La France ingouvernable : « Tout est ramené à l’élection présidentielle »
Le 8 septembre, François Bayrou n’a récolté qu’un tiers des voix de l’Assemblée nationale lors du vote de confiance sur son plan d’économies budgétaires. La France n’a pas non plus la culture du compromis propre à la Belgique, un constat qui vaut aussi pour les syndicats.
Le 8 septembre, François Bayrou a obtenu seulement un tiers des voix de l’Assemblée nationale lors du vote de confiance concernant son plan d’économies budgétaires destiné à réduire le déficit public du pays. Conformément à l’article 50 de la Constitution, il a été contraint de remettre la démission de son gouvernement au président. Cet échec était prévisible, n’ayant pas le soutien de la gauche, des écologistes, ni de l’extrême droite.
La France paraît ingouvernable, car aucune majorité parlementaire n’émerge des urnes, ce qui reflète une société de plus en plus fragmentée. La situation a même empiré depuis les dernières élections qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale : les trois derniers Premiers ministres n’ont ainsi occupé leurs fonctions que quelques mois. Bayrou était déjà le septième à diriger un gouvernement minoritaire depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, restant à la merci d’une motion de censure de l’opposition. Sébastien Lecornu, le nouveau Premier ministre issu de la droite, hérite également de cette instabilité extrême.
À cela s’ajoute la méfiance grandissante des Français envers le monde politique et un ras-le-bol face à la gestion de leur président, qui est d’ailleurs devenu particulièrement impopulaire. La France est-elle donc bloquée jusqu’à la présidentielle de 2027 ?
Le vote de confiance demandé par François Bayrou n’était pas un acte inconscient, selon Adeline Percept, car il savait qu’il était sur un « siège éjectable ». Le président du MoDem nourrit déjà des ambitions pour l’élection présidentielle et risquait d’affronter la censure parlementaire sur son budget prochainement. En essayant le tout pour le tout, il pourrait se repositionner dans la course à l’Élysée dans deux ans, en présentant les autres partis comme irresponsables, « en disant ‘vous voyez, je vous avais dit la dette, il fallait s’en occuper et jouer les bons pères de famille à ce moment-là' ».
Cette stratégie illustre finalement une situation politique en constante perturbation, déconnectée de la réalité des citoyens, constamment tournée vers les élections à venir.
Concernant l’élection présidentielle, José-Alain Fralon met en avant un autre facteur qui fragilise le système politique : « La fonction présidentielle a été démonétisée. Ça a commencé avec Sarkozy ‘Casse-toi pov’con !’ Puis il y a eu le scooter de Hollande, et maintenant c’est Macron qui dit tout et son contraire, qui parle trop. Donc le président de la République n’est plus cette espèce d’arbitre dont on pensait qu’il allait être ». La France ne possède pas non plus la culture du compromis propre à la Belgique, un constat qui s’applique également aux syndicats, comme le rappelle l’ancien correspondant à Bruxelles et rédacteur en chef adjoint au Monde : « En Belgique, les groupes sociaux se mettent d’accord entre eux avant, et les hommes politiques viennent pour avaliser ça. En France, tout est politisé. Regardez le mariage pour tous, regardez la fin de vie, on n’a pas encore trouvé une loi alors que ça passe ailleurs. Voilà le problème français : tout est politique et tout est ramené à l’élection présidentielle ».
De plus en plus d’observateurs s’interrogent sur le fonctionnement d’un gouvernement : la France semble s’enliser dans une vision d’un système majoritaire, sans réelle coalition regroupant des formations politiques opposées.
Pour José-Alain Fralon, le problème découle de la Constitution : « La présidentielle, c’est un homme par rapport à une nation. Il n’y a pas de compromis. Mais entre-temps, il y a le Parlement, ça compte et il faut un compromis au Parlement. Et pour l’instant, on y va de moins en moins parce qu’avant, il faut bien voir entre les sociaux-démocrates, Mitterrand, la droite, Chirac, ça allait sur l’essentiel, ils étaient quand même pratiquement d’accord. Bon, il y a eu des heurts, mais il y a eu une cohabitation. » Aujourd’hui, les compromis sont plus difficiles à établir, en raison de la montée des deux extrêmes, le RN et LFI, à l’Assemblée nationale.
Pour Sébastien Lecornu, l’objectif sera de constituer un gouvernement soutenu de l’extérieur, à l’instar de la grande coalition allemande, analyse Adeline Percept : « On irait des Républicains, si on prend le centre de Sébastien Lecornu, jusqu’au Parti socialiste qui se dit quand même prêt à dialoguer. C’est la seule façon (d’obtenir une majorité). Là, on arrive à avoir 299 députés, sur le papier, sur 577. » Les socialistes ne voudront jamais s’associer aux macronistes, espérant une victoire à la présidentielle, mais Lecornu pourrait « trouver quelques points sur lesquels on peut bâtir un budget et peut-être une ou deux réformes en direction de la justice sociale et de la justice fiscale ».
Avec cette polarisation croissante et des clivages de plus en plus marqués entre les différents groupes politiques, on pourrait conclure que la Ve République, un système présidentiel fort édifié par de Gaulle, est aujourd’hui obsolète. « Est-ce que les socialistes peuvent rentrer dans une coalition avec la droite ? Pourquoi pas. Sauf que s’ils perdent l’élection présidentielle, cela pourrait profiter au Front national ou à une extrême gauche plus forte et plus radicale. Donc pour l’instant, la constitution de la Ve République, ça ne fonctionne plus », constate José-Alain Fralon.
► Que peut-on alors envisager après 2027 ? La population se détourne-t-elle vraiment du politique ? Découvrez-le ci-dessus en écoutant la suite du podcast Les Clés ou sur Auvio.

