Belgique

Ils ont perdu leurs enfants dans l’attentat à Zaventem: « Alexander et Sascha n’ont pas su qu’ils ont servi de bouclier pour une famille derrière eux »

La conversation a été courte. “À 07 h 58 et 25 secondes, sa voix a disparu”, a témoigné, mercredi devant la cour d’assises qui juge les attentats, Ed Pinczowski. “Quelques semaines plus tard, j’ai appris que c’était le souffle de l’explosion. Les communications étaient interrompues”. Et de préciser qu’il n’a pas entendu le “boum qui, d’après la science, suit le souffle d’une explosion”.

C’était la première bombe qui a explosé à Zaventem le 22 mars 2016. Elle coûtera la vie à Alexander, 29 ans. Sa sœur Sascha, âgée de 26 ans, devait prendre le même vol. Elle était à côté de lui. Elle est également morte dans l’attentat.

Sascha Pinczowski, comme son frère Alexander, était en première ligne face au premier terroriste de Zaventem.
Sascha Pinczowski, comme son frère Alexander, était en première ligne face au premier terroriste de Zaventem. ©JLA

Avec son épouse, Marjan Pinczowski-Fasbender, Ed a fait le tour des hôpitaux. “Il a fallu attendre le vendredi 25 mars pour obtenir la communication officielle que nos deux enfants n’avaient pas survécu”, a expliqué, tout en dignité, Ed Pinczowski, assis à la table des témoins avec sa femme.

Des citoyens du monde

Avec leurs enfants, né à Jérusalem pour l’aîné et aux Pays-Bas pour la cadette, ils étaient des “citoyens du monde”, déployés dans le monde entier, au gré des affectations d’Ed, qui était directeur général d’hôtels d’une grande chaîne américaine. Le 22 mars, Alexander devait rejoindre sa femme aux États-Unis. Sascha, qui y avait étudié et voulait s’y installer, comptait y revoir ses amis.

À l’été 2016, les parents pourront voir les images des caméras de surveillance. “C’est là une proposition que beaucoup de parents n’accepteraient pas. Nous espérions voir leurs derniers moments, savoir qu’ils étaient morts avec le sourire et avoir la preuve qu’ils ne s’étaient rendu compte de rien”, a expliqué Marjan Fasbender.

Sur les images, ils ont aperçu Alexander au téléphone. “Nous avons vu le terroriste marcher vers eux : un jeune homme qui aurait pu être un de leurs amis. Contre toute logique, je me suis dit (en pensant au terroriste), ‘Tournez-vous de l’autre côté’. Mes enfants n’ont pas eu cette chance. Ils étaient quasi face à face avec leur assassin qui a déclenché sa bombe.”

Alexander Pinczowski était à côté du premier terroriste qui a fait exploser sa bombe.
Alexander Pinczowski était à côté du premier terroriste qui a fait exploser sa bombe. ©JLA

L’enquête a montré qu’Alexander et Sascha étaient en première ligne. “Dans leurs derniers moments, ils n’ont pas su qu’ils ont servi de bouclier pour une famille derrière eux. Plus que probablement, ils ont sauvé la vie de cette famille. Les connaissant, je suis certaine que cela les aurait rendus fiers”, a poursuivi la maman.

Les parents ne comprennent pas ce qui a pu motiver les terroristes. “Des crimes d’une telle ampleur, dénués à ce point de sens, commis contre des inconnus, supposent un état d’esprit que je ne pourrai jamais comprendre”, résume Ed Pinczowski.

Et, de souligner que, vu ses origines juives, il a été confronté dans sa jeunesse à la violence et à la discrimination. Ses parents sont, dans leur famille, les seuls survivants de la Shoah, “si bien que je n’ai jamais connu mes grands-parents, mes oncles, mes tantes et mes cousins. Et aujourd’hui, à cause de cette violence, je n’ai plus d’enfants”.

”Nous ne sommes plus les parents de deux enfants fantastiques. On doit faire des efforts pour nous lever le matin et continuer notre vie”, dit en écho Marjan Fasbender.

La maman ne comprend pas plus le geste des terroristes. “J’ai pitié d’eux. Des jeunes hommes qui avaient une vie misérable n’ont rien trouvé de mieux que de faire exploser des innocents dont des enfants.” Et de s’interroger : “Ces actes brutaux vous ont-ils donné ce que vouliez ? Cela a-t-il rendu votre famille fière de vous ?”, a-t-elle lancé face à des accusés qui, dans leurs box, ne montraient pas d’émotion.

”Une perpétuité en enfer”

Avant d’exprimer sa colère : “Si je pouvais décider, les accusés seraient condamnés à la perpétuité en enfer. Je ne suis pas une personne vindicative mais, à cause de leurs actes, je suis devenue une pire version de moi-même”.

Cette colère et cette incompréhension sont aussi partagées par les parents de Bart Migom, mort à 22 ans à Zaventem. “Ce n’est pas à moi de dire qui est coupable. Mais quelle que soit la responsabilité de chacun, aussi minime soit-elle, c’est une responsabilité écrasante. J’ai l’air calme. Mais à l’intérieur, je bouillonne. Pourquoi a-t-on fait cela, sans aucune honte ? Au nom de qui ? Et de quoi ? Quel est le sens de cela ?”, a-t-il conclu son témoignage.