Fusillade de la place Saint-Lambert à Liège: les proches des victimes de la tuerie de Liège en 2011 déboutés en appel
La cour d’appel de Liège a jugé que l’État belge n’avait commis aucune faute au civil permettant de le tenir responsable de la fusillade perpétrée par Nordine Amrani en 2011 sur la place Saint-Lambert, en Cité ardente, a indiqué mardi Me Alexandre Wilmotte, qui représente plusieurs parties civiles.
- Publié le 26-11-2024 à 12h58
- Mis à jour le 26-11-2024 à 14h51
Le 13 décembre 2011, à 12h32, Nordine Amrani a ouvert le feu depuis la plateforme surplombant la place Saint-Lambert, avec un fusil d’assaut et des grenades. Cinq personnes ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été blessées. La veille, il avait également tué son aide-ménagère. L’assaillant a ensuite mis fin à ses jours en se tirant une balle dans la tête.
Plusieurs proches de victimes reprochaient à l’État belge des défaillances dans le suivi de Nordine Amrani, qui auraient conduit à cette fusillade. Ils avaient alors saisi tribunal civil de première instance de Liège, qui les avait déboutés en 2022, estimant que l’État belge ne pouvait être tenu responsable de la fusillade. Les proches avaient interjeté appel, arguant que l’État belge était bien fautif, notamment en ayant permis la libération conditionnelle de M. Amrani et en ne suivant pas, selon eux, de manière rigoureuse les activités de l’assaillant une fois hors de prison.
L’État belge rétorquait que le seul responsable de la tuerie n’était autre que M. Amrani, contre lequel l’action publique s’est éteinte au vu de son décès.
La cour d’appel de Liège a finalement considéré qu’aucune faute ne pouvait être retenue dans le chef de l’État belge.
Ainsi, la cour d’appel estime que le tribunal d’application des peines (TAP) n’a pas commis de faute en accordant la libération conditionnelle à Nordine Amrani en octobre 2010. Pour la cour, les proches n’ont pas prouvé à suffisance qu’une faute ou une négligence avait été commise alors que le TAP a motivé sa décision « tant en fait qu’en droit » et qu’elle a été rendue à la suite d’un « débat contradictoire », peut-on lire dans l’arrêt.
La cour balaie également l’argument avancé par les proches selon lesquels M. Amrani n’aurait pas été soumis à une surveillance suffisamment étroite lorsqu’il était en prison. Les plaignants avaient renvoyé vers une vidéo sur laquelle on apercevrait Nordine Amrani en prison en train de consommer de l’alcool et des stupéfiants. Outre le fait que ces images ne sont pas datées, la cour juge qu’elles ne « permettaient nullement d’anticiper la tuerie du 13 décembre 2011 ». Quand bien même une sanction disciplinaire aurait été infligée à l’intéressé, « il n’est pas démontré » qu’il n’aurait dès lors pas obtenu de libération conditionnelle, estime la cour d’appel.
Quant au suivi de M. Amrani hors de prison, la cour d’appel considère qu’une surveillance « effective » a bien été assurée par les assistants de justice, avec des entretiens réguliers. L’instance estime enfin qu’aucune faute n’a été commise dans l’enquête menée à la suite de faits de mœurs perpétrés par M. Amrani le 13 novembre 2011. L’homme avait pu être identifié sur base de sa plaque d’immatriculation. La victime l’avait aussi reconnu sur une photographie. Nordine Amrani avait alors été convoqué pour être entendu par la police le 13 décembre 2011, soit le jour des faits. Au vu des éléments connus à l’époque, le ministère public a mené son enquête avec diligence, a jugé la cour d’appel de Liège.
Une décision qui déçoit logiquement les parties civiles, qui étudient « les recours possibles », précise Me Wilmotte.
« Nous regrettons profondément que les arguments soulevés, basés sur des faits concrets et une analyse rigoureuse des obligations incombant à l’État, n’aient pas fait l’objet de réponses claires et détaillées laissant un sentiment d’injustice et de désillusion à nos clients », poursuit Alexandre Wilmotte.
Ce jugement pousse même l’avocat à s’interroger : « les obligations de l’État envers ses citoyens bénéficient-elles de la même exigence et rigueur que celles imposées aux justiciables ? ». Me Wilmotte fustige qu’alors qu’on « nous demande à tous de respecter des obligations très contraignantes, ce n’est visiblement pas la même chose pour l’État… ».
« Les victimes et leurs familles ont le droit de s’attendre à une gestion rigoureuse et exemplaire de la sécurité publique, surtout lorsque des décisions telles que des libérations conditionnelles sont en jeu », insiste-t-il. Me Wilmotte souligne que l’action en justice des proches ne visait pas à désigner un responsable mais bien « à faire reconnaître les manquements systémiques pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent à l’avenir ».
« Cette décision est un coup dur, mais (…) nous restons mobilisés pour que justice soit rendue, même dans les circonstances les plus difficiles », conclut Me Wilmotte.