des coûts et donc mettent à mal une partie de l’industrie européenne. »
Cette problématique dépasse largement la question du recyclage du plastique et met à l’épreuve d’importantes orientations économiques décidées au niveau européen. On peut penser, par exemple, à la volonté de renforcer l’économie circulaire (dont le recyclage est un aspect), qui « fait partie de la stratégie européenne en matière industrielle depuis 2015. » Et qui est également l’un des axes du Green Deal (Pacte Vert) adopté ultérieurement. « Toutes les décisions qui ont été prises dans le Green Deal européen, notamment au début de la présidence d’Ursula von der Leyen, sont aujourd’hui soumises à discussion parce qu’elles mettent en difficulté l’économie européenne par rapport à des concurrents américains ou chinois », constate Yves de Rongé.
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### « On a déjà perdu près d’un million de tonnes de capacité de recyclage en Europe »
Pour Inge De Witte, on peut parler de paradoxe. « L’Union européenne impose l’utilisation de plastique recyclé dans les emballages d’ici 2030. Normalement, on devrait donc investir dans des capacités de recyclage et dans de nouvelles technologies de recyclage mais c’est le contraire qui se met en place », développe-t-elle. « Depuis 2023, on a déjà perdu près d’un million de tonnes de capacité de recyclage en Europe. »
Il s’agit d’un secteur stratégique pour l’avenir, plaide-t-elle. « Le recyclage produit les matières premières de demain et disposer des matières premières signifie avoir de la prospérité, créer des emplois et surtout avoir une autonomie. Ce qui est en train de se passer, c’est que nous allons devenir dépendants de pays en dehors de l’Europe, notamment des pays asiatiques, pour l’approvisionnement en plastique recyclé. »
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### Que faire ?
La première question est de savoir comment compenser la fragilité intrinsèque du secteur du plastique recyclé face aux fluctuations du prix du pétrole. « La seule possibilité de compenser cette fragilité, c’est par la régulation », estime Yves De Rongé. Une régulation « qui rendrait obligatoire l’introduction d’une composante importante de plastique recyclé dans les produits fabriqués. » Cela replacerait l’enjeu environnemental au rang des priorités belges et européennes.
Cette mesure fait d’ailleurs partie des premières demandes formulées par le secteur. Inge De Witte de Denuo souligne qu’une telle mesure est prévue pour 2030 (Règlement européen sur les emballages et les déchets d’emballage), mais qu’il faudrait accélérer sa mise en œuvre : « c’est dans 5 ans et il n’est pas certain que les recycleurs pourront survivre aussi longtemps… »
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Une autre proposition avancée par le secteur concerne un traitement plus équitable par rapport à d’autres secteurs. « Certains secteurs qui consomment beaucoup d’énergie, comme la pétrochimie, bénéficient de régimes avantageux pour leur énergie qu’ils peuvent acheter à des prix bon marché. » D’où cette demande : « que la politique accorde le même régime avantageux aux recycleurs. » Cela viserait à diminuer les coûts de production. Cependant, l’écart de prix avec le plastique recyclé d’Asie demeure très important. Autre piste évoquée : « faire payer une taxe sur le plastique neuf importé afin de protéger le recyclage européen et le recyclage belge. » Il s’agirait d’une mesure protectionniste, dans un contexte où d’autres pays – les États-Unis, pour ne pas les nommer – adoptent cette stratégie.
Le secteur demande également des incitations pour développer les marchés (notamment via des marchés publics écologiques) ou encore une reconnaissance du recyclage comme secteur stratégique accompagné de soutien à l’innovation et d’accès à des fonds de soutien.

