« Il n’y aura plus de latin en première secondaire : les langues anciennes sont-elles enterrées ? »
Marie-Bénédicte Bourdeaux, professeure de langues anciennes au Lycée Berlaymont de Waterloo, a annoncé : « Chez nous, on va perdre l’équivalent d’un temps plein », entraînant la suppression du latin en première. Selon le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les ajustements prévus s’inscrivent dans la logique du Pacte d’Excellence et incluent la suppression de quatre périodes d’option en première secondaire.

« Nous allons perdre l’équivalent d’un poste à temps plein. Il n’y aura donc plus de cours de latin en première », prévient Marie-Bénédicte Bourdeaux, professeure de langues anciennes au Lycée Berlaymont de Waterloo, qui était présente sur le plateau de Matin Première ce mercredi. Elle souligne que la suppression annoncée n’est pas sans conséquence : elle concerne un enseignement qu’elle décrit comme une « langue de culture », jugée riche en apports linguistiques, culturels et analytiques.
Un transfert partiel mais pas suffisant
D’après les informations fournies par la ministre Glatigny (MR) et les orientations du Pacte, le latin ne sera pas complètement supprimé : il sera intégré dans le domaine du français et réapparaîtra en deuxième secondaire, où « tous les élèves auront un cours de latin ». Marie-Bénédicte précise : « Il y aurait quatre heures de français et deux heures de latin. En effet, le latin serait envisagé comme un soutien à une meilleure compréhension de la langue française. »
Nous y croyons et estimons qu’il est possible d’apporter encore quelque chose.
Cependant, l’incertitude persiste pour la troisième secondaire. Initialement prévu parmi une série d’heures d’initiation, le latin pourrait devenir une option parmi d’autres dans le tronc commun élargi. Ou pire, risquerait d’être marginalisé. « Je ne sais pas si c’est une façon subtile d’abandonner le latin… En tout cas, si le latin n’est plus proposé en troisième, il est très peu probable que les élèves le reprennent en quatrième. C’est ce que nous redoutons », confie-t-elle. « Cependant, nous tenons bon ! Parce que nous y croyons, et pensons que nous pouvons vraiment encore apporter quelque chose à notre époque actuelle, même si le latin n’est plus considéré comme l’option la plus tendance. »
Entre expérience de terrain et enjeux pédagogiques
Pour Marie-Bénédicte Bourdeaux, l’objectif n’est pas de conserver un enseignement « à l’ancienne », mais de sauvegarder un ensemble de compétences transversales. « Approcher la société antique à travers le texte […] c’est une richesse incroyable. Un apport linguistique, un apport culturel, une véritable réflexion analytique. Donc, je crois que cela a vraiment sa place », explique-t-elle, citant les expositions récentes sur Pompéi ou Cléopâtre comme preuve de l’intérêt culturel contemporain pour l’Antiquité.
Mes jeunes collègues s’interrogent sur leur avenir.
La réforme entraîne également des conséquences concrètes pour les enseignants. « Mes jeunes collègues s’interrogent au sujet de leur avenir. Je pense qu’il y a beaucoup d’inquiétude », souligne-t-elle, reflétant la peur d’une profession confrontée à une diminution des heures et à une concurrence accrue avec d’autres options pourtant plus « à la mode ».
Ce que prévoit officiellement la réforme
Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles affirme que ces modifications s’inscrivent dans la logique du Pacte d’Excellence et qu’elles seront encore précisées dans un avant-projet de décret. Les lignes directrices mentionnent l’introduction de deux heures d’éducation numérique, une heure supplémentaire de mathématiques, une heure d’éducation culturelle et artistique, ainsi que la suppression de quatre heures d’option en première secondaire. Le gouvernement garantit qu’il n’y aura pas de pertes d’emploi liées à ces suppressions, mais le calendrier législatif demeure serré pour préparer la rentrée de 2026.
Un pari sur la redéfinition du latin
La transformation prévue du latin – passant d’une option facultative à partie intégrante du domaine français, puis potentiellement redevenant une option – soulève une question essentielle : comment définir la place de ce que l’on considère souvent comme une « langue morte », mais qui continue d’alimenter la compréhension du vocabulaire, de la culture et du raisonnement verbal ?
Les langues anciennes sont des piliers de nos sociétés.
Pour Marie-Bénédicte, la réponse est claire : « Je n’aime pas parler de ‘langue morte’. Je préfère l’appeler ‘langue de culture’. Les langues anciennes, comme le latin et le grec, sont des piliers de nos sociétés. Elles possèdent une richesse incroyable et apportent de vraies réponses à des questions contemporaines. Elles offrent un apport linguistique, culturel et permettent une réflexion analytique. Je crois donc qu’elles ont toujours leur place. »
À mesure que le dossier avance vers le vote du décret, enseignants, parents et spécialistes devront évaluer l’importance d’un enseignement qui suscite des débats – entre adaptation aux besoins modernes et préservation d’un héritage culturel jugé irremplaçable par de nombreux enseignants.

