Belgique

Frédéric, 50 ans, licencié après 18 ans : comment se réinsérer ?

Frédéric a commencé à rechercher activement du travail en mars 2024, et il en est à 1192 e-mails collectés dans sa boîte. En Belgique, « il y a environ 25% du total des chercheurs d’emploi qui ont plus de 50 ans », selon Romain Adam d’Actiris.

« J’ai commencé à rechercher vraiment activement du travail en mars 2024, confie Frédéric. J’en suis à 1192 e-mails collectés dans cette boîte ». Sa recherche se compose de réponses automatiques, de refus et de quelques rares propositions d’entretien.

Malgré son expérience et une révision à la baisse de ses prétentions salariales, le marché du travail reste difficile pour les plus de 50 ans.

Le pire, c’est l’attente avant d’obtenir des réponses. « Vous vivez sans cesse avec une tension, une boule au ventre en disant ‘quand est‑ce que quelqu’un va m’engager ?' », révèle-t-il. « On a les factures qui arrivent à la fin du mois, on a le loyer à la fin du mois, on est obligé de tenir. »

Le choc du licenciement a été brutal : après 18 ans dans la même entreprise, il a été contraint de signer son préavis en quinze minutes, avec un préavis de 16 mois sans prestation effective. « On sentait un tout petit peu le vent tourner, mais de là à dire que l’on me proposerait mon C4 du jour au lendemain… Je n’y croyais », raconte-t-il.

Confronté à des difficultés avec le régime de chômage (deux mois d’indemnités versées puis restituées en raison d’une activité d’indépendant complémentaire), Frédéric a décidé de devenir indépendant à plein temps pour éviter de nouveaux soucis administratifs.

L’âge fait partie des facteurs les plus discriminants sur le marché de l’emploi bruxellois

En Belgique, l’âge reste un obstacle tacite et puissant dans le recrutement. « On considère à Bruxelles qu’il y a environ 25% du total des chercheurs d’emploi qui ont plus de 50 ans », explique Romain Adam d’Actiris. « L’âge fait en tout cas partie des facteurs les plus discriminants, si pas le plus discriminant sur le marché de l’emploi bruxellois. »

Face à cette réalité, des initiatives locales ont vu le jour pour déminer les préjugés et soutenir les candidats expérimentés.

Des ateliers pour aider les plus de 50 ans

À la Cité des métiers de Bruxelles, un atelier pour les plus de 50 ans se concentre sur le réseautage et l’information plutôt que sur un coaching intensif. Bien qu’il n’offre pas de suivi individuel approfondi, cet atelier compile des pistes, des contacts et des clés pour contourner les stéréotypes.

« Les personnes n’ont pas toujours toutes les clés », explique Martine Sainlez, animatrice de l’atelier. « Parfois ce sont des personnes qui ont eu 20 ans d’expérience dans la même entreprise. Quand ils reviennent sur le marché de l’emploi, ils n’ont plus toutes les clés parce que ça a fortement évolué. Ici, on essaie vraiment de réunir tout un ensemble d’informations et de les centraliser. »

Les personnes n’ont pas toujours toutes les clés

Perdre son emploi après des années de carrière est souvent ressenti comme un échec. Pour ces candidats, il s’agit de double enjeu : mettre à jour des compétences parfois délaissées et reconstruire un récit professionnel attractif.

À 50 ans, il reste encore de nombreuses années de travail devant soi. Frédéric illustre ce besoin de réactualisation : initialement formé à l’enseignement, il a rapidement bifurqué vers le secteur privé, se formant en autodidacte aux technologies informatiques. Il a ensuite travaillé dans les télécommunications avant de rejoindre la banque en 2005, où il est resté jusqu’en 2023. Il se décrit comme un « ‘farmer’ de la relation client » (quelqu’un qui entretient et fidélise plutôt qu’un chasseur de ventes) et affirme apprécier le contact et le service utile au client.

Sur le terrain, les réaffectations ne sont pas simples. Frédéric explique qu’il n’a pas écarté l’idée de retourner à l’enseignement, mais que les conditions offertes (recommencer comme si l’expérience antérieure était nulle et un salaire de débutant) « ne sont pas acceptables pour quelqu’un avec trente années d’activité et des responsabilités financières ».

Il a multiplié les candidatures : « J’ai envoyé facilement plus de 300 ou 400 CV tous azimuts », dit-il, en adaptant son CV pour chaque poste. Il a contacté des agences d’intérim et des chasseurs de têtes, souvent sans retour concret ou après plusieurs semaines d’entretiens infructueux, et il témoigne également de mauvaises propositions salariales.

Une lueur d’espoir

Pour Frédéric, la conclusion du reportage apporte néanmoins une note d’optimisme : après des mois d’efforts et d’attente, il venait de recevoir une promesse de contrat. Une issue qui démontre que, malgré les obstacles structurels et les préjugés, des solutions existent, mêlant accompagnement, mise à jour des compétences et volonté des employeurs de dépasser les considérations d’âge.

« Ce qui ne tue pas rend plus fort, comme on dit. J’y ai cru et j’y crois toujours », souligne Frédéric.

Sa détermination montre qu’avec des outils adaptés et des employeurs ouverts, il est possible de retrouver une place sur le marché de l’emploi.