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« La Chine envoie un vaisseau pour sauver trois taïkonautes »

La Chine a annoncé mardi avoir lancé son vaisseau spatial Shenzhou22 vers sa station spatiale Tiangong. Le vaisseau Shenzhou22, sans équipage, a été préparé et envoyé en 16 jours pour transporter des fournitures pour les taïkonautes restés sans vaisseau opérationnel.


La Chine a annoncé mardi le lancement anticipé de son vaisseau spatial Shenzhou 22, un engin non habité, vers sa station spatiale Tiangong. L’objectif de cette mission est de ramener trois taïkonautes sur Terre.

Zhang Lu, Wu Fei et Zhang Hongzhang résident dans la station spatiale depuis fin octobre. Leur voyage dans l’espace a débuté le 31 octobre 2025 lors de la mission Shenzhou 21, qui s’est bien déroulée.

Les trois astronautes ont ensuite laissé leur vaisseau à un nouvel équipage, celui de Shenzhou 20, dont le vaisseau a subi, selon les déclarations chinoises, des dommages à sa vitre causés par un débris spatial.

Les taïkonautes restés dans la station étaient donc sans vaisseau opérationnel pour leur retour.

Face à cette situation, les autorités chinoises ont rapidement préparé un nouveau vaisseau sous la mission Shenzhou 22. Ce véhicule spatial a été conçu et envoyé en seulement 16 jours, alors que le délai normal est de 45 jours.

Shenzhou 22 a décollé sans équipage, mais transportait de la nourriture, du matériel médical et des pièces de rechange pour réparer le vaisseau défectueux de Shenzhou 20. Les astronautes disposent ainsi d’un vaisseau capable de les ramener sur Terre en cas de problème.

Le vaisseau Shenzhou 22 restera amarré à la station spatiale jusqu’en avril 2026, date programmée pour le retour des membres de l’équipage de Shenzhou 21.

**Similitude avec Apollo 13 ?**

Apollo 13 était une mission du programme spatial américain en avril 1970, ayant pour objectif d’atterrir sur la Lune.

Cette mission est surtout célèbre pour son accident grave survenu lors du transit entre la Terre et la Lune, qui a failli coûter la vie à l’équipage, entraînant l’abandon de la mission et un retour d’urgence vers la Terre. L’explosion d’un réservoir d’oxygène a contraint les astronautes à se réfugier dans un module de survie aux ressources limitées.

Pour Emmanuel Jehin, directeur de recherches au FNRS (Fonds National de la Recherche Scientifique) et astrophysicien à l’ULiège, il n’y a aucune comparaison entre les deux incidents : « Malheureusement, les Chinois ne communiquent pas beaucoup et ils ne vont certainement pas communiquer s’ils ont un truc qui ne marche pas bien. Ici, on ne parle pas de trucs trop alarmants. Apollo 13, c’était à un autre niveau. Ils ont vraiment eu des explosions à l’intérieur de l’engin. Ils ont dû se réfugier dans le LEM (Lunar Excursion Module). Ils ont dû faire en urgence des travaux à la MacGyver, du rafistolage. Et ils ont vraiment risqué leur vie. Ils ont réussi à revenir et ils s’éloignaient vers la Lune. Ici, on n’est pas du tout dans le même cas de figure. »

Ce spécialiste de l’espace reste cependant perplexe et dubitatif quant à la version fournie par les responsables chinois : « Je suis quand même un tout petit peu étonné qu’ils aient eu collision avec des déchets parce que les collisions sont quand même extrêmement rares. Est-ce que ce sont eux qui ont foiré l’arrimage ou chopé quelque chose en phase d’arrimage ? Je ne veux pas faire de théorie du complot, mais ça paraît étonnant. Encore une fois, on n’a pas beaucoup d’infos. »

