Belgique

« Il est urgent d’établir un cadre juridique pour protéger les personnes intersexes »

L’adolescente n’a découvert son intersexuation qu’au détour d’examens médicaux (ici, après une aménorrhée primaire). Les personnes intersexes naissent avec des caractéristiques sexuelles qui sont soit féminines et masculines à la fois ; soit pas complètement féminines ou masculines ; soit ni féminines ni masculines. On découvre des testicules internes à une enfant avec une apparence de fille ; un utérus ou des ovaires à un enfant qui ressemble à un garçon. L’intersexuation peut être visible dès la naissance ou se révéler à l’adolescence ou à l’âge adulte.

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Une quarantaine de variations

Il existe plus d’une quarantaine de variations intersexes qui se produisent naturellement au sein de l’espèce humaine, précise Genres Pluriels, une association qui soutient les personnes trans, fluides et intersexes et visibilise leurs droits. En l’absence de chiffres officiels, les Nations unies estiment que jusqu’à 1,7% des personnes naissent intersexes, soit environ 196 000 personnes en Belgique.

L’intersexuation n’implique pas en soi des problèmes de santé, mais le monde médical, souvent peu informé des droits fondamentaux, tend encore trop souvent à vouloir “normaliser” les corps, à les “corriger” par des traitements médicaux (hormonaux, notamment) ou des interventions chirurgicales, indique Genres Pluriels. On pratique alors des réductions clitoridiennes, l’ablation de testicules fonctionnels, une vaginoplasties…

La grande majorité de ces chirurgies ne sont pas nécessaires pour préserver ni protéger la santé.

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« Tous les voyants étaient allumés »

Dans le cas de Coralie, la vaginoplastie (création d’un néo-vagin) a eu lieu 4 mois à peine après l’indication du chirurgien sans aucun accompagnement psychologique ni explication de l’intersexuation. L’arrêt précise aussi que les médecins de l’Huderf n’ont pas obtenu le consentement libre et éclairé de la patiente mineure, ni de sa maman.

Les dangers de l’intervention ne leur ont pas été expliqués. “On sait, depuis les années septante, que les opérations de vaginoplastie sont à risque, provoquent des douleurs et des difficultés de cicatrisation et nécessitent une préparation psychologique, insiste Me Van der Plancke. Tous les voyants étaient allumés.” D’autant que la patiente était mineure.

Les chirurgies intersexes sont des interventions médicales, non urgentes et pratiquées à des fins non thérapeutiques, qui causent souvent de nombreux dommages physiques et psychologiques. Considérées comme des violations des droits humains quand elles ne sont pas consenties de manière éclairée, ces chirurgies intersexes sont pas (encore ?) interdites en Belgique.

Une résolution adoptée en février 2021

En février 2021, le parlement belge, après avoir été interpellé par le Comité des droits de l’enfant de l’Onu, a adopté à l’unanimité une résolution demandant au gouvernement fédéral un cadre législatif pour protéger l’intégrité physique des mineur(e) s intersexué(e) s en garantissant que leurs caractéristiques sexuées ne seront pas modifiées sans leur consentement éclairé, sauf en situation d’urgence. Pour les associations, il est aujourd’hui urgent d’établir ce cadre juridique de protection des personnes intersexes.