La convention qui fixe les tarifs des médecins ne tient plus qu’à un fil: « Notre édifice de sécurité sociale est mis en péril »
Après le blocage du budget 2025 des soins de santé par le gouvernement, c’est la grogne dans les syndicats médicaux, qui mettent la pression sur le monde politique. Le Cartel envisage de dénoncer la convention médico-mutualiste. L’Absym ne voit pas pourquoi les médecins respecteraient des tarifs non indexés.
- Publié le 29-10-2024 à 19h59
Le système belge des soins de santé est en pleine crise. La semaine dernière, le gouvernement De Croo a bloqué l’adoption du budget 2025 de l’assurance maladie. Plus précisément, lors de cette réunion cruciale au Conseil général de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami), l’Open VLD a voté contre la proposition de budget et le MR s’est abstenu. L’Open VLD, qui ne devrait pas être de la prochaine coalition gouvernementale, estime qu’il n’a pas à engager le futur exécutif. Il se dit également que les libéraux flamands, par leur refus, protègent l’industrie pharmaceutique des lourdes économies que prévoyait ce projet de budget. Quant au MR, qui participe quant à lui aux négociations Arizona, son refus serait davantage lié à sa volonté de limiter la norme de croissance du budget des soins de santé.
Toujours est-il que, par leur attitude, les libéraux du nord et du sud du pays bloquent l’adoption du budget 2025 des soins de santé, car l’unanimité des partis membres de la coalition gouvernementale est requise pour l’adopter. Résultat des courses : le 1er janvier prochain, les soins de santé belges basculent dans l’inconnu.
Pourtant, les mutuelles, les prestataires de soins et les établissements de soins avaient élaboré, selon leurs dires, un projet de budget rigoureux, tenant compte des économies à réaliser. Les médecins avaient notamment concédé, la mort dans l’âme, la fin du remboursement des consultations téléphoniques.
La fin de la sécurité tarifaire ?
Rapidement, les mutuelles ont dénoncé l’attitude des libéraux au gouvernement, qui ouvre une période d’incertitude pour les patients. Aujourd’hui, ce sont les médecins qui montent au créneau.
Ce mardi, le Cartel, qui regroupe les syndicats de médecins généralistes du GBO et de l’ASGB ainsi que les spécialistes du MoDeS, a adressé un courrier vindicatif à ses affiliés. Dans celui-ci, les administrateurs du Cartel indiquent qu’ils n’hésiteront pas à dénoncer l’accord médico-mut. Ce qui signifie que les médecins ne seraient plus tenus de respecter les tarifs prévus dans la convention. Pour les patients, cela signifie la fin de la sécurité tarifaire.
Cette convention médico-mutualiste, signée par les représentants des médecins et des organismes assureurs, détermine en effet les tarifs des prestations des médecins pour un ou deux ans. Elle intervient dans un cadre qui prévoit une indexation des honoraires médicaux, ainsi qu’une croissance du budget des soins de santé (pour faire face au vieillissement de la population). Or, sans budget 2025, il n’y aura ni indexation ni croissance au menu. Inacceptable pour les syndicats médicaux.
« Nous sommes otages »
Pour le Cartel, le Dr Lawrence Cuvelier, président du GBO, prévient : « Notre édifice de sécurité sociale est mis en péril. Nous sommes otages d’une lutte politique qui nous dépasse. Nous n’hésiterons pas à prendre cette mesure qui libérerait les médecins de suivre les tarifs de la convention. Ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous voulons maintenir l’accessibilité des soins, mais si aucune alternative ne se dégage, nous le ferons ». Le Cartel multiplie cependant les contacts avec le monde politique pour ne pas devoir en arriver là.
De son côté, l’Absym, premier syndicat de médecins du pays, avait immédiatement réagi après le blocage du budget. Dans un communiqué, il demandait : « Pourquoi les médecins accepteraient-ils encore de signer une convention si le gouvernement remet en cause tous les accords budgétaires ? ».
« De la musculation »
Contacté mardi, le Dr Gilbert Bejjani, vice-président de l’Absym, explique le mécontentement des médecins. « L’indexation, c’est la carotte. Sans indexation, il n’y a plus de raison d’avoir un accord tarifaire. Et alors nous lancerons un appel au déconventionnement massif. »
Le Dr Bejjani pense cependant qu’il ne faudra pas aller jusque-là. Selon lui, la séquence politique à laquelle on a assisté était « de la musculation » entre des partis qui ont une vision différente de la norme de croissance du budget des soins de santé (augmentation, maintien ou réduction). L’Arizona dispose encore de quelques semaines pour s’accorder à ce sujet et pour adopter le budget 2025. S’il n’y parvient pas, la balle reviendra dans le camp de la Vivaldi. Qu’Alexander De Croo le veuille ou non.