Belgique

La fin du brevet infirmier en septembre 2026 : conséquences à prévoir ?

En Belgique, depuis 1960, il existe deux filières de formation pour devenir infirmière ou infirmier : le graduat (appelé aujourd’hui le bachelier) infirmier et le brevet infirmier. Une procédure d’infraction a été lancée contre la Belgique en 2010 par la Commission européenne en raison du fait que le brevet infirmier est en infraction à la directive sur la reconnaissance mutuelle des diplômes infirmiers européens.


En Belgique, deux voies de formation existent depuis 1960 pour devenir infirmière ou infirmier :

– Le bachelier en soins infirmiers
– Le brevet d’infirmier

Le brevet d’infirmier a été institué après le bachelier pour remédier à une pénurie de personnel, initialement de façon temporaire. Cette formation est axée sur la pratique, avec peu de théorie et des stages dès les premières semaines, souvent considérée comme un niveau moins élevé que le bachelier. Ce dernier est vu comme une formation plus théorique permettant d’accéder à des spécialisations, à l’enseignement ou à la recherche.

### Une décision pour répondre aux exigences européennes

Ce brevet d’infirmier contrevient à la directive européenne sur la reconnaissance mutuelle des diplômes. Une procédure d’infraction avait été engagée par la Commission européenne contre la Belgique en 2010. Cette situation a été évoquée par la ministre de l’Éducation, Valérie Glatigny (MR), pour justifier la suppression de cette filière dès la rentrée prochaine.

### Une annonce tardive avec un délai court

Cette annonce, faite le 23 septembre, est jugée tardive par Véronique Mahieu, directrice de l’Ave Maria à Mons, une des écoles impactées par cette suppression. L’année scolaire a déjà commencé, et de nombreux élèves ont été inscrits en première année ou en année préparatoire. Cela signifie que les étudiants qui doublent ne pourront pas continuer l’année suivante, et ceux en année préparatoire n’auront plus cette option. Rien n’est encore confirmé, car une dérogation a été demandée aux autorités.

Le malaise est palpable. Elle déclare : « Au niveau humain, je me sens très mal. J’ai inscrit des étudiants en leur promettant des choses que je ne pourrais peut-être pas atteindre. Donc, les étudiants perdent un an. » Véronique Mahieu s’inquiète également pour l’avenir de son école et de son personnel.

Du côté des étudiants, l’inquiétude est forte : « Moi, je suis en première et si je rate mon année, je vais aller dans une classe qui n’existe pas parce que l’école ne peut plus prendre d’élèves à partir de septembre 2026 », explique Alexandra. « Autrement dit, vu qu’on est la dernière promotion, on n’a pas droit à l’erreur pendant 3 ans et demi ! Ça vous met un stress constant. »

Alyssa ajoute : « On est vraiment tous dans le flou. On ne sait pas comment ça va se passer. Est-ce que ça va continuer ? Est-ce que l’école ne va pas fermer ? C’est vraiment très compliqué. En plus, si nous redoublons, nous serons directement orientés vers la section des ASI, donc des assistantes infirmières, qui n’auront pas le titre d’infirmière, mais qui pourront effectuer des soins infirmiers. Donc le salaire ne suivra pas en fonction des actes. » Elle souligne également que tout le monde ne préfère pas un enseignement plus théorique et moins pratique.

### Une situation difficile à vivre aussi pour les professeurs

Valérie Happillon, cheffe d’atelier à l’Ave Maria de Mons, qualifie la situation de « très dure à vivre » : « En plus d’avoir la peur pour nos métiers, on accompagne des jeunes et des moins jeunes pour essayer qu’ils réalisent quelque chose dans leur vie, qu’ils sortent de leurs conditions. Et puis, il y a tout qui s’écroule. »

Elle précise que les étudiants du secteur préparatoire se trouvent en grande précarité, car cette filière ne mène qu’au jury pour devenir infirmier breveté. Les jeunes se sentent déstabilisés en classe sans comprendre l’objectif de leurs cours. Elle évoque aussi une diversité d’âge parmi les étudiants, ceux-ci pouvant être aussi bien de 18 que de 50 ans. Ils croient que cette décision leur enlève la possibilité de réussir, car s’ils échouent, ils iront directement vers une formation d’assistant en soins infirmiers, dont l’organisateur reste incertain. L’ambiance dans l’école est qualifiée de « morbide. »

Dans l’enseignement libre, environ 1200 enseignants devront être reclassés. Tous les professeurs concernés soulignent que cette suppression risque d’aggraver encore la pénurie d’infirmières.

### Une revendication de la profession infirmière depuis de très longues années

Du côté de la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique (FNIB), son président, Dan Lecocq, affirme que la suppression de la formation du brevet d’infirmier « est une revendication de la profession infirmière depuis de très longues années. En tant que Fédération Nationale des Infirmières de Belgique, et au nom de nos collègues de l’Association Belge des Praticiens de l’Art Infirmier, nous sommes favorables à cette suppression. » Il évoque que de nombreuses études ont prouvé qu’un niveau de formation élevé chez les infirmiers et infirmières augmente la qualité des soins et la sécurité des patients.

Dan Lecocq précise également que le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’aligne sur la Flandre, qui a supprimé cette formation il y a deux ans.

### Les étudiants inscrits pourront continuer leur formation

Il ajoute que cette décision ne met pas fin à la formation des étudiants déjà inscrits : « En vertu du principe des droits acquis, il paraît évident que toutes celles et ceux qui vont jusqu’au bout de cette formation d’infirmiers brevetés verront leur titre reconnu. » Concernant le risque d’augmenter la pénurie, il rappelle que cette formation avait été initiée pour y pallier, mais que cela n’a pas fonctionné, et il démontre que l’existence d’une filière unique dans l’enseignement supérieur a un impact sur l’attractivité.

### Des passerelles entre la formation d’assistant et d’infirmier responsable

Dan Lecocq mentionne aussi qu’une formation d’assistants aux soins infirmiers est prévue dans le secteur francophone, semblable à celle mise en place en Flandre. Des passerelles seront possibles entre cette formation d’assistants et celle d’infirmiers responsables. Ceux qui souhaitent se lancer dans des études pourront, le cas échéant, commencer par la formation d’assistant avant de continuer vers celle d’infirmier.

### Réformer, mais en profondeur

Arnaud Bruyneel, infirmier et chargé de cours en santé publique à l’ULB, est d’avis qu’une filière unique peut renforcer l’attractivité du métier, mais cela doit s’accompagner d’une « politique d’attractivité et de rétention » pour la profession infirmière. Cela pourrait être la clé pour lutter contre la pénurie. Il évoque que 40% des infirmiers diplômés ne travaillent plus dans les soins de santé.

Pour rendre la profession plus attrayante, il cite une étude réalisée auprès de 5500 infirmières et infirmiers, qui recommandent notamment de diminuer la charge de travail administratif, d’améliorer le soutien hiérarchique, d’être davantage écoutés, et souligne que le salaire continue de rester une priorité.