« L’argent ne fait pas le bonheur : Lucas Belvaux questionne la valeur de la vie »
Lucas Belvaux, auteur, acteur et réalisateur belge, interroge notre rapport à la mémoire et à l’engagement à travers son prochain film « Les Tourmentés ». En 2022, il adapte son roman éponyme pour la première fois, et déclare que « C’est plus compliqué d’adapter son propre roman ».
Auteur, acteur et réalisateur belge engagé et inclassable, Lucas Belvaux ne cherche ni à plaire ni à choquer : il questionne. À travers ses récits, il interroge notre rapport à la mémoire, à la responsabilité, à l’engagement. Depuis ses débuts, il s’efforce de faire résonner le réel d’une société complexe à travers l’image. Son prochain film, « Les Tourmentés », confirme cette direction.
« On se demande si de jour en jour, la valeur de la vie ne diminue pas un peu. Dans le film, le personnage que joue Linh-Dan Pham a encore une certaine éthique dans son horreur si on peut dire. C’est-à-dire qu’elle veut chasser un homme pour se mettre elle-même à l’épreuve. Pour savoir si elle en est capable et dépasser le tabou ultime. C’est bateau évidemment : elle veut tuer un homme. Mais elle reconnaît quand même son humanité et a conscience que l’acte en question est un crime. Alors que dans l’épreuve, elle est prête à l’assumer. Aujourd’hui, on constate que la vie d’un homme ne vaut plus grand-chose malheureusement. »
Ce film noir, qui explore nos contradictions les plus profondes tout en conservant une lueur d’espoir, est ainsi décrit par le réalisateur : « C’est un film noir qui s’éclaire. C’est comme les tableaux de Pierre Soulages. Il n’y a que du noir mais pourtant, il nous montre la nature profonde de la lumière. »
Cette petite lueur d’espoir n’est pas inconnue des spectateurs. En effet, en 2022, le roman éponyme a introduit aux méandres émotionnels des tourmentés. Le besoin croissant de donner des images à cette réalité a conduit à son adaptation. « C’est plus compliqué d’adapter son propre roman. Déjà parce qu’il y a des choses auxquelles on est très attachés, qui peuvent être utiles dans un livre sans forcément l’être dans un film. »
Au cœur du récit, la valeur d’une vie humaine prend racine dans une autre réalité : celle de l’argent. Si l’adage affirme que l’argent fait le bonheur, les protagonistes du film découvriront le contraire, comme l’explique Lucas Belvaux.
« L’argent est le sujet central du film. On se demande souvent ce que vaut la vie d’un homme. Et c’est la question que les personnages du film se posent. L’argent ne fait pas le bonheur de ceux qui en ont. Malgré tout son argent, le personnage que joue Linh-Dan Pham n’est pas heureuse. À l’inverse du personnage de Niels Schneider qui, lui, le sera davantage s’il gagnait ces 3 millions d’euros dont il est question. Il y a la valeur de la vie et celle de l’argent. Que vaut la vie d’un homme, mais surtout, que vaut le fait de ne rien avoir du tout. On voit aujourd’hui sur Terre des gens qui possèdent plus que le produit intérieur brut de certains pays. C’est ahurissant, abyssal quand on y pense. Et pourtant, pour la majeure partie, ça ne suffit pas. La question c’est : ‘à quel moment ça s’arrête ?' »
Finalement, une vie remplie d’argent ne vaut-elle pas d’être vécue entourée de sa famille, de ses amis, de ses enfants ? Si cette question venait à dominer l’esprit des protagonistes, le réalisateur belge propose une réflexion.
« Alors qu’il est censé mourir dans quelques mois, le personnage de Niels Schneider se pose la question de la transmission qu’il laisse à ses enfants. Il se demande ce qu’il va bien leur laisser en plus de ces 3 millions d’euros. Et il comprend que ça ne suffira pas, qu’il leur manquera toujours la moitié de leur identité. […] Il va donc y avoir cette double course contre-la-montre dans laquelle il essaye de leur laisser plus que de l’argent. »
De l’ombre à la lumière, le passage est souvent minime. Lucas Belvaux honore encore une fois ces deux dimensions à travers les deux heures percutantes de « Les Tourmentés ». Après quelques recommandations culturelles, il est déjà temps de quitter notre invité du jour. Heureusement, nous nous retrouverons la semaine prochaine car « Culture en prime », c’est tous les vendredis à 20 heures sur la Une et en streaming sur Auvio.

