”Le parquet sera implacable contre ceux qui ont confisqué l’espace urbain à Bruxelles pour y vendre de la drogue en toute liberté”
Quatre fusillades ont éclaté à Bruxelles depuis le début de la semaine. La dernière a fait un mort. Les craintes des riverains des quartiers touchés sont élevées. En attendant, les investigations se poursuivent, le politique s’active pour des solutions, et la police occupera plus encore le terrain.
- Publié le 07-02-2025 à 20h49
![This picture shows the scene of a shooting this morning at the Peterbos quarter in Anderlecht, Brussels, Friday 07 February 2025. One person died. It's the third day in a row that a shooting has taken place in Anderlecht. Earlier this week, one also took place in the Brussels municipality of Sint-Joost-ten-Node/ Saint-Josse-ten-Noode. BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK](https://www.lalibre.be/resizer/v2/SFSYQZB575DFZIW7JTGFZE6YU4.jpg?auth=ac531307fd367dd37b636412a0ad8467ac2d88c43fc5cf58473798b248b494f4&width=1200&height=800&quality=85&focal=2865%2C1910)
Ce vendredi, Bruxelles s’est à nouveau réveillée groggy, avec l’annonce d’une quatrième fusillade en trois nuits, survenue, cette fois, dans le quartier du Peterbos, dans la commune bruxelloise d’Anderlecht. Il était 4 heures du matin lorsque des coups de feu ont été tirés aux abords de l’un des blocs de cette cité tristement réputée pour des faits de narcotrafic. Et cette fois, une personne a été mortellement touchée.
Le parquet de Bruxelles a précisé qu’il s’agit d’un homme né en 1970, inconnu de la justice. Selon des sources proches du dossier, il s’agirait surtout d’un « pion » utilisé par l’un des réseaux de narcotrafiquants actifs dans ce coin de la capitale. Il aurait vraisemblablement été ciblé en représailles aux coups de feu tirés, mercredi, aux abords de la station de métro Clemenceau par les deux individus munis d’armes de guerre.
Si, au Peterbos, ce nouvel épisode dans la guerre des territoires que se livrent plusieurs réseaux de narco-criminels suscite l’effroi, il n’étonne pas grand monde. Depuis quelques jours, planait la peur d’une reprise des hostilités entre une bande active autour de la station de métro Aumale et une bande implantée au Peterbos – qui veulent conquérir Clemenceau, lieu de deal très lucratif. Les craintes des riverains étaient manifestement fondées. À la suite de cette dernière fusillade mortelle, la perspective de voir un nouveau cycle de violence reprendre à Bruxelles inquiète plus encore.
Task force et opération « Bleus partout »
C’est dans un tel contexte que les autorités communales anderlechtoises ont annoncé, vendredi après-midi, une action de mobilisation policière accrue.
Outre la mise en œuvre d’une task force rassemblant les six zones de police bruxelloise – similaire au dispositif Gold organisé lors de la nuit de la Saint Sylvestre – et qui sera coordonnée par le parquet de Bruxelles, la commune d’Anderlecht va concentrer un maximum de moyens policiers visibles dans les secteurs de la commune les plus concernés par les coups de feu. Concrètement, il s’agit d’une « opération de visibilité » coordonnée par Jürgen De Landsheer, le chef de corps de la police Midi, dès ce vendredi et qui sera active « 24 h sur 24, 7 jours sur 7 » pendant plusieurs semaines.
Cette opération que certains ont baptisée « des Bleus partout » mobilisera l’ensemble de la zone de police Midi, avec l’appui de 18 policiers fédéraux et de cinq équipes issues de la zone de police Bruxelles capitale/Ixelles. Cette dernière met également à disposition ses unités spécialisées et équipées pour riposter aux armes lourdes. Et pour cause, les deux individus qui ont tiré près de la station Clemenceau, le 5 février, étaient équipés de kalashnikov, l’une de type AK12 et l’autre de type HK 416, de véritables armes de guerre dont les balles perforantes peuvent faire d’énormes dégâts.
« Il était essentiel de mobiliser largement les effectifs policiers disponibles, à la mesure des enjeux de sécurité dans différents quartiers d’Anderlecht », a déclaré le bourgmestre d’Anderlecht, Fabrice Cumps (PS).
Dans la foulée, le procureur du Roi de Bruxelles, Julien Moinil, a convié la presse pour une mise au point sur cette actualité particulièrement chargée. Une première pour celui qui a pris ses fonctions il y a moins d’un mois, dans un contexte pour le moins explosif dans la capitale.
« Injuste » pour Bruxelles
« Ce qui se passe à Bruxelles est injuste, a répété Julien Moinil à l’adresse des journalistes rassemblés dans une (trop) petite salle, comble pour l’occasion. Injuste pour les gens qui vivent et qui croisent dans le métro des personnes munies d’armes de guerre. Injuste pour l’image de la capitale dont l’attractivité est écornée par cette actualité. »
Le procureur du Roi a insisté sur le fait que ces fusillades ne sont pas des phénomènes neufs et appelle ainsi le monde politique à ses responsabilités en apportant son soutien aux autorités judiciaires et policières. « Car à l’heure actuelle, les moyens sont insuffisants et il faut plus d’effectifs pour neutraliser ces organisations criminelles. »
Julien Moinil a par ailleurs confirmé que les trois dernières fusillades – à Clemenceau et au Peterbos – sont liées entre elles, et s’inscrivent bel et bien dans une guerre de territoire pour la vente de stupéfiants. Aucune personne n’a été interpellée, mais des perquisitions (à Molenbeek apprend La Libre) ont permis de retrouver les Kalachnikovs utilisées à Clemenceau. Les investigations se poursuivent et un juge d’instruction a été saisi. « Plus une enquête est secrète, plus elle est efficace« , a-t-il ajouté pour justifier le mutisme du parquet qui ne commentera pas davantage ces faits.
Et de conclure : « Le parquet sera implacable contre ceux qui ont confisqué l’espace urbain à Bruxelles pour y vendre de la drogue en toute liberté ».