Belgique

”La solution à cette terrible guerre en Ukraine se trouve peut-être ici, en Afrique du Sud”

Ce jeudi, le roi Philippe, accompagné des 140 membres de la délégation belge, a été accueilli dans la capitale par le président Cyril Ramaphosa. Un chef d’État belge n’avait plus effectué de visite d’État en Afrique subsaharienne depuis 44 ans.

Philippe et Mathilde se sont ensuite recueillis devant le Freedom Park, un mémorial où sont gravés dans la pierre les noms de tous les Sud-Africains tués pendant les différents conflits qu’a connus le pays, et en particulier durant l’apartheid. Le couple royal a été accueilli par une jeune femme qui a récité l’imbongi, une prière poétique Xhosa traditionnelle très sonore et intimidante.

L’ombre de Nelson Mandela

Dans la plupart des discours et des visites planent l’ombre de Madiba (surnom de Nelson Mandela), le père de la nation arc-en-ciel. Le roi Philippe ne cache pas son admiration pour l’ancien président sud-africain, qu’il a rencontré dès 1994.

Le Roi se rend en Afrique du Sud pour la première visite d’État sur le continent africain depuis 44 ans

Cet attachement n’a pas échappé au président Ramaphosa qui a mentionné dans son discours les propos tenus par le roi Philippe, en 2013, lors de son premier discours de noël. “Mandela nous a montré que le dialogue et la réconciliation peuvent changer le monde. Puisse cette force intérieure être aussi la nôtre”, avait alors déclaré Philippe.

Guerre en Ukraine : “L’Afrique du Sud peut jouer un rôle”

En filigrane de cette visite figurait également la position de l’Afrique du Sud, qui s’est abstenue en février de voter en faveur des résolutions de l’ONU sur le conflit en Ukraine et se dit neutre.

Jeudi soir, lors du banquet d’État, le roi Philippe a rappelé au président que “la Belgique prône le respect de la souveraineté de chaque nation et condamne toute atteinte à l’intégrité territoriale d’un État”. Il a toutefois tendu une perche en se déclarant convaincu que “l’Afrique du Sud peut jouer un rôle à contribuer à une résolution de l’actuel conflit en Ukraine”.

Guerre en Ukraine : les menaces de Medvedev en cas d’arrestation de Vladimir Poutine

La ministre belge des Affaires étrangères, interrogée par La Libre, n’a pas dit autre chose. “Notre message principal au président et à la ministre sud-africaine des Affaires étrangères ce jeudi est qu’on ne peut admettre qu’un État en envahisse un autre et piétine toutes les règles du droit international et de la charte des nations unies dont l’Afrique du Sud est partie prenante, a pointé Hadja Lahbib (MR). L’Afrique du Sud a une position d’équilibriste, de neutralité qui, nous l’espérons, pourrait amener à un moment donné à un dialogue avec la Russie. Nous avons demandé aux Sud-africains qu’ils activent leurs voies de communication pour intercéder et faire entendre raison à la Russie et à Vladimir Poutine. Puisque, eux, ont encore des discussions avec Vladimir Poutine mais aussi avec Volodymyr Zelensky. Qui sait, la solution à cette terrible guerre aux portes de l’Union européenne trouvera peut-être une solution ici, via cette position de neutralité. C’est crucial de maintenir le dialogue avec des pays sensibles à des narratifs différents.”

Booster les échanges économiques

Outre ces questions cruciales, le cœur de la visite d’État est surtout économique.

”L’Afrique du Sud a des plans ambitieux pour moderniser ses infrastructures en investissant dans l’expansion des ports, des chemins de fer et des réseaux routiers. Ces projets nécessiteront des investissements importants et il existe des opportunités pour les entreprises belges ayant une expertise dans ces secteurs de s’y joindre”, a pointé le président Sud-africain devant un parterre de businessman.

La visite d’État belge présente un enjeu important pour l’Afrique du Sud, qui souhaite booster les échanges économiques avec la Belgique, dixième client commercial – et troisième au niveau de l’Union européenne. Et pour son président en particulier.

Car l’étoile de cet ancien militant anti-apartheid, distingué par Nelson Mandela, puis reconverti en businessman – il est l’un des hommes les plus riches d’Afrique – a pâli. Cyril Ramaphosa, membre de l’ANC, a été éclaboussé récemment par un scandale au parfum de corruption, et doit composer en plus avec une crise énergétique interne majeure.

De son côté, qu’espère la Belgique de ce déplacement ? “La Belgique est très présente en Afrique du Sud dans le secteur du biopharma, dans le développement de vaccins par ARN messager, développé par un partenariat public-privé, souligne Hadja Lahbib (MR), ministre des Affaires étrangères. Cela représente 25 % de nos échanges commerciaux. Les Sud-africains sont également très preneurs de nos hydrogènes verts. Ils ont un gros problème de délestage, de coupures de courant, au point qu’ils ont mené en urgence un ministre temporaire de l’électricité. Or l’énergie durable, l’hydrogène vert, l’éolien offshore, sont des spécialités belges. Ils en sont au début ici et on peut être des partenaires importants pour eux. Il y a aussi beaucoup de présences des universités belges, au niveau de la recherche et du développement. Nous sommes un partenaire très important pour l’Afrique du Sud.”

Une marge de progression existe pour la Belgique puisque notre balance commerciale avec l’Afrique du Sud est déficitaire.

De son côté, l’Afrique du Sud importe en Belgique des voitures (ils construisent notamment la Mercedes classe C), des isotopes utilisés dans la filière nucléaire, du vin du Cap, mais aussi des diamants.

Un accueil traditionnel réservé à Philippe et Mathilde en Afrique du Sud : découvrez la vidéo