Belgique

Le Belge ne consomme pas énormément d’eau : vers un stress hydrique ?

Le Belge consomme en moyenne 96 litres d’eau par jour, tandis que sa consommation totale, incluant son empreinte, s’élève à 6,3 km³ par an. Selon le CERAC, la Belgique utilise 80 % de ses ressources disponibles en eau chaque année, plaçant le pays dans « une situation hydrique considérable ».


C’est un constat du CERAC, le centre d’analyse des risques liés au changement climatique : le Belge est un grand consommateur d’eau. Si l’on prend en compte son empreinte (c’est-à-dire le volume total d’eau nécessaire pour son mode de vie, incluant la production de vêtements, l’alimentation et les technologies), la consommation annuelle par habitant est de 6,3 km³.

Ces chiffres amènent le CERAC à conclure qu’en termes de consommation, la Belgique utilise légèrement plus que sa part équitable des ressources mondiales en « eau bleue » (comprenant les cours d’eau, les lacs, etc.).

Cette importante consommation d’eau est surtout ressentie à l’étranger, parfois dans des pays ou régions en situation de stress hydrique mais où le coût de la main-d’œuvre est moins élevé. Par exemple, la production d’un avocat nécessite 250 litres d’eau, une tasse de café en demande 130 litres, tandis qu’un kilo de coton requiert 10.000 litres.

Si l’on se concentre uniquement sur la consommation d’eau « directe » des Belges, on obtient un autre chiffre : la consommation moyenne est de 96 litres par jour.

Dans son rapport, le CERAC souligne que la Belgique utilise 80% de ses ressources en eau disponibles chaque année, plaçant ainsi le pays dans « une situation hydrique considérable ».

Ce chiffre provient d’un rapport de l’agence européenne de l’environnement qui estime que la Belgique consomme une grande quantité d’eau pour refroidir ses centrales électriques, un volume définitivement perdu.

Cependant, cette affirmation est contestée par la Région wallonne ! La Société wallonne des Eaux précise que le calcul de l’agence européenne est erroné, car il évalue mal l’eau utilisée pour le refroidissement des centrales : « L’eau destinée au refroidissement des centrales électriques est restituée dans l’environnement après son utilisation. Ce n’est donc pas un prélèvement au sens strict. Toutefois, la qualité de l’eau ainsi prélevée et restituée s’est dégradée en raison de modifications thermiques, mais c’est un autre sujet. »

Ainsi, sur le plan comptable, ce ne serait pas 100% du volume qui serait perdu, mais seulement 20%, les 80% restants étant restitués.

Concernant le phénomène du stress hydrique, si la Flandre connaît des épisodes de sécheresse entraînant de fortes alertes sur la situation hydrologique, la situation en Wallonie est différente. Benoît Moulin, responsable communication de la Société wallonne des Eaux, indique que « au niveau wallon, nos consommations annuelles ne représentent qu’une partie de la recharge annuelle ».

Cette recharge, qui résulte des précipitations, est d’environ 1900 milliards de mètres cubes. Les chiffres officiels se décomposent en trois catégories (concernant la consommation en Wallonie et à Bruxelles, qui dépend des réserves wallonnes) :

– Consommation industrielle (y compris le refroidissement des centrales électriques) : 1,181 milliard de mètres cubes ;
– Consommation domestique (ménages) : 384 millions de mètres cubes ;
– Consommation pour l’agriculture : 2,7 millions de mètres cubes.

Il n’est donc pas question d’affirmer qu’un stress hydrique est présent pour l’instant. « Les réserves ne sont pas entamées et nous ne faisons que puiser une partie des volumes qui se renouvellent chaque année », conclut Benoît Moulin.

Ce que la Société wallonne des Eaux ne conteste cependant pas, ce sont des problèmes plus ponctuels dans certaines localités où les sols n’absorbent pas les précipitations. Cela se vérifie depuis plusieurs années dans des communes comme Vielsalm ou Beauraing.

Des « problèmes systématiques » résolus grâce à des transports d’eau par camions existent. C’est dans ce contexte, et face à la répartition inégale des réserves d’eau en Wallonie, que la Région travaille sur des « autoroutes de l’eau » et des liaisons de plusieurs dizaines de kilomètres pour venir en aide à certaines communes.

En ce qui concerne l’impact du changement climatique, la Région wallonne, comme le reste du pays et du monde, analyse depuis des années les répercussions potentielles du réchauffement climatique sur les réserves d’eau de ses sols. Il existe un consensus parmi les académiciens et les scientifiques que le changement climatique entraînera des épisodes de sécheresse plus fréquents. Deux scénarios sont envisagés :

– « Ces épisodes de sécheresse pourraient affecter la consommation d’eau, car le secteur agricole devra, plus qu’il ne le fait actuellement, puiser dans les réserves d’eau pour irriguer les cultures », explique Benoît Moulin.
– L’autre scénario évoque de nombreux épisodes de sécheresse, plus ou moins longs, qui seraient suivis de périodes de précipitations. « Ces précipitations nous fourniraient les mêmes volumes d’eau cumulés chaque année, mais avec des pluies beaucoup plus intenses sur des périodes plus courtes. Cela entraînerait une recharge des eaux souterraines moins efficace qu’actuellement », ajoute-t-il.

Les évolutions de ces deux scénarios dépendent de nombreux facteurs, notamment des priorités politiques qui pourraient être définies en cas de stress hydrique. Des suggestions sont à l’étude, mais elles ne sont pas encore communiquées.

Benoît Moulin rassure cependant : « Un stress hydrique généralisé sur l’ensemble du territoire wallon n’est pas une hypothèse réaliste ! »

Au printemps dernier, dans l’émission « Quel temps pour la planète ? », Stéphanie Ernoux, porte-parole du Centre de Coordination des Risques et de la Transmission de l’Expertise, faisait le point sur la sécheresse en Wallonie, notant une baisse des précipitations. Dans la période du 1er février au 15 avril 2025, il est tombé 61,7 mm de pluie par m², alors que la moyenne normale est de 146,2 mm par m².

Le CERAC signale aussi d’autres problématiques qui ne sont pas seulement liées à la consommation d’eau, mais pourraient, à terme, affecter nos réserves. « La Belgique est un pays dont les sols sont fortement artificialisés, donc nous perdons énormément de notre capacité de stockage d’eau. Nous habitons dans un pays conçu pour évacuer l’eau le plus vite possible vers la mer. Il n’y a pas assez de zones pour retenir l’eau durant les périodes de pluie afin de pouvoir l’utiliser durant les sécheresses », résume Els Barnard, experte sociale au CERAC.

L’imperméabilisation des sols suscite des réflexions dans plusieurs villes belges, notamment à Gand, où l’on craint les effets de la chaleur et de la sécheresse (notamment à travers les îlots de chaleur) ainsi que des pluies torrentielles. Gand vise à devenir une ville éponge, y compris dans son centre-ville.