Belgique

Infirmière de nuit et aide-ménagère : projets de pension anticipée menacés.

Le gouvernement fédéral a prévu de réformer les pensions, mais la réforme n’a pas encore force de loi et n’a pas encore été votée. Selon les informations disponibles, pour les personnes qui prendront leur pension le 1er janvier 2027 ou plus tard, seules les années de travail d’au moins 156 jours travaillés ou assimilés seront prises en compte pour le calcul de la pension.


Le gouvernement fédéral envisage une réforme des pensions. Les principales modalités sont désormais connues, mais la réforme n’est pas encore en vigueur puisque son vote est toujours en attente.

L’âge légal de départ à la retraite reste fixé à 67 ans pour les personnes nées à partir de 1964, et 66 ans pour celles nées entre 1960 et 1963.

Pour le calcul de la pension, il est prévu qu’à partir du 1er janvier 2027, seules seront prises en compte les années de travail ayant accumulé au moins 156 jours travaillés ou assimilés.

Il sera toujours possible de prendre sa retraite à 60 ans à partir de 2027, à condition d’avoir accompli une carrière longue d’au moins 42 ans avec un minimum de 234 jours de travail effectif par an.

Un malus de pension, dont l’approbation définitive doit encore être validée par le Conseil des ministres, serait appliqué aux personnes choisissant une pension anticipée sans atteindre 35 années de carrière avec au moins 156 jours de travail effectif par an et un total de 7020 jours de travail. Si ces conditions ne sont pas remplies, la pension subira une réduction de 2 % par an d’anticipation pour celles nées entre 1961 et 1965, de 4 % pour celles nées entre 1966 et 1974, et de 5 % pour celles nées à partir de 1975.

Le gouvernement prévoit également l’instauration d’un nouveau système de bonus pour les personnes qui retarderaient leur départ à la retraite au-delà de l’âge légal.

À partir de ces informations, des estimations ont été établies, notamment par les syndicats, afin de mesurer les conséquences de cette réforme pour certains travailleurs en fin de carrière planifiant une pension anticipée. C’est le cas de la CSC qui a réalisé des calculs pour deux de ses affiliées que notre rédaction a rencontrées.

Ariane Pêcheur, âgée de 60 ans, travaille comme aide-ménagère sociale depuis 38 ans en province de Luxembourg. Son métier consiste à aider les personnes âgées à rester chez elles le plus longtemps possible. C’est un travail physique qui devient de plus en plus difficile au fil des années. « J’adore mon métier parce que j’adore le contact avec les personnes âgées, mais je vois bien que le nettoyage, ça devient vraiment compliqué », témoigne Ariane, qui a subi une opération du dos en janvier dernier. Elle prend quotidiennement des anti-inflammatoires et des analgésiques pour pouvoir travailler. « Je n’ai pas le choix. Même après l’opération, je dois continuer les antidouleurs et les anti-inflammatoires », ajoute-t-elle.

Dans ce contexte, Ariane a calculé avec son syndicat une retraite anticipée. « Depuis des années, il est prévu que je puisse y être le 1er septembre 2027 », indique-t-elle. « J’aurais 62 ans et demi. C’est déjà compliqué, mais je veux tenir. Je me suis fixé comme objectif d’aller jusqu’à ma pension anticipée », précise-t-elle.

Cependant, ce projet est menacé par la réforme des pensions et l’instauration du malus de pension. Ariane a refait ses calculs selon les nouvelles dispositions et réalise qu’elle ne remplira pas la condition des 7020 jours de carrière requise pour éviter le malus. En travaillant à temps partiel, elle a accumulé seulement 6708 jours de travail effectif.

Ainsi, en tant que personne née entre 1964 et 1972, Ariane se verrait appliquer un malus de 4 % par an d’anticipation. Concrètement, alors qu’elle espérait 1129 euros de pension mensuelle pour sa carrière à temps partiel, avec la réforme, elle ne toucherait plus que 926 euros, soit une perte de 203 euros si elle choisit de partir à la retraite anticipée à 62 ans.

Pour éviter cette situation, elle devrait travailler 5 ans de plus, soit jusqu’en 2030, à l’âge de 65 ans. « Je ne vois pas comment je vais tenir », s’inquiète-t-elle.

La perspective d’attendre jusqu’en 2030 pour prendre sa pension anticipée plutôt qu’en 2027 l’angoisse. « Je suis désespérée, je prends des calmants, je pleure, j’en rêve la nuit. C’est bien simple, j’en ai encore rêvé cette nuit-ci. Je ne vis plus », confie-t-elle en espérant un recomptage favorable de ses jours de travail.

Dominique Rennuy, 60 ans, est infirmière de nuit à temps plein dans un établissement de soins. Elle exerce ce métier depuis 32 ans, essentiellement de nuit, ayant aussi travaillé comme infirmière à domicile pendant quelques années. Dominique a débuté sa carrière à 20 ans comme secrétaire avant de connaître le chômage et de retourner aux études pour devenir infirmière.

Elle a également effectué des calculs avec son syndicat. « Normalement, je dois prendre ma pension anticipée au 1er mai 2026 », estime-t-elle, ajoutant qu’elle devrait toucher une pension de 2131 euros.

Cependant, cette possibilité semble incertaine. « Ce n’est plus sûr que je serai toujours dans les conditions pour l’avoir, ils ne me disent pas oui ou non », indique-t-elle. « J’ai rempli ma demande un an à l’avance le 1er mai de cette année, mais je n’ai pas encore reçu de réponse », précise Dominique.

Elle cumulerait les 7020 jours de travail effectif nécessaires pour éviter le malus, mais ne remplirait pas la condition des 35 ans de carrière comptabilisant 156 jours de travail effectif par an, exigée par la réforme.

Née entre 1964 et 1972, Dominique se verrait donc appliquer un malus de 4 % par an d’anticipation. Si elle maintient son dépôt de demande pour une retraite anticipée à 61 ans, soit 5 ans et 8 mois avant ses 67 ans, sa pension serait réduite de 23 %. Au lieu de 2131 euros, elle recevrait 1648 euros, ce qui représente une perte de 483 euros. « Je suis prise au piège. Si on n’arrive pas à les faire changer d’avis », résume-t-elle. « Ou je travaille plus longtemps, ou je perds trop d’argent », conclut-elle.

Dans ces conditions, elle estime qu’elle devra continuer à travailler. « Ça va être dur quand même parce que l’âge est là », reconnaît-elle. De plus, « avec le travail de nuit » et un « rythme de vie très différent des autres, ça va être compliqué », termine-t-elle.