**Un univers spatial poubelle**

La thèse avancée par les Chinois est que leur appareil a été endommagé, vraisemblablement par des débris spatiaux. Aujourd’hui, selon Christophe Bonnal, expert en débris spatiaux à la direction des lanceurs du CNES, « on compte 36 000 objets de plus de dix centimètres dans l’espace, dont 30 000 catalogués et 6 000 non référencés. Le nombre de débris spatiaux pourrait doubler en moins de 50 ans. »

Emmanuel Jehin tire un constat alarmant : « On est en train de polluer l’espace comme on a pollué la Terre. Le problème, c’est qu’il y a très peu de contraintes officielles sur ce problème. On ne va pas se voiler la face, en temps de guerre, avoir des satellites dans l’espace, c’est important pour surveiller les autres. Musk a vraiment changé la donne en envoyant avec son système de méga constellation qui fait que vous avez au-dessus de votre tête plusieurs dizaines de satellites et même des centaines dans le futur pour vous transmettre toutes les données de l’ultra-connexion de nos vêtements, de nos voitures, de nos maisons. »

Actuellement, les agences spatiales tentent de mettre au point des protocoles pour éviter l’accumulation de ces débris spatiaux. « Pour les gros engins, notamment les étages de fusées, ça se fait par la plupart des grandes agences spatiales. Par contre, les Chinois, eux, ne le font toujours pas. On pourrait dire qu’ils en payent les pots cassés sauf que probablement, s’ils ont été heurtés, il y a peu de chances que ce soit par leurs propres débris. »

**Des éboueurs de l’espace ?**

Que faire de tous ces déchets dans l’espace ? Comment nettoyer et récolter tous ces déchets ? Pour l’instant, la solution ne semble pas imminente. L’astrophysicien de l’ULiège explique : « Ça coûte très très cher, il faut beaucoup d’argent pour le faire. On commence à voir qu’il y a un souci mais personne n’investit ce sujet. »

Cette collecte de déchets implique également des enjeux militaires et stratégiques en matière de sécurité : « Il ne faut pas être naïf. Si vous développez des engins capables d’aller enlever des débris, vous êtes aussi capable d’aller enlever n’importe quel satellite qui pourrait vous gêner. Cela dépasse donc le cadre pur du nettoyage des déchets », analyse Emmanuel Jehin.

**L’avenir de la conquête de l’espace et le souci des méga constellations**

Certaines nations envisagent la conquête de l’espace comme un moyen d’affirmer leur puissance. La Chine a investi ces dernières décennies des milliards dans ce secteur pour rivaliser avec les États-Unis, la Russie et l’Europe. Parallèlement, de grandes entreprises souhaitent créer des constellations satellitaires. C’est le cas d’Elon Musk avec Starlink, ainsi que d’Amazon et de Kleper. « Actuellement, Starlink, c’est environ 7 000 satellites sur les 14 000 en orbite et en fonction dans l’univers en mars 2025. Musk voudrait arriver à 45 000 à long terme », souligne ce directeur de recherche au FNRS, qui ajoute : « Les prévisions de méga constellations, c’est énorme. Je crois que la première chose qui devrait être faite et réfléchie, c’est mettre au point des protocoles au niveau international. »

**Pollution qui handicape la recherche scientifique**

Tous ces débris spatiaux et satellites ont des conséquences sur le travail des scientifiques. Emmanuel Jehin, en tant qu’astrophysicien, témoigne : « Je suis atterré en tant qu’astronome. Je peux vous dire que dans nos images de télescopes au Chili, au Maroc, et avec nos petits télescopes, on voit tellement plus de traînées de satellites. Quand vous êtes scientifique et que vous vous arrachez les cheveux pour obtenir du temps d’observation, et qu’au moment crucial, un satellite passe et gâche les images, c’est perdu, c’est frustrant, c’est une perte de temps et d’argent. »

Des commissions ont été mises en place pour alerter sur cette situation au niveau européen et de l’ONU, mais Emmanuel Jehin admet avec amertume : « C’est clair que les grandes puissances n’ont pas du tout envie de s’embêter avec ce genre de problématiques, surtout en temps de crise. »