La Banque européenne déconseille de planquer de l’argent au placard.
La Banque centrale européenne recommande de conserver entre 70 et 100 euros en liquide pour faire face à une « instabilité majeure » pendant environ 72 heures. En Belgique, la part du cash dans les transactions est de 39% en 2024, contre 45% en 2022, et 7 Belges sur 10 déclarent ne pas garder de liquidités en réserve chez eux.
Peut-être faites-vous partie de ceux qui, ce week-end, ont recherché un distributeur automatique de billets, influencés par le message de la BCE, la Banque centrale européenne ? Il semble cependant que peu de gens aient réellement paniqué, les retraits en espèces n’ayant pas connu d’augmentation significative, malgré la recommandation de l’institution financière européenne : *« Gardez votre calme et conservez du cash chez vous ». *
L’annonce de la BCE mérite néanmoins réflexion et questionnement. Il est important de noter que l’institution européenne s’adresse généralement aux États et aux institutions financières, et rarement aux citoyens de l’Union européenne. Que dit donc la BCE ? *« Keep calm and carry cash » : Gardez votre calme et conservez du cash chez vous. Combien ? Oh… pas grand-chose. Le conseil est de conserver entre 70 et 100 euros en liquidité. Au cas où…*
### Au cas où quoi ?
La Banque centrale européenne recommande donc de garder au moins 70 à 100 euros en liquide, en cas « d’instabilité majeure », une somme jugée suffisante pour couvrir les besoins essentiels pendant environ 72 heures. Constituer un petit bas de laine physique… Voilà un réflexe à adopter, même si les conflits directs ont épargné le continent européen depuis plusieurs décennies.
Dans son dernier rapport, la BCE mentionne plusieurs crises ayant ravivé la nécessité de conserver des liquidités à domicile : *« Le déclenchement de crises soudaines – telles que la crise financière de 2008, la crise de la dette souveraine en Grèce en 2014-2015, l’apparition de la pandémie de Covid-19 ou l’invasion injustifiée à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022 – a entraîné une augmentation immédiate et extrême des achats de liquidités par le public. »*
### Chez nous aussi : l’exemple des inondations de 2021
Il ne faut pas toujours remonter si loin. Prenons l’exemple des inondations en Belgique en 2021, rappelle Morgane Kubicki, coordinatrice de la communication chez *Financité* (mouvement pour une finance responsable et solidaire). *« Dans les villes touchées, il n’y avait plus de réseau électrique, plus de distributeurs, on ne pouvait plus retirer de cash. À ce moment-là, pour continuer les échanges, des communes se sont très vite organisées pour faire venir des commerces locaux, pour organiser un marché, afin que les gens aient de quoi se nourrir. Mais il n’y avait plus assez de billets pour continuer les échanges. Si tout le monde avait eu, même quelques dizaines d’euros, ça aurait facilité les choses. »*
Cette pénurie de cash après les inondations a également donné naissance à des initiatives originales. À Theux, dans la vallée de la Hoëgne, entre Spa et Verviers, *« ils avaient fait venir des commerces pour organiser un marché ; et ils ont fait appel à la monnaie locale Le Val’heureux pour avoir des billets pour, justement faire ces échanges. Les personnes qui n’avaient pas accès à des moyens de paiement mobile pouvaient aller à la commune pour retirer des Val’heureux, car là, il y avait un système de paiement par carte qui fonctionnait. Les habitants avaient quelques Val’heureux sur eux et payaient les commerçants comme ça. »*
### Une roue de secours, une assurance sociétale
Pour la Banque centrale européenne, l’argent liquide apparaît comme une roue de secours, un plan B à activer lorsque le plan A échoue. *« Ces épisodes de crise variés montrent que l’utilité du cash s’intensifie fortement lorsque la stabilité est menacée »,* précise la BCE, ajoutant que *« cette redondance est vitale pour tout système, car aucun système n’est infaillible. Cela fait de l’argent liquide une sorte d’assurance sociétale, une protection peu coûteuse contre une instabilité systémique majeure. Enfin, l’argent liquide peut servir de contrepoids essentiel à la concentration du pouvoir au sein des systèmes de paiement. »*
Le constat est similaire chez *Financité* : *« Quand vous avez des pannes sur les réseaux, des catastrophes naturelles, une attaque de cybersécurité… La seule chose qui fonctionne encore, ce sont les échanges en cash. On peut envisager des échanges, du troc, mais si vous avez ce billet sur vous, vous avez une puissance d’échange qui est complètement supérieure à votre voisin qui n’a même pas 10 euros dans son portefeuille. »*
### L’accès au cash en Belgique
En Belgique, comme dans le reste de l’Europe, la part des paiements en espèces diminue chaque année, représentant encore 39% des transactions en 2024, contre 45% en 2022. Toutefois, l’accès au cash et aux distributeurs reste une source importante de mécontentement. Selon une récente étude, le Belge possède en moyenne 55 euros en liquide dans son portefeuille et 7 Belges sur 10 déclarent ne pas conserver de liquidités en réserve chez eux. La recommandation de la Banque européenne pourrait les inciter à changer leurs habitudes.
Enfin, certains pays européens, tels que les Pays-Bas, la Finlande et l’Autriche, conseillent à leurs citoyens de toujours avoir un kit de survie à domicile, incluant explicitement une somme d’argent liquide pour faire face à d’éventuelles instabilités.
En Belgique, en mars dernier, le centre de crise a établi les éléments indispensables à un « kit de survie », mais l’argent liquide ne fait pas (pas encore ?) partie de cette liste.

