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Le plan de paix à Gaza en difficulté : Agnès Levallois évoque le flou du plan Trump.

Il y a deux mois, Israël et Gaza se sont mis d’accord sur le plan de paix imaginé par les équipes de Donald Trump. Selon Agnès Levallois, « Il y a toujours des bombardements et près de 380 morts depuis l’annonce du cessez-le-feu ».


Il y a deux mois, un accord de paix a été établi entre Israël et Gaza, inspiré par les équipes de Donald Trump. En novembre, l’ensemble du Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé ce texte. Cependant, un mois plus tard, la situation sur le terrain demeure inchangée. Tous les corps des otages n’ont pas encore été restitués et les bombardements se poursuivent dans la bande de Gaza. Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient et auteure du livre *Le Livre Noir de Gaza*, observe d’abord que la première phase n’est pas entièrement conclue : « Il y a toujours des bombardements et près de 380 morts depuis l’annonce du cessez-le-feu. L’aide humanitaire ne rentre pas comme elle devait rentrer, et il y a toujours un corps d’un soldat israélien qui doit être remis à l’armée israélienne. » De part et d’autre, les belligérants ne semblent pas prêts à déposer les armes.

Agnès Levallois souligne des imprécisions dans le plan de paix qui ne précisent pas comment parvenir à la paix : « On se heurte à tout ce flou qui entoure le plan Trump dans lequel quelques principes ont été énoncés mais sans prévoir les modalités d’application. On peut toutefois dire à ce stade que le Hamas est déjà sérieusement désarmé et celui-ci n’entend pas remettre ce qui lui reste d’armes à l’armée israélienne, mais à une autorité palestinienne. Or, Israël ne veut pas entendre parler de la réalité d’une autorité palestinienne. On est face à un obstacle majeur. » Cet obstacle devra néanmoins être surmonté pour espérer voir surgir la deuxième phase du plan de paix.

Un autre obstacle évoqué récemment dans la chronique « Un jour, une carte » de l’émission Le Monde en Direct est la question de la deuxième phase, qui doit normalement aboutir au retrait de l’armée israélienne. « Il y a une première ligne, la fameuse ligne jaune, » détaille Agnès Levallois. « Mais normalement dans la deuxième phase, l’armée israélienne doit se retirer au-delà. Or, Israël n’entend pas se retirer au-delà de cette ligne jaune. Le chef d’état-major a même déjà déclaré que c’était désormais la nouvelle frontière. »

Cette ligne jaune, qui réduit la bande de Gaza de moitié de son territoire, accroît l’incertitude pour l’avenir des Gazaouis : « C’est ce qui inquiète les habitants de Gaza qui habitent sur 50% d’un territoire déjà hautement peuplé. Le fait de ne pas avoir de perspective à partir de cette déclaration, comme quoi les Palestiniens ne vont pas pouvoir rentrer chez eux au-delà de cette fameuse ligne jaune, cela inquiète beaucoup les Palestiniens et leur avenir. » Les Palestiniens vont devoir gérer non seulement la présence de l’armée israélienne, mais également celle de forces étrangères censées assurer leur sécurité.

Agnès Levallois note encore que le plan de paix ne spécifie pas clairement les modalités de la force internationale qui devra garantir la sécurité dans la bande de Gaza : « Rien n’a été défini sur les règles d’engagement de cette fameuse force internationale. On sait par exemple que la Turquie s’est portée volontaire. Or, Israël refuse que des forces turques fassent partie de cette force internationale. L’idée est plutôt d’envoyer des ressortissants d’arabe et/ou musulmans pour éviter des problèmes particuliers ou que cela ressemble à une nouvelle occupation. Mais pour l’instant, comme les règles ne sont pas fixées sur ce qui serait le mandat de cette force internationale, évidemment les volontaires ne se bousculent pas. D’autant plus qu’Israël se réserve la possibilité de donner son accord au déploiement de telle ou telle force. » L’attente de cette force internationale proposée par Trump se fait sentir, « mais tant que les contours ne sont pas définis, il me paraît extrêmement difficile que des pays s’engagent en sachant que la situation risque d’être extrêmement compliquée pour ces forces. »

Une fois la force internationale constituée, Agnès Levallois souligne d’autres questions : « Comment devront-elles réagir vis-à-vis de l’armée israélienne ? Du Hamas ? De quelles forces militaires disposeront-elles ? Est-ce qu’Israël va accepter de déléguer et de se séparer de cela ? Rien n’est moins sûr. »

Toutes ces interrogations soulèvent finalement une question cruciale : le plan Trump est-il condamné à l’échec ? Pour Agnès Levallois, l’avenir du plan de paix dépendra de la volonté de son instigateur : « Personne ne sait ce qu’il se passe dans la tête de Donald Trump. Aujourd’hui Donald Trump est beaucoup plus occupé par le devenir de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Il a forcé ce plan pour Gaza donc il s’en désintéresse. Est-ce que le sur-place actuel de son plan va l’inciter à s’y réinvestir ? On ne peut que le souhaiter. On a le sentiment aujourd’hui que la seule personne qui puisse faire bouger Netanyahu, c’est Donald Trump. Et s’il n’y a pas de mouvement en ce sens, je crains que cette deuxième phase, on ne la voie pas tout de suite. »

► Écoutez ci-dessus l’intégralité de cette interview dans le podcast du Monde en direct.