La Belgique prévoit de réduire de 40% sa consommation d’antibiotiques d’ici 2030.
La Belgique s’est engagée à réduire sa consommation d’antibiotiques de 40% en première ligne et également en milieu hospitalier. Au cours des douze derniers mois, une diminution de près de 10% de l’usage global des antibiotiques a été observée.

La Belgique, encore dans le haut du classement européen
« Dans le classement des pays qui consomment le plus d’antibiotiques, la Belgique se trouve dans le top« , souligne le Dr Pedro Falcon, spécialiste des politiques d’usage rationnel des antibiotiques. Le pays s’est engagé, dans le cadre des stratégies européenne et nationale, à réduire considérablement sa consommation.
Les objectifs sont explicites : -40% d’usage en première ligne et une diminution également en milieu hospitalier. « Ce sont de grandes ambitions, mais c’est absolument nécessaire« , insiste le Dr Falcon.
Au cours des dix dernières années, une tendance globalement positive a été observée, notamment durant la période de Covid où les mesures de distanciation ont réduit la circulation des infections courantes, entraînant mécaniquement une baisse des prescriptions. « Après cette période, l’utilisation a légèrement augmenté, mais ces douze derniers mois, nous constatons une diminution de près de 10% de l’usage global des antibiotiques, et surtout une baisse notable des antibiotiques de deuxième ligne* (ndlr : les antibiotiques de seconde ligne sont les antibiotiques utilisés lorsque ceux de première intention se révèlent inefficaces) », détaille-t-il. Cette évolution témoigne d’un ajustement qualitatif autant que quantitatif.
Comment la Belgique cherche à faire changer les pratiques
Pour atteindre ses objectifs, la Belgique mise sur un travail collectif associant le SPF Santé, Sciensano et l’INAMI. La stratégie repose sur trois axes : la production de recommandations, la fixation d’indicateurs et le retour personnalisé aux prescripteurs. « Nous avons mis en place des guidelines destinées aux médecins et établi des indicateurs. Cela permet aux prescripteurs de se situer par rapport à leurs collègues », explique le Dr Falcon.
Concrètement, chaque médecin reçoit un retour régulier sur ses prescriptions, avec un niveau de détail qui lui permet de comparer sa pratique à celle de médecins évoluant dans des contextes similaires.
Un contrôle non contraignant ?
Actuellement, la démarche repose principalement sur la sensibilisation, même si l’éventualité d’un volet plus contraignant se rapproche. « Ce n’est pas contraignant pour le moment. Ceux qui continuent à prescrire excessivement seront suivis de près et sanctionnés. Un seuil de justification a été établi, un objectif chiffré« , prévient-il.
L’enjeu est d’assurer une réduction effective sans pénaliser les prescripteurs qui traitent une patientèle plus vulnérable ou se trouvent dans des contextes particuliers. « Nous offrons toujours aux prescripteurs la possibilité de justifier leurs choix. La manière de prescrire peut varier considérablement selon la patientèle, le secteur, la région…«
Un mouvement réel, mais encore fragile
Malgré la récente diminution, la Belgique reste éloignée de ses objectifs. L’utilisation des antibiotiques en soins primaires demeure élevée, notamment pour des infections virales où ils n’ont aucune utilité. Dans les hôpitaux, certaines bactéries nosocomiales présentent une résistance croissante, indiquant que les progrès réalisés restent fragiles.
Les experts soulignent également que le recul observé doit être interprété avec prudence : une seule saison hivernale marquée par une recrudescence d’infections respiratoires pourrait inverser la tendance. C’est pourquoi les autorités sanitaires insistent sur la nécessité de stabiliser les changements de pratique, d’augmenter l’utilisation des tests rapides et de renforcer la collaboration entre généralistes et pharmaciens.
Garder le cap dans un contexte mondial incertain
La dynamique belge est favorable, mais elle évolue dans un contexte mondial où la résistance augmente plus rapidement que les efforts nationaux.
Le défi, tant pour la Belgique que pour l’Europe, est désormais double : maintenir la tendance à la baisse tout en soutenant la recherche de nouveaux antibiotiques, qui est presque à l’arrêt. Tant que l’innovation ne reprendra pas, réduire la consommation demeurera la première ligne de défense.
Pour le Dr Falcon, la voie est tracée, mais la vigilance reste essentielle : « Nous sommes sur une bonne voie, mais nous sommes encore loin de l’objectif fixé.«

