La légalisation du spray au poivre : une solution contre les violences sexistes ?
Lors de l’émission « De Afspraak » sur VRT Canvas, le ministre Rob Beenders a exprimé son souhait de lancer une enquête approfondie sur la légalisation du spray au poivre pour les femmes. Cette démarche s’inscrit dans un contexte de réflexion plus large sur la sécurité des femmes dans l’espace public, en prenant en compte divers avis et expertises.
Lors d’une récente émission de la chaîne VRT Canvas, le ministre Rob Beenders a déclaré son intention d’initier une « enquête approfondie » concernant la légalisation du spray au poivre. Il a indiqué : « Je suis d’accord pour que les femmes aient du spray au poivre dans leur sac, mais je souhaite connaître les avantages et les inconvénients, ainsi que l’impact réel que cela pourrait avoir. »
Beenders a donc sollicité l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes pour examiner cette question. Il a proposé d’inclure diverses parties prenantes, y compris des représentants du secteur judiciaire, de la police et d’associations sur le terrain.
Cette réflexion fait partie d’une série de mesures globales envisagées pour renforcer la sécurité des femmes dans l’espace public. Le ministre a souligné qu’il ne préjugeait pas du résultat de l’étude qui sera menée.
**Un parallèle avec les Pays-Bas ?**
Cette prise de parole intervient dans un contexte particulier, en écho à un débat en cours aux Pays-Bas suite à l’agression meurtrière d’une adolescente de 17 ans à Duivendrecht en août dernier. Cet événement tragique a suscité une forte réaction publique, symbolisée par la campagne citoyenne « Wij eisen de nacht op » (Nous réclamons la nuit). De plus, le chef du parti d’extrême droite, Geert Wilders, a tenté de capitaliser sur cet incident à l’approche des élections législatives anticipées prévues à la fin d’octobre.
En Belgique, le Vlaams Belang a depuis longtemps plaidé pour la légalisation du spray au poivre comme moyen de défense pour tous, à partir de 16 ans. À la fin du mois d’août, le parti a rappelé sa position, évoquant le droit à la « légitime défense face à la racaille », tout en établissant un lien avec la situation aux Pays-Bas.
Dans l’émission, la journaliste a introduit le débat en se basant sur une intervention de ce parti, notant que Beenders ne semble plus considérer ce sujet comme « tabou ». En réponse, Beenders a précisé qu’il souhaite se distinguer de l’approche du Vlaams Belang, affirmant : « La différence est que le Vlaams Belang pense pouvoir régler ce problème uniquement avec du spray au poivre. Pour moi, cela ressemble à un dragon à plusieurs têtes. L’autodéfense ou le spray au poivre ne suffiront pas. Il faut agir sur plusieurs fronts. »
Le ministre a exprimé sa volonté de « comprendre et d’agir », demandant des recherches pour déterminer si cela pourrait renforcer le sentiment de sécurité.
**Une arme interdite aujourd’hui**
Actuellement, utiliser ou posséder du spray au poivre est interdit en Belgique, car il est classé comme une arme « par nature ». D’autres objets, comme des couteaux de cuisine, ne sont considérés comme des armes que lorsqu’ils sont utilisés dans ce but.
Chaque État a la responsabilité de déterminer les armes autorisées. L’autorisation généralisée du spray au poivre pourrait entraîner des abus, notamment son utilisation par des agresseurs. Une avocate présente sur le plateau a suggéré qu’il pourrait être envisageable de ne l’autoriser qu’aux femmes à risque d’agression, bien que cela pose des problèmes juridiques. L’avocat Laurent Kennes a souligné la nécessité d’une égalité de traitement entre citoyens en matière de port d’armes.
Kennes a également averti qu’autoriser l’usage de ce type de spray impliquerait que les femmes doivent prouver la légitimité de leur recours à cette arme, ce qui représente une lourde responsabilité.
**Un choix sociétal**
Laurent Kennes a également noté que cette question dépasse le cadre juridique : « Ce n’est pas à nous de nous défendre. C’est à la société et aux policiers de rendre notre environnement plus sécurisant. »
Laura Chaumont, responsable du projet Espace public à l’asbl Garance, a ajouté que la légalisation des sprays au poivre pourrait créer une société où les individus sont plus armés, ce qu’elle désapprouve. Elle a exprimé qu’elle ne souhaite pas soutenir des politiques qui favorisent une approche sécuritaire souvent promue par des partis d’extrême droite.
Elle a précisé qu’il est essentiel de ne pas juger moralement celles qui pourraient se sentir en sécurité avec un spray, mais il est crucial de comprendre les limitations de tels outils de défense.
**Multiplier les stratégies**
Chaumont a expliqué que son organisation propose des formations d’autodéfense physique et verbale, encourageant les femmes à explorer diverses stratégies d’autoprotection. Elle a insisté sur l’importance de la prévention des violences, considérant qu’elle demeure le moyen le plus efficace pour réduire ces dernières.
Enfin, le ministre Beenders n’a pas précisé quelles mesures supplémentaires pourraient être mises en place pour garantir l’égalité des chances et améliorer la sécurité des femmes. Son cabinet a tout de même mentionné des projets visant à revoir l’éclairage public, qui reste une demande prioritaire des femmes interrogées dans une enquête récente.
Il est à noter que le spray au poivre n’a presque pas été mentionné par celles ayant répondu au sondage. Laura Chaumont a rappelé que si le harcèlement sexiste dans l’espace public est une réalité fréquente, la majorité des violences subies par les femmes se produisent dans des contextes privés, un aspect souvent négligé dans ces débats.

