La DZ Mafia, une organisation criminelle influençant le rap français.
La DZ Mafia a été citée pour la première fois dans la nuit du 12 au 13 mars 2023, dans les quartiers nord de Marseille, où le corps d’un homme de 23 ans a été retrouvé dans le coffre d’une voiture en flammes. Joan Tilouine a précisé que les réseaux mafieux s’intéressent au rap, qui est devenu un genre dominant pesant plus de la moitié de l’industrie musicale en France.
La DZ Mafia, c’est quoi ?
La DZ Mafia a été mentionnée pour la première fois publiquement dans la nuit du 12 au 13 mars 2023, dans les quartiers nord de Marseille. Le corps d’un jeune homme de 23 ans a été découvert dans le coffre d’une voiture enflammée. La scène a été filmée puis postée sur Snapchat, où l’on pouvait lire : « Voilà la dernière étape pour tous les e*****s qui voudront essayer d’attaquer le pain de la DZ MAFIA ».
DZ pour Algérie, Mafia pour affirmer sa présence dans le monde criminel.
À l’origine, la DZ Mafia est essentiellement active dans le commerce de drogue, récupérant progressivement les points de deal à Marseille. Depuis sa création, cette association de malfaiteurs s’illustre en s’étendant à d’autres villes françaises, indique Fabrice Rizzoli, professeur en sciences politiques et spécialiste de la criminalité organisée. Ainsi, la DZ Mafia a élargi son territoire, atteignant même Bruxelles.
Ce qui retient l’attention sur ce groupe, c’est aussi leur méthode de communication. « Ils ont organisé une conférence de presse qui a suscité l’attention. C’était quelque chose d’inédit dans l’histoire du crime organisé. Ils ont déclaré qu’ils n’étaient pas responsables de l’assassinat d’un chauffeur de taxi, » précise Fabrice Rizzoli. En effet, en 2024, après la mort tragique d’un adolescent de 15 ans et celle d’un chauffeur de VTC, Marseille a été choquée. Tous les regards étaient tournés vers ce gang, surtout que dans le cadre du meurtre du chauffeur de VTC, le suspect n’avait que 14 ans et prétendait faire partie de la DZ Mafia. L’organisation criminelle a alors choisi une approche de communication hors du commun.
Les membres de la DZ Mafia cherchent également à recruter des jeunes sur les réseaux sociaux, notamment Snapchat. Certains n’ont que 15 ans et deviennent parfois de véritables tueurs à gage.
Bien que la DZ Mafia ait commencé par la vente de drogues, elle diversifie actuellement ses activités. Extorsions, rackets, enlèvements, proxénétisme et meurtres font partie de son champ d’action.
Elle exploite même la montée du rap pour sécuriser des financements.
Quelle relation avec SCH ?

Le cas de SCH est particulièrement connu, ayant fait l’objet d’une attention médiatique notable à l’été 2024. Les faits sont décrits dans le livre « L’empire, enquête au cœur du rap français », rédigé par Paul Deuschmann, Simon Piel et Joan Tilouine. Les auteurs dévoilent des messages envoyés aux membres de l’entourage de SCH pour les intimider. De plus, la mère et la grand-mère de SCH auraient été menacées avec une arme, des individus masqués leur demandant d’ouvrir la porte de la maison du rappeur. Les cambrioleurs auraient réussi à dérober 50 000 euros en espèces.
Les auteurs ont eu accès au procès-verbal de SCH, rédigé après l’assassinat de son ami. Dans ce document, il déclare : « A Marseille, si on n’est pas produit ou managé par des gens du milieu, ils cherchent un prétexte pour vous faire payer quelque chose que vous ne devez pas. Ils trouvent n’importe quel prétexte bidon pour vous inciter à payer. » En poussant la menace, le manager de SCH a reçu ce SMS : « Toi qui ne réponds pas aux messages. Il ne faudra pas pleurer vos morts, très proches. » Joan Tilouine, l’un des auteurs, a été interviewé par Matin Première, où il affirmait : « C’est l’événement le plus marquant qui illustre la prise de pouvoir ou la menace des nouvelles organisations criminelles, qui font preuve d’une ultraviolence à l’égard de ces artistes pour les extorquer, les contrôler et tirer profit de leur succès dans le rap.«
Une nouvelle façon de capter des flux financiers légaux
Joan Tilouine, co-auteur du livre « L’empire, enquête au cœur du rap français »
La DZ Mafia se lance dans le racket. En plus de s’attaquer aux commerces marseillais, elle vise les rappeurs. Pourquoi cet intérêt pour le rap ? Joan Tilouine explique : « C’est une forme de diversification, une nouvelle façon de capter des flux financiers légaux. Cela est primordial pour des organisations du monde de l’illégal. Pouvoir créer un maillage d’entreprises et de véhicules financiers alimentés par des multinationales de la musique. L’argent propre est précieux. Plutôt que de blanchiement, il s’agit de captation.«
D’autres rappeurs dans le viseur
Actuellement, SCH a quitté Marseille pour s’établir à Paris, dans un endroit gardé secret. « On est contraints de vivre comme des criminels alors que nous sommes de simples artistes« , mentionne le livre « L’empire, enquête au cœur du rap français ». D’autres rappeurs, comme Naza, seraient également menacés par la DZ Mafia. Il est difficile de déterminer si les menaces proviennent directement de l’organisation criminelle ou d’individus se faisant passer pour elle.
En février 2023, un studio d’enregistrement a été incendié. À nouveau, il est difficile d’affirmer que cette intimidation a été orchestrée par la DZ Mafia. Une semaine après, trois rappeurs, dont Naps, ont annoncé leur départ du studio et leur souhait d’exercer de manière indépendante. Le nom de Werenoi, rappeur décédé en mai dernier, est également mentionné dans le livre « L’empire, enquête au cœur du rap français ».
La musique comme cible des narcotrafiquants
Il n’est pas nouveau que l’industrie musicale soit ciblée par les narcotrafiquants, selon Fabrice Rizzoli, professeur en sciences politiques et spécialiste de la criminalité organisée. « Les sociétés de production ont toujours subi la pression du crime organisé pour une raison majeure. Tout comme dans le secteur du bâtiment, on peut payer les salariés, le cadreur, celui qui fait la lumière, la prise de son, au noir. Ils peuvent recevoir un salaire de base mais le reste sera payé en liquide, avec de l’argent sale. En retour, la société de production devra, à un moment donné, rembourser l’argent aux gangsters.«
D’après Paul Deutschmann, interrogé dans Quotidien, certains artistes vivent aujourd’hui dans l’angoisse. Ce trafic risque d’impacter leur créativité. « Aujourd’hui, certains labels n’osent plus signer d’artistes à Marseille, à cause du contexte actuel.«
La nouveauté est que les réseaux mafieux s’intéressent désormais au rap, devenu un genre dominant, représentant plus de la moitié de l’industrie musicale en France. Un nouveau terme émerge : narcoproducteurs. Il s’agit de narcotrafiquants qui produisent de la musique, souvent en exerçant une emprise sur les artistes, afin de capter les revenus des maisons de disques.

