Belgique

Gianni Infantino, président de la FIFA, ne s’éloigne pas de Donald Trump.

Le prix de la paix de la FIFA est attribué annuellement à des individus qui promeuvent la paix et l’unité dans le monde, et a été décerné à Donald Trump lors d’une cérémonie précédant le tirage au sort de la Coupe du Monde 2026, qui se déroulera en 2026 aux États-Unis, au Canada et au Mexique. L’ONG FairSquare a déposé plainte auprès de la commission d’éthique de la FIFA, affirmant que l’attribution de ce prix à un leader politique constitue une violation de la neutralité de la FIFA, un principe énoncé à l’article 15 de son code d’éthique.

« Le prix de la paix de la FIFA est décerné chaque année au nom des milliards de passionnés de football à travers le monde, à des personnes qui se distinguent par leur engagement exceptionnel en faveur de la paix et de l’unité mondiale. » Ces mots ont résonné durant la cérémonie organisée par la FIFA, la Fédération internationale de football, qui a précédé le tirage au sort des premiers matchs de la Coupe du Monde 2026, prévue pour l’année prochaine aux États-Unis, au Canada et au Mexique.

Sur le podium, le président américain semblait attentif à l’annonce solennelle faite par une personne qu’il connaît bien : Gianni Infantino, le président de la FIFA. C’est donc à Donald Trump que reviennent le trophée, la médaille et le certificat.

Étaient également présents à ses côtés la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, et le Premier ministre canadien, Mark Carney, ainsi que de nombreuses célébrités du monde du football et du divertissement. Cependant, c’est en l’honneur de Donald Trump que les Village People, célèbre groupe des années 70, ont interprété YMCA, un morceau souvent joué lors des meetings du président.

Les trois dirigeants avec Gianni Infantino, le 5 décembre 2025 © Tous droits réservés

Une plainte au comité d’éthique

La manière dont la cérémonie s’est déroulée et la création de ce prix a suscité des interrogations, notamment de la part de FairSquare, une ONG londonienne chargée d’analyser les droits humains dans le sport.

Pour FairSquare, attribuer un tel prix – le prix de la paix – « à un leader politique en exercice constitue une violation manifeste du devoir de neutralité de la FIFA« , un principe inscrit à l’article 15 du code d’éthique de la FIFA.

L’ONG a donc déposé une plainte auprès de la commission d’éthique de la FIFA, accusant le président de l’instance footballistique de ne pas respecter son devoir de neutralité en faveur de Donald Trump.

Dans sa requête datée de lundi dernier, l’organisation demande à la commission d’éthique d’examiner les circonstances entourant l’annonce de ce prix en novembre et le rôle joué par Gianni Infantino dans son attribution, dont les modalités n’ont pas été clarifiées par la FIFA.

La FIFA a été prise de court par cet événement. La fédération internationale de football n’a pas commenté l’initiative de FairSquare.

Gianni Infantino a-t-il dépassé ses prérogatives en favorisant sans raison le président américain ?

« À ma connaissance, il n’y a pas d’explications officielles qui ont été données« , réagit Jean-Michel De Waele, professeur en science politique à l’Université libre de Bruxelles. « C« 

Jean-Michel De Waele évoque une personnalisation « extrême » du pouvoir de Gianni Infantino au sein des instances de la FIFA : « Il sait qu’il ne sera pas contesté, il sait qu’il ne sera pas remis en cause, et donc il se permet, un peu comme M. Trump aux États-Unis. Il y a là vraiment un dérapage de M. Infantino qui ne respecte plus aucune règle interne à la FIFA.« 

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Coupe du monde 2026 : Un tirage au sort très politique avec Trump en majesté – reportage direct

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« C’est comme si la FIFA était sa chose » ajoute le politologue, qui travaille sur les relations entre football et politique, en notant que la situation rappelle la gestion de la Coupe du monde au Qatar en 2022.

Tremplin médiatique

La remise de ce nouveau prix, qui n’existait pas jusqu’à présent, témoigne de la proximité entre le dirigeant de la FIFA et le président américain.

Le 19 juin dernier, Gianni Infantino avait orchestré, à la demande de Donald Trump, une rencontre particulière.

Des joueurs de l’équipe italienne de la Juventus avaient été invités à rencontrer le président américain à la Maison Blanche. Leur match de Coupe du monde des clubs se déroulait en effet à Washington, et l’un des joueurs était américain.

Cette opération, que certains ont perçue comme une promotion pour Donald Trump, s’est conclue par des photos largement diffusées, ainsi qu’une conversation surprenante : « Une femme pourrait jouer dans votre équipe ? » a-t-il demandé aux joueurs, visiblement mal à l’aise. Le sujet des sportifs transgenres était à l’époque au centre des discours présidentiels.

Le 18 juin 2025, des joueurs de la Juventus, Donald Trump et Gianni Infantino © Tous droits réservés

La finale de la Coupe du monde des clubs, organisée cet été aux États-Unis, a également constitué un tremplin médiatique pour le président américain, qui a choisi de rester sur le podium pendant que Chelsea célébrait sa victoire.

À noter qu’une autre rencontre rapprochant l’hôte de la Maison Blanche au monde du football a eu lieu lors d’un dîner à Washington en l’honneur du prince héritier saoudien, à laquelle assistait le célèbre footballeur portugais Cristiano Ronaldo, dont les photos ont largement circulé.

Peu après, la FIFA annonçait l’annulation de deux des trois matchs de suspension infligés à Ronaldo après son expulsion lors d’un match contre la République d’Irlande, le permettant ainsi de participer aux premiers matchs du Portugal pour la Coupe du monde.

Loading…soirée de la victoire de M. Trump », souligne Jean-Michel De Waele, en notant qu’comme d’autres figures d’extrême droite, Infantino a célébré la victoire de M. Trump, partageant des affinités idéologiques.

Lors de la remise du « prix de la paix » de la FIFA à Donald Trump, et dans un élan de communion idéologique, Gianni Infantino a déclaré : « C’est ce que nous attendons d’un dirigeant. Vous méritez sans aucun doute le premier prix de la paix de la FIFA pour votre action, pour ce que vous avez accompli à votre manière, mais vous l’avez accompli d’une manière incroyable et vous pourrez toujours compter sur mon soutien, Monsieur le Président.« 

Intérêts économiques, paralysie diplomatique

« Ni vous ni moi ne connaissons les opérations et qu’est-ce qui se cache derrière cette grande amitié« , souligne Jean-Michel De Waele. Ce sont des hommes de pouvoir qui sont surtout marqués par leurs propres intérêts financiers et commerciaux. Peut-être que M. Infantino essaie de s’assurer que M. Trump ne prenne pas de décisions qui mettraient la Coupe du monde en péril… La Coupe du Monde se déroule généralement de manière fluide parce que les dirigeants sont rationnels et œuvrent pour un bon déroulement politique. Avec M. Trump, on a évidemment des raisons d’en douter.« 

Pour ce spécialiste, Gianni Infantino cherche probablement à ne pas froisser le président américain et à préserver une communauté d’intérêts économiques.

En effet, l’organisation de la Coupe du monde 2026, qui se tiendra en grande partie aux États-Unis, se transforme en un véritable casse-tête diplomatique et logistique. Les diverses menaces et décisions imprévisibles de Donald Trump, telles que les restrictions de visas et le risque de déplacer des matchs programmés dans des villes démocrates comme Los Angeles, San Francisco ou Seattle… affectent déjà considérablement l’événement.

Étant les principaux hôtes de la Coupe du monde 2026, aux côtés du Canada et du Mexique, « il est naturel et approprié que M. Infantino cherche à établir une relation fonctionnelle et diplomatique avec le président des États-Unis« , reconnaît FairSquare.

Mais jusqu’où doit-on céder aux exigences du dirigeant américain ?

Le plus choquant, selon Jean-Michel De Waele, est l’absence de réaction face aux actions de Gianni Infantino. « M. Infantino est un homme peu recommandable, et le silence assourdissant des grandes fédérations est déroutant… Il existe d’autres choix que ceux de M. Infantino. Pour de l’argent, M. Infantino accepte tout. M. Trump, de son côté, néglige les règles de la diplomatie, viole le droit international à maintes reprises. À son niveau, M. Infantino agit de la même manière.« 

Le football moderne est un excellent reflet des rapports de force mondiaux, affirme-t-il, « la gestion du football peut illustrer la gestion du monde, dans un silence assourdissant. Je suis plus interpellé par le silence des fédérations et des pays européens que par les actes de M. Trump ou de M. Infantino dans le football.« 

« En soutenant clairement l’agenda politique du président Trump, tant sur le plan national qu’international« , l’attitude de Gianni Infantino menace « l’intégrité et la réputation du football et de la FIFA elle-même« , accuse FairSquare.