Jeudi en Prime : Christine Mahy s’inquiète des réformes sur la pauvreté en Wallonie
Mardi, entre 80.000 personnes, selon la Police, et 140.000 selon les organisateurs, ont participé à la manifestation nationale, à l’initiative des syndicats, rejoints par des organisations de la société civile, à Bruxelles. Christine Mahy, Secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, a déclaré que « la pauvreté, c’est ne pas savoir assumer ses droits absolument nécessaires » tels que « payer un loyer, de l’énergie, de la mobilité, l’école des enfants, la santé, des médicaments ».
Mardi, entre 80 000 personnes, selon la Police, et 140 000 selon les organisateurs, ont pris part à une manifestation nationale à Bruxelles, initiée par des syndicats et soutenue par des organisations de la société civile. Cette mobilisation vise à s’opposer aux réformes envisagées par les partis au pouvoir, des mesures qui suscitent l’inquiétude de Christine Mahy, Secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté. « Toute une série de mesures prises ou envisagées à tous les niveaux de gouvernement, du fédéral à la région, à la Fédération Wallonie-Bruxelles, et même l’obligation pour les communes d’intervenir sur les taxes, vont toucher massivement les mêmes ménages qui étaient déjà dans une position fragile », souligne-t-elle. Cette « position fragile » n’évoque pas forcément une extrême pauvreté, précise Christine Mahy, mais concerne des individus « qui étaient en ligne de flottaison, sur le fil », et qui seront affectés par des réformes touchant le travail, les pensions, l’exclusion du chômage, ou encore le financement de politiques publiques dans l’enseignement et la culture. Elle met en garde contre le risque d’isolement de ces individus, un affaiblissement de leur capacité à participer à la vie sociale et économique. « Quand on agit sur le portefeuille, on affaiblit ces possibilités », avertit-elle, ajoutant que cela produit l’effet inverse de ce qui est souhaité.
Christine Mahy constate que l’on rencontre des personnes dans cette situation partout, parmi les voisins, les collègues. Cela inclut des gens ayant eu des carrières compliquées, des personnes malades ou craignant pour leur santé, des couples, des travailleurs pauvres, des personnes seules, ainsi que des jeunes et des étudiants. « Ces réformes visent ceux qui cherchaient la stabilité ou qui étaient déjà en dessous de la ligne de flottaison », estime-t-elle.
Être en situation de pauvreté, selon Christine Mahy, c’est « ne pas savoir assumer ses droits absolument nécessaires » tels que « payer un loyer, de l’énergie, les transports, l’école des enfants, la santé, des médicaments ». Elle ajoute que ces droits « n’ont pas été suffisamment soutenus auparavant », et que « maintenant, ils sont affaiblis ».
Lors de la manifestation nationale, de nombreuses organisations, y compris les Réseaux belges de lutte contre la pauvreté, étaient présentes. Elles s’inquiètent des réductions de subsides en vue, notamment les impacts sur les contrats APE, qui vont être affectés, ou la non-indexation des subventions. Cette situation compliquera le paiement des salaires des employés des asbl et le respect de leurs obligations telles que les augmentations de salaires. « L’asbl va creuser le trou. Quelle est sa manière de s’en sortir ? C’est de réduire l’emploi, tout simplement », met en garde Christine Mahy. Et réduire l’emploi signifie moins de services pour la population, car ces associations sont souvent un palliatif aux insuffisances des services publics.
Les Réseaux de lutte contre la pauvreté des trois régions du pays participaient à cette mobilisation. Bien que la pauvreté soit plus marquée dans le sud du pays, Christine Mahy souligne qu’il y a aussi des situations préoccupantes en Flandre. « Il y a de la pauvreté, et une stigmatisation des personnes en situation de pauvreté. La criminalisation de la pauvreté, avec cette vision des pauvres comme des perturbateurs, est très présente en Flandre », explique-t-elle. Elle rajoute que les différentes régions font front ensemble contre les mêmes mesures fédérales.
L’objectif du gouvernement à travers la réforme du chômage, qui vise à limiter les allocations dans le temps, est de pousser les chômeurs de longue durée à retrouver un emploi. Christine Mahy réagit en affirmant que « le travail peut sortir les gens de la pauvreté, mais il y a des conditions ». Si celles-ci ne sont pas respectées, « le travail peut également entraîner une situation de pauvreté, voire une aggravation de celle-ci ». Christine Mahy évoque la nécessité d’un « contrat de travail à temps plein ».
Sur le terrain, elle observe des travailleurs qui comptent leurs ressources et redoutent de déménager par crainte de ne pas retrouver un logement au même tarif. Des individus qui peinent à assumer les coûts d’une voiture nécessaire pour se rendre au travail se rendent aussi compte que les bénéfices d’un véhicule de société ne sont pas pour eux si la prise d’un emploi implique des frais supplémentaires conséquents.
La limitation des allocations de chômage à deux ans sera-t-elle un déclic pour inciter certains à retravailler ? Christine Mahy répond qu’il serait mieux pour ceux qui retrouveront un emploi, à condition que ce dernier ne les plonge pas dans la précarité. Elle rappelle que, selon les réformes décidées, ces individus seront forcés d’accepter un emploi qui paie 10 % de moins que leur allocation actuelle. « Le chômage est dégressif. Quand il est bas, il est très bas. Accepter un emploi à 10 % en dessous, c’est aberrant », déclare-t-elle.
Ces réformes sont-elles un soutien aux chômeurs ? Christine Mahy les considère, pour l’instant, comme des « perches qui poussent un peu dans le vide ».
Ce vendredi 16 octobre, marquera la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Cette journée « invite la société à essayer de comprendre ce que vivent ceux qui sont pris dans la pauvreté, ce que vivent ceux qui stagnent dans cette situation, et ce que vivent ceux qui cherchent un emploi chaque jour », explique Christine Mahy. Elle ajoute qu’il est essentiel de réfléchir à envisage-t-on un modèle de société solidaire ou un modèle individualiste et méritocrate.
Avec un Belge sur cinq en situation de pauvreté, Christine Mahy s’inquiète des conséquences. « C’est dangereux pour la démocratie et pour l’économie de l’État », dit-elle. À ses yeux, « les bons gestionnaires n’ont pas intérêt à maintenir des gens dans la pauvreté ou à les appauvrir en pensant qu’ils vont rebondir ». Inversement, elle note qu’en augmentant les bas revenus, « l’argent circule dans l’économie réelle ».
Ce manque de confiance dans les décideurs politiques est palpable. Christine Mahy mentionne que les gens se demandent si ces responsables politiques œuvrent pour le bien du peuple ou pour des intérêts financiers. Ce manque de confiance touche même les majorités en place, qui adoptent des mesures destructrices affectant la sécurité sociale et les droits fondamentaux.
Elle décrit cette défiance comme un terrain propice à l’extrémisme, notamment l’extrême droite. « Il y a un danger qui va dans ce sens-là. Les gens ne savent plus à quel saint se vouer », avertit-elle. Christine Mahy appelle à un « sursaut d’intérêt démocratique et solidaire » et questionne : « Comment construire une société ensemble ? ». Elle met en garde : « Quand demain, les nantis de notre pays devront établir des grillages, des gyrophares et un gardien devant leur maison, ça sera une autre histoire ».

