La scolarisation précoce permet-elle vraiment de gommer les inégalités sociales ?
Le nouveau gouvernement fédéral veut abaisser l’obligation scolaire de 5 à 3 ans. L’objectif avancé : lutter contre les inégalités sociales en scolarisant précocement tous les enfants. Un vieux débat qui met en lumière l’importance des premières années d’apprentissage. « La Libre » a posé trois questions à Frédéric Nils, professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UCLouvain.
- Publié le 20-02-2025 à 09h04

1. Le gouvernement Arizona veut rendre l’école obligatoire dès l’âge de 3 ans, contre 5 ans actuellement. Cette mesure permet-elle véritablement de lutter contre les inégalités sociales ?
Oui, absolument. Il y a d’ailleurs consensus sur la question. Le débat, en Belgique, ne date pas d’hier. Si la scolarité démarre précocement, par exemple vers l’âge de trois ans, cela a pour effet de réduire les inégalités sociales à l’école. En réalité, les années du cycle maternel permettent de réduire et de gommer les différences de niveau entre les élèves qui sont dues à des inégalités sociales. Il y a d’ailleurs des travaux qui montrent que contrairement à ce que l’on pourrait espérer, toute la scolarité n’a pas un impact positif en termes de diminution des inégalités sociales… mais seulement la scolarité maternelle.
D’où l’intérêt que la majorité voire que tous les enfants soient scolarisés dès ce palier d’éducation. Cela permet aux enfants d’acquérir des mots de vocabulaire, de stimuler l’éveil cognitif ou encore de se préparer aux codes et à la vie à l’école. Cela permet également, pour les enfants qui ne sont pas éduqués à la maison dans la langue du pays, de faire des apprentissages significatifs dans la connaissance et la maîtrise de la langue de l’enseignement.
2. Que répondez-vous à ceux qui soutiennent qu’une telle obligation scolaire dès 3 ans risque de compromettre le rythme voire l’épanouissement de l’enfant ?
Je leur réponds que les individus à qui nous confions nos enfants en bas âge sont des professionnels de l’éducation, de l’enseignement, que ceux-ci ont suivi des cours de psychologie du développement, qu’ils savent pertinemment bien qu’il y a un rythme de l’enfant à respecter et que ce sont les personnes les plus avisées – peut-être même plus que les parents eux-mêmes – pour permettre à un enfant de développer un rythme adéquat. Bien évidemment, il est clair que si les parents habitent à vingt kilomètres de l’école où leur enfant est scolarisé, cela implique d’établir une organisation tous les matins pour être prêt à temps. Il peut y avoir quelques soucis en termes d’adaptation, mais cet argument pèse peu face à tous les bénéfices que l’on peut retirer d’une scolarisation précoce.
3. Reste à voir si les parents eux-mêmes sont capables de respecter la règle. Comment faut-il s’y prendre ?
C’est tout à fait exact. Les parents doivent comprendre qu’on ne retire pas de l’école son enfant en bas âge parce que l’on a décidé, un matin, de partir en vacances ; ou qu’on ne met son enfant à l’école à la carte, quand cela nous arrange. Il ne faut pas aller vers la répression, mais il faut induire un changement de regard dans le chef du parent à l’égard de l’importance de la scolarité maternelle.
Beaucoup de parents associent la scolarité à l’acquisition de compétences et de connaissances tandis qu’ils associent les maternelles à la vie récréative, à quelque chose de ludique. Or il y a des éléments essentiels qui se produisent durant ces années-là en termes de développement socio-affectif et socio-cognitif. C’est essentiel, les parents doivent le reconnaître et l’admettre. D’où la nécessité, enfin, de faire un travail de communication à ce propos à l’adresse de tous les parents.