Georges-Louis Bouchez sur la politique migratoire : “Il faut de l’intégration et de l’assimilation”
Pour le président du MR, la Belgique s’est fourvoyée, ces dernières années, en n’envisageant que la seule intégration des étrangers. Le libéral prône également leur assimilation, leur parfaite adhésion aux droits de l’homme, à l’égalité entre les hommes et les femmes. Un dossier qui pèse lourd dans la négociation fédérale actuelle en vue de la formation d’une coalition « Arizona ».
- Publié le 21-12-2024 à 07h06
Vendredi, la mission de Bart De Wever (N-VA) a, une fois encore, été prolongée par le Roi. Le formateur du gouvernement fédéral devra remettre son prochain rapport pour le 7 janvier. Des avancées ont été réalisées dans plusieurs dossiers, selon le nationaliste flamand. Il a promis au chef de l’État « une percée décisive au début de l’année 2025″. Mais des points de frictions existent encore entre les partenaires de la future majorité « Arizona ». En matière de fiscalité et de politique migratoire, notamment. Georges-Louis Bouchez, le président du MR, évoque les actuelles discussions et pointe en particulier la question migratoire.
Dans les négociations fédérales, outre les matières socio-économiques, un dossier sensible suscite des blocages : la politique migratoire. Un durcissement de l’accès à la nationalité belge serait sur la table de la coalition « Arizona ». Vous le confirmez ?
Je ne vais pas négocier dans la presse. Mais il existe deux problèmes. Premièrement, les conditions d’accès à la nationalité qui sont trop faciles par rapport à d’autres pays européens. Deuxièmement, on a procédé jusqu’ici uniquement à des politiques d’intégration. Or, il faut une politique d’intégration et une politique d’assimilation. L’assimilation doit être totale en ce qui concerne le respect des droits de l’homme, de l’égalité hommes-femmes, en matière de religion… Dans une démocratie libérale, il existe des droits mais aussi des devoirs, que l’on oublie trop souvent. L’Europe s’est perdue en croyant que l’intégration peut fonctionner avec des individus mis simplement les uns à côté des autres. Non, à un moment, il faut que ces individus « fassent société », comme on dit. Et pour cela, on doit avoir des valeurs communes. C’est là que l’assimilation devient fondamentale. Mais une certaine gauche associative et politique, des structures comme Myria (le Centre fédéral Migration) considèrent la personne dans ses particularismes. À Bruxelles, le député Fouad Ahidar ne s’adresse pas à des Bruxellois et des Bruxelloises mais à des musulmans.
Comment traduit-on tout cela dans des mesures concrètes ?
Il faut que, dès que les migrants arrivent, on puisse les intégrer et les assimiler. Actuellement, le non-respect des obligations régionales en matière d’intégration n’est pas un obstacle automatique à l’obtention de la nationalité. Vous n’avez que des amendes. Bizarre, non ? On doit donc avoir une meilleure coordination des niveaux de pouvoir. On doit aussi s’interroger sur l’attractivité de la Belgique. Comment se fait-il, par exemple, que la moitié de tous les réfugiés palestiniens en Europe arrivent finalement en Belgique ? (La moitié des demandes d’asile palestiniennes dans l’Union européenne sont introduites en Belgique, NdlR) Toujours sur l’attractivité de la Belgique : nous sommes l’un des pays en Europe où la proportion entre l’octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire est totalement inversée. La majorité des autres pays donnent d’abord une protection subsidiaire, qui est moins lourde et qui permet un retour rapide vers le pays d’origine. En Belgique, elle n’est presque jamais utilisée et on a plus de 95 % de réfugiés. Il faut rééquilibrer les choses.
Mais, donc, l’Arizona va durcir le ton dans ces dossiers ?
En tout cas, dans les négociations, le MR défend une ligne plus lisible en matière d’asile et de migration, qui vise surtout à renvoyer plus vite les gens en situation illégale.
Tout le monde est-il d’accord autour de la table ? Déjà cet été, certains négociateurs confiaient avoir été heurtés par des propositions de la N-VA qu’ils jugeaient illégales en matière de politique migratoire.
C’est un sujet qui fait débat, il y a eu en effet des questions durant les négociations. Mais toutes les propositions sur la table ont été examinées par de juristes de très haut niveau, spécialisés sur ces questions. Mais, dans ce dossier, il y a eu tellement de militants qui ont raconté n’importe quoi… Par exemple, sur les pushback (les migrants sont repoussés par-delà la frontière d’un pays, NdlR). On dit que ces refoulements sont interdits par la loi mais ce n’est pas vrai : ils sont autorisés dans des conditions restrictives. Le droit européen permet beaucoup plus de choses qu’on ne le pense.
Cette méthode semble assez expéditive…
Notre but n’est pas d’être inhumains. Certainement pas ! Mais si on veut une intégration qui fonctionne, il faut avoir les moyens de bien s’occuper des personnes accueillies dans les règles. Aujourd’hui, 80 à 90 % des personnes arrêtées pour du trafic de drogues à Bruxelles sont en situation irrégulière. L’immigration illégale irrigue la grande criminalité. C’est le nœud du problème : la Belgique garde sur son territoire au moins 130 000 personnes en situation illégale. Et plus de 3 000 personnes en prison sont en séjour irrégulier, dont une moitié est en préventive et l’autre moitié en condamnation pleine. Il est évident que, pour le MR, pouvoir rapatrier ces personnes qui sont actuellement en prison est un principe incontournable. On peut évidemment en négocier les modalités dans le futur accord de gouvernement.