Belgique

Jamal, victime d’une agression transphobe et homophobe à Bruxelles.

Le vendredi 28 novembre, Jamal, qui se définit comme non-binaire, arrive dans la station de métro Beekkant à Molenbeek aux alentours de 21 heures pour se rendre à une soirée LGBTQIA+ dans le centre de Bruxelles. En 2024, RainbowHouse a reçu 73 signalements pour des agressions, de la discrimination ou des faits de violence envers des personnes de la communauté LGBTQIA+.


Vendredi 28 novembre, vers 21 heures, Jamal, qui se définit comme non-binaire, arrive à la station de métro Beekkant à Molenbeek et change de ligne pour se rendre à une soirée LGBTQIA+ au centre de Bruxelles. Jamal est maquillé et porte une perruque. Trois hommes commencent à le suivre en l’insultant avec des termes tels que « sale pédé ». Pour éviter d’attirer davantage la haine, Jamal décide de ne pas réagir et se dirige vers le quai de la ligne 6. Cependant, les trois hommes continuent à le poursuivre et, une fois sur le quai, l’un d’eux se colle à lui. Jamal feint de chercher quelque chose dans son sac, pensant que cet acte pourrait les dissuader. En croyant que Jamal détient un spray, l’homme appelle alors ses complices.

Lorsque le métro arrive, Jamal essaie de monter dans la rame, mais l’un des individus lui porte un coup de pied dans le dos. Le métro se bloque et les hommes se mettent à frapper Jamal violemment. L’un d’eux prend un casque de moto et l’utilise à plusieurs reprises pour frapper le visage de la victime.

« Les coups ont été si brutaux. Je me suis senti humilié·e. J’ai essayé de mettre de la distance avec eux, mais je me suis senti·e impuissant·e durant l’événement parce que je ne pouvais rien faire. Quand je leur ai demandé de me laisser tranquille, ils ne l’ont pas fait, ils voulaient vraiment aller au bout », se remémore Jamal.

L’agression dure cinq minutes, selon la victime. « Je reçois des coups et je ne vois que des étincelles. Je ne vois plus rien… J’étais vraiment dissocié·e de ce qu’il se passait là-bas, j’étais en train de recevoir des coups comme si j’étais un sac de boxe. »

Jamal saigne abondamment. Au départ, personne ne réagit. Un homme finit par intervenir. À l’hôpital, Jamal reçoit quatre points de suture, une de ses dents est fissurée, et il ressent des douleurs à la tête et dans le dos. En plus de ces blessures physiques, les conséquences psychologiques sont considérables.

Depuis l’attaque, Jamal ne se sent plus en sécurité dans l’espace public. « Pendant deux jours après l’agression, j’étais sous sédatif. Dimanche soir, deux de mes amis ont essayé de me faire sortir pour changer d’air. Dans le métro, c’était inconscient, mais je n’ai pas osé montrer mes mains avec du vernis sur les ongles. Je les ai cachées parce que j’avais peur de provoquer quelqu’un. »

L’histoire de Jamal n’est pas un cas isolé. En 2024, RainbowHouse, un collectif d’associations défendant les causes LGBTQIA+, a reçu 73 signalements pour des agressions, de la discrimination ou des faits de violence envers des personnes de cette communauté. Dans un cas sur trois, les faits se sont produits dans l’espace public, et dans un autre tiers des cas, les auteurs sont un groupe d’hommes. Selon le collectif, ces chiffres stagnent et pourraient même être sous-estimés.

« On estime que le nombre de violences est bien plus élevé que les chiffres que l’on a actuellement », souligne le collectif.

« Il y a clairement de la peur et de l’ignorance des systèmes de signalement. Les gens ne connaissent pas forcément les procédures pour y parvenir », détaille Xavier Wyns, coordinateur de RainbowHouse. « Nous pensons aussi qu’il y a des personnes LGBTQIA+ qui estiment qu’une simple insulte ne suffit pas pour porter plainte ou faire un signalement. Mais dès qu’il y a une insulte, c’est une violence. Dès qu’il y a discrimination dans l’espace public, c’est aussi une violence. Le problème principal réside dans cette méconnaissance et, ensuite, la peur de porter plainte, craignant que cela prenne du temps et soit une charge mentale pour les personnes LGBTQIA+. On a aussi peur que cela n’aboutisse pas à un procès ou à l’arrestation des personnes concernées. »

Peu après l’agression, Jamal est conduit à l’hôpital, où il est entendu. Une plainte est déposée et la police confirme qu’un procès-verbal a été rédigé. La victime regrette le manque d’engagement dans la recherche des agresseurs, que Jamal a réussi à filmer tant bien que mal, un élément sur lequel la police n’a pas souhaité réagir.

Le caractère transphobe et homophobe de l’agression constitue un délit passible de sanction en vertu de la loi belge, comme le rappelle RainbowHouse dans son communiqué. La fédération de collectifs appelle à intensifier les campagnes d’information des cellules pluridisciplinaires de police EVA (Emergency Victime Assistance) et à améliorer le suivi des plaintes, en particulier celles concernant des insultes ou des crachats qui ne seraient plus poursuivies par le parquet de Bruxelles, d’après RainbowHouse.

Aujourd’hui, Jamal se sent démotivé·e et cette agression a engendré un véritable traumatisme. « On est en Europe, on est en Belgique, on est en 2025. On est dans un pays qui protège nos droits. Et malgré tout cela, on reçoit des menaces, du harcèlement dans la rue, des agressions verbales et physiques et aussi de la discrimination. »

Selon une étude européenne, seules 14% des victimes LGBTQIA+ agressées en Belgique osent se présenter au poste de police.