Le Parlement israélien adopte un projet d’annexion de la Cisjordanie.

« Certains colons étaient armés de bâtons et de pierres, ils ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes, à brûler des voitures« . Nael Abdallah relate l’attaque de colons survenue dimanche matin pour empêcher les agriculteurs palestiniens de récolter des olives.

Résident de Turmus Ayya, dans le gouvernorat de Ramallah, en Cisjordanie occupée, il décrit une ville située dans une vallée entourée de collines surmontées de colonies israéliennes. « Nous sommes venus cueillir les olives dans la partie est de la ville. Nous avons commencé vers 7 heures du matin. Une heure plus tard des colons sont venus« , ajoute-t-il.

Suite à ces attaques, qui ont été filmées par l’agence de presse américaine Associated Press (AP), une Palestinienne a été hospitalisée à Ramallah en raison de blessures graves. Les cueilleurs d’olives n’étaient pas armés.

« Nous avons agi après la décision de la Cour suprême israélienne qui stipule que le colon à l’origine de cet avant-poste ne peut interdire l’accès aux oliveraies, malgré la présence d’un portail« , explique Fahd Abou al-Hajj, un autre agriculteur palestinien.

Le ministre israélien de la Justice, Yariv Levin, a ordonné aujourd’hui l’expulsion de 32 militants étrangers venus soutenir les Palestiniens dans la récolte des olives, affirmant qu’ils avaient « enfreint un ordre militaire« .

L’ordre d’expulsion fait suite à une plainte déposée par le président du conseil des colonies du nord de la Cisjordanie, Yossi Dagan, qui a dénoncé les « provocations » d’activistes qualifiés d' »anarchistes« .

« La violence des colons a explosé en ampleur et en fréquence« , a déclaré Ajith Sunghay, directeur du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies dans le territoire palestinien. Au cours de la semaine du 7 au 13 octobre, les Nations Unies ont recensé 71 attaques contre des Palestiniens en Cisjordanie occupée, dont la moitié, soit 27, étaient liées à la récolte des olives.

Muayyad Shaaban, responsable de la Commission de résistance au mur et aux colonies, a quant à lui répertorié les dégâts causés par les colons dans le gouvernorat d’Hébron, à Ramla, à Jénine et dans la vallée du Jourdain : « Depuis le début de la saison, il y a eu plus de 40 vols d’olives et d’outils de récolte en Cisjordanie. Plus de 700 oliviers ont été détruits, cassés et empoisonnés« .

Depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, l’armée et les colons israéliens ont tué au moins 986 Palestiniens en Cisjordanie, dont de nombreux combattants, selon le ministère palestinien de la Santé.

Au moins 43 Israéliens, civils et soldats, ont été tués lors d’attaques palestiniennes ou dans des opérations militaires israéliennes, selon des données officielles israéliennes.

Près de trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie occupée (hors Jérusalem-est, annexée par Israël), aux côtés d’environ 500 000 Israéliens établis dans des colonies jugées illégales selon le droit international.

La colonisation de la Cisjordanie se poursuit sous tous les gouvernements israéliens, de gauche comme de droite, depuis 1967. Récemment, plusieurs ministres israéliens d’extrême droite ont appelé à son annexion.

L’opposition a entendu cet appel. La Knesset a voté hier sur deux projets de loi en lecture préliminaire visant à étendre la souveraineté israélienne en Cisjordanie occupée.

Le premier projet de loi, proposé par le chef du parti nationaliste Israël Beiteinou, Avigdor Lieberman, visant à étendre la souveraineté israélienne à Maalé Adumim, une colonie de plus de 40 000 habitants, située juste à l’est de Jérusalem, a été adopté par 32 députés contre 9.

Le deuxième projet de loi, proposé par le député d’extrême droite Avi Maoz, également dans l’opposition, a été adopté en lecture préliminaire par 25 députés pour et 24 contre, visant à appliquer la souveraineté israélienne sur l’ensemble de la Cisjordanie.

Les médias rapportent que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait demandé aux députés de son parti, le Likoud, de s’abstenir lors des votes.

Le Likoud a qualifié ces votes de « provocation de l’opposition visant à nuire » aux relations d’Israël « avec les États-Unis et d’autres grandes nations« .

Un coup politique très stupide

On s’interroge sur la raison pour laquelle le Likoud s’est abstenu sur ces textes qui correspondent pourtant aux aspirations du Premier ministre et d’une partie de son gouvernement. Cette position semble être stratégique, alors que Washington met la pression sur Israël pour maintenir un fragile cessez-le-feu avec le Hamas.

« Si c’était un coup politique, ce serait un coup politique très stupide et je le prends personnellement comme une insulte« , a réagi le vice-président américain J.D Vance à l’issue de sa visite en Israël. « Selon la politique de l’administration Trump, la Cisjordanie ne sera pas annexée par Israël, cela continuera d’être notre politique« , a-t-il ajouté.

Le secrétaire d’État Marco Rubio a exprimé des sentiments similaires. Avant de partir pour Israël où il est attendu aujourd’hui, il a déclaré qu’un tel projet « menaçait » le cessez-le-feu à Gaza et serait « contre-productif« . « Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons soutenir, pour le moment« , a-t-il ajouté.

L’Arabie saoudite et la Jordanie ont également « condamné » ces votes.

Une abstention de vote stratégique de la part du Premier ministre ? Cela semble probable. Israël a approuvé plusieurs projets de construction en Cisjordanie occupée. Le dernier, adopté en août, prévoit la construction de 3 400 logements à proximité de Jérusalem-est annexée.

Ce projet a été dénoncé par l’ONU et plusieurs dirigeants étrangers. Selon ses détracteurs, le projet E1 couperait la Cisjordanie en deux et empêcherait de manière définitive la création d’un éventuel État palestinien.

Lors d’un événement le 11 septembre à Maalé Adoumim, une colonie en Cisjordanie située à 7 km de Jérusalem-est, Benjamin Netanyahu a déclaré qu’il « n’y aura pas d’État palestinien« .

Plusieurs responsables de l’administration Trump se sont rendus cette semaine en Israël pour tenter de consolider le cessez-le-feu qui est entré en vigueur le 10 octobre.

L’accord entre Israël et le Hamas a semblé vaciller dimanche après des violences meurtrières à Gaza et des échanges d’accusations concernant des violations de la trêve.

J.D. Vance a admis que les prochaines étapes de l’accord, comprenant le désarmement du Hamas et la reconstruction de Gaza, seraient « très difficiles« .

La première phase de l’accord prévoit, en plus du cessez-le-feu, la libération de tous les otages, vivants et morts, des retraits israéliens à Gaza et l’afflux d’aide humanitaire.

Actuellement, le Hamas n’a restitué – en plus des 20 derniers otages vivants – que 15 corps des captifs décédés sur les 28, expliquant avoir des difficultés à retrouver les dépouilles dans le territoire dévasté par l’offensive israélienne. Les forces israéliennes se sont retirées de certaines zones de Gaza, mais contrôlent encore environ la moitié du territoire palestinien et assiègent celui-ci. L’aide humanitaire demeure insuffisante selon l’ONU, alors que le Hamas refuse d’envisager son désarmement.

Les prochaines étapes s’annoncent difficiles et longues à mettre en œuvre.