Georges-Louis Bouchez mise sur le centre Jean Gol pour amplifier sa guerre idéologique contre la gauche
Le service d’études des libéraux francophones multiplie les initiatives : conférences sur des sujets sensibles, ouvrages qui polarisent…. Tout cela en plus des traditionnels dossiers techniques préparés pour les élus et les candidats. Le centre Jean Gol est amené à se développer et à recevoir plus de moyens au sein du MR.
- Publié le 24-12-2024 à 06h33
- Mis à jour le 24-12-2024 à 06h35
Le marxiste italien Antonio Gamsci, mort en 1937 dans les prisons mussoliniennes, estimait que le pouvoir se conquiert aussi par la transformation de l’opinion publique. Son concept d’hégémonie culturelle a fait florès et a dépassé la cause communiste. Depuis plusieurs années, la droite française est inspirée par cette vision gramscienne de la guerre des idées. En Belgique, le MR de Georges-Louis Bouchez recourt à la même stratégie.
À côté des nombreuses interviews du président libéral qui, via la polarisation qu’elles suscitent, influencent souvent le débat public, le centre Jean Gol (CJG) joue un rôle clef. Le bureau d’études du MR, dirigé par l’intellectuel libéral Corentin de Salle, a largement dépassé sa fonction première, qui est d’alimenter les élus en notes et en dossiers, pour se muer progressivement en un véritable think-tank. Le CJG est d’ailleurs l’un des trois membres fondateurs du réseau European Liberal Forum, qui compte désormais 50 centres d’études rattachés à des partis libéraux européens.
Une des cibles : le « wokisme »
La nouvelle fonction idéologique du CJG est apparue très nettement l’année dernière lors de la publication d’une étude consacrée au « wokisme ». Dans ce texte, le centre Jean Gol passait à la moulinette le magma de l’égalitarisme postmoderne et examinait ses concepts les plus importants : Cancel Culture, « fragilité blanche », « appropriation culturelle », « décolonialisme », « personne racisée », « privilège blanc », « masculinité toxique »… La charge était très lourde et avait provoqué une polémique. Mais le MR avait réussi à se présenter comme un rempart préservant l’universalisme face une gauche identitaire perméable à la tyrannie des minorités.
Plus récemment, le centre Jean Gol a marqué les esprits en organisant à l’ULB une conférence avec le jeune essayiste Louis Sarkozy (le fils de l’ancien Président de la République), ouvertement de droite et admirateur de Napoléon. Le thème portait sur les rapports entre l’Europe et les États-Unis. En tant qu’ancien Premier ministre et député européen, Elio Di Rupo (PS) faisait partie des orateurs. Mais, martelant le slogan « pas de facho sur notre campus », des cercles d’étudiants, dénonçant des propos polémiques tenus par Louis Sarkozy et Georges-Louis Bouchez sur le conflit au Proche-Orient, ont perturbé la soirée. Un militant pro-palestinien est même monté sur l’estrade et a dispensé quelques doigts d’honneur à un public médusé.
Après cette séquence tendue, la conférence put reprendre plus calmement. À nouveau, le MR a marqué un point en se faisant le chantre du débat pluraliste face à des radicaux voulant imposer le silence à ceux dont l’opinion les dérange. Le souvenir de l’évacuation de la journaliste française Caroline Fourest, empêchée de prendre la parole en 2012 lors d’une conférence à l’ULB par des activistes islamistes, est resté vif chez les libéraux. Ces derniers tenaient donc à démontrer que la conversation démocratique doit être possible partout. « Notre conférence à l’ULB : une victoire pour la liberté d’expression », proclame un article publié il y a quelques jours sur le site Web du centre Jean Gol.
Pluralisme et liberté d’expression
Dernier exemple du rôle joué par le centre Jean Gol dans la lutte culturelle. La semaine dernière, le MR a organisé une nouvelle conférence sur le livre Allah n’a rien à faire dans ma classe. Pour rappel, en novembre, la Fnac de Woluwe-Saint-Lambert avait annulé la présentation de cet ouvrage donnant la parole à des enseignants confrontés à l’entrisme islamiste. Les deux auteurs – les journalistes Jean-Pierre Martin et Laurence D’Hondt – avaient reçu des menaces.
Grâce à un dispositif de sécurité important, le service d’études du MR a pu organiser une conférence sur cet essai et cela, devant plusieurs centaines de personnes. Georges-Louis Bouchez est intervenu lors de cette soirée aux côtés des auteurs. Un message était ainsi envoyé : les libéraux n’ont pas peur des intimidations et se portent garants de la neutralité de l’enseignement.
De nouveaux moyens financiers
Selon nos informations, Georges-Louis Bouchez compte encore amplifier le rôle du centre Jean Gol. Notamment, grâce à l’augmentation substantielle des ressources du MR suite à ses succès électoraux (la dotation publique des formations politiques est en partie liée au nombre de voix obtenues). Ces moyens supplémentaires vont être dirigés essentiellement vers le service d’études afin d’engager des collaborateurs, commander des études, multiplier les collaborations avec les universités, organiser des activités et des conférences à forte visibilité. En Flandre y compris. Le nombre de publications sortant des presses du MR est également amené à croître. Entre autres, un nouveau livre de doctrine politique est en chantier : il doit fixer le cap intellectuel du libéralisme belge pour le XXIe siècle.
« Le centre Jean Gol est devenu, ces dernières années, le centre d’études le plus développé de tous les partis politiques, affirme Georges-Louis Bouchez. On a beaucoup parlé de l’IEV (Institut Emile Vandervelde) du PS mais, très clairement, on l’a désormais supplanté. Et le but est de continuer. Dans la production intellectuelle pure du MR, on a entre 15 et 20 collaborateurs qui se consacrent en permanence à cette mission. C’est en imposant nos thèmes que l’on a gagné les élections en juin et octobre. À terme, on veut affermir nos assises idéologiques afin que le MR reste le premier parti francophone de manière structurelle. »
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