Belgique

J’ai entendu parler du droit à la déconnexion ? Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Y a-t-il des conditions ?

Ces dérives sont déjà encadrées par l’arsenal législatif préexistant, qui instaure en faveur des travailleurs une série de droits fondamentaux tels que le droit au repos, le droit à des conditions de travail qui respectent la santé, la sécurité et la dignité, le droit à une limitation de la durée maximale du travail, le droit à des congés payés, etc.

Néanmoins, cela ne pouvait suffire. Il était nécessaire de prévoir un véritable droit à la déconnexion qui viendrait en quelque sorte préserver et renforcer les droits fondamentaux listés ci-dessus.

Le droit à la déconnexion peut être défini comme le droit du travailleur de ne pas être connecté aux outils numériques professionnels et de ne pas être sollicité en dehors de son temps de travail, et ce en vue d’assurer le respect de ses temps de repos et de ses congés ainsi que sa vie personnelle et familiale.

Le droit à la déconnexion dans le secteur privé

Ce droit a été véritablement consacré dans notre système législatif à l’occasion de l’accord du Gouvernement du 15 février 2022 sur la réforme du marché du travail (le deal pour l’emploi), qui s’illustre par une volonté d’assurer une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée. C’est donc assez logiquement que, parmi les mesures retenues, on trouve le droit à la déconnexion.

Concrètement, les entreprises ont désormais l’obligation d’établir des modalités du droit par le travailleur à la déconnexion et de mettre en place des dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques. Ces modalités et dispositifs doivent, au minimum, prévoir : – les modalités pratiques pour l’application du droit du travailleur de ne pas être joignable en dehors de ses horaires de travail ; – les consignes relatives à un usage des outils numériques qui assure que les périodes de repos, les congés, la vie privée et familiale du travailleur soient garantis ; – des formations et des actions de sensibilisation aux travailleurs ainsi qu’aux personnels de direction quant à l’utilisation raisonnée des outils numériques et les risques liés à une connexion excessive.

Ces mesures doivent faire l’objet d’une convention collective de travail conclue au niveau de l’entreprise, et, à défaut d’une telle convention collective de travail, celles-ci doivent être reprises dans le règlement de travail.

Ces différentes formalités devaient être effectuées pour le 1er janvier 2023 au plus tard.

Mais attention, ces règles sont uniquement applicables aux employeurs qui occupent au moins 20 travailleurs. Qu’en est-il alors des travailleurs qui travaillent dans des plus petites structures ? Si, dans ce cas, l’employeur n’est pas tenu aux obligations listées supra, il n’en demeure pas moins que conclure des accords clairs sur l’utilisation des moyens de communication digitaux et la possibilité de déconnexion digitale fait partie d’une bonne politique du personnel. Les employeurs sont donc encouragés à rédiger des règles claires, sur mesure, dans leur entreprise.

Le droit à la déconnexion dans le secteur public

Seuls les travailleurs du secteur privé sont concernés par les explications ci-dessus. Les travailleurs du secteur public ne sont pas en reste.

Un véritable droit à la déconnexion est entré en vigueur dans la fonction publique le 1er janvier 2022. Il s’applique à tous les membres du personnel, contractuels et statutaires, de la fonction publique administrative fédérale.

Ces derniers ne peuvent être contactés en dehors du temps de travail normal que pour des raisons exceptionnelles et imprévues nécessitant une action qui ne peut attendre la prochaine période de travail ou s’ils sont désignés à un service de garde. Ces agents ne peuvent subir aucun préjudice s’ils ne répondent pas au téléphone ou ne lisent pas de messages liés au travail en dehors de leur temps de travail.

L’employeur a également l’obligation d’organiser, au moins une fois par an, une concertation au sujet de la déconnexion du travail et de l’utilisation des moyens de communication numériques.

Qui est Me Violaine Alonso, l’auteure de ce texte ?

Violaine Alonso est avocate au barreau de Bruxelles (cabinet Quartier des libertés). Elle pratique le droit du travail, et plus particulièrement les questions de bien-être, harcèlement et discriminations au travail.

Violaine Alonso, avocate au barreau de Bruxelles
Violaine Alonso, avocate au barreau de Bruxelles ©DR

Droit de savoir

Cette série est un partenariat entre La Libre et l’Ordre français du barreau de Bruxelles.

Le logo de l'Ordre français du barreau de Bruxelles
Le logo de l’Ordre français du barreau de Bruxelles ©DR