Faillite, revente ou recapitalisation : LN24 en opération de sauvetage
Des fins de collaborations ont été signifiées à deux journalistes pigistes vendredi 24 octobre, et certains chroniqueurs payants ne seront plus sollicités. Cette année, LN24 prévoit un déficit d’environ 500.000 euros, ce qui est moins que l’année précédente où le déficit s’élevait à 3,2 millions d’euros.
La nouvelle grille de LN24, introduite il y a à peine deux mois, subit déjà une réorganisation. Deux journalistes pigistes ont reçu des notifications de fin de collaboration vendredi 24 octobre, et certains chroniqueurs rémunérés, notamment ceux participant à l’émission de débat animée par Thibaut Roland, ne seront plus sollicités. Thibaut Roland, directeur des programmes et présentateur de LN24, décrit la situation comme paradoxale.
« La chaîne va beaucoup mieux car les audiences progressent et les revenus publicitaires augmentent », affirme-t-il, ce qui est corroboré par d’autres sources. LN24, qui n’enregistrait encore que 1,1 % de parts d’audience en 2024 selon le CIM, est aujourd’hui proche des 2 %. Toutefois, ce accroissement des recettes publicitaires ne suffit pas à atteindre l’équilibre financier. « On reste malgré tout en deçà de ce qui avait été prévu par le Conseil d’administration. D’où les efforts budgétaires demandés pour tenir sur le long terme », confie-t-il, en ajoutant que c’est « à chaque fois difficile quand on touche à l’humain ».
Pour cette année, LN24 anticipe un déficit d’environ 500 000 euros. Ce montant est inférieur à celui de l’année précédente, qui était de -3,2 millions d’euros selon les comptes déposés, mais s’ajoute à une dette cumulative de plus de 21 millions d’euros depuis 2019.
Cette situation financière, qui n’est pas nouvelle, a conduit la chaîne à modifier sa stratégie cet été pour la rentrée de septembre, en réduisant quasiment à néant les reportages. À la place, il y a davantage de débats, de sports, de séries et de jeux télévisés. Ces productions, moins coûteuses et plus fédératrices, font de LN24 un média généraliste plutôt qu’une chaîne d’information continue.
« La seule chose qui semble assez claire, c’est qu’on ne changera pas de cap stratégique », déclare Thibaut Roland.
Cette stratégie découle de l’arrivée au printemps dernier de nouveaux actionnaires : Belgian Media Ventures et Sport & Media Saleshouse (SMS), qui détiennent chacune 9 % des parts (IPM possède 64 % et Belfius Insurance les 18 % restants). SMS est détenue à parts égales par la RMB (Régie Média Belge), la régie publicitaire de la RTBF, et par Zelos, une entreprise fondée par Freddy Tacheny, ancien directeur général de RTL Belgique. Selon les rumeurs, c’est lui qui pousse pour une diversification des programmes de LN24, avec un accent particulier sur le sport.
Cette stratégie a le soutien de Thibaut Roland et, dit-il, du conseil d’administration. « La seule chose qui semble assez claire, c’est qu’on ne changera pas de cap stratégique. La chaîne a choisi depuis la rentrée une production généraliste qui vise à élargir sa base d’audiences. Cette stratégie-là, personne ne semble prêt à la désavouer. Donc quoi qu’il arrive dans le futur, je pense que cette logique-là restera, et c’est ce qui me rassure parce que c’est ce en quoi je crois. »
L’avenir de LN24 dépend cependant d’un besoin de liquidités à court ou moyen terme. Plusieurs scénarios coexistent dans ce contexte.
**Liquidation, nouvel actionnaire ou revente ?**
La chaîne a décidé, seulement deux mois après la mise en vigueur de sa nouvelle grille, de réduire encore les coûts. La fin de collaboration a été officiellement annoncée à deux journalistes indépendants lors de la semaine précédente, et le budget « chroniqueurs payants » devra être réduit pour l’émission de débat animée par Thibaut Roland.
Est-ce un simple rééquilibrage ? Pas si sûr. Selon des sources internes, d’autres manœuvres plus importantes pourraient être à l’horizon. Plusieurs scénarios circulent, comme la fermeture de la chaîne à court terme (fin décembre ou à la fin de la saison est évoqué), en raison de la liquidation. La possibilité d’une vente de la chaîne par l’actionnaire majoritaire est également discutée.
Ces deux options sont démenties par la direction. « C’est une tempête dans un verre d’eau », rejette Denis Pierrard, directeur général de la chaîne, en parlant de ces possibilités. Officiellement, la chaîne recherche de « nouveaux partenaires ». Cette expression assez vague peut englober tant la recherche de programmes moins coûteux permettant de réduire les dépenses que l’arrivée d’un nouvel investisseur ou d’un repreneur éventuel.
« Si c’est pour rebasculer vers un modèle de chaîne 100 % info, quel que soit l’actionnaire qui viendrait à la tête de ce nouveau projet, il est clair que je n’aurai plus ma place là-dedans », déclare Thibaut Roland.
Ce nouveau partenaire (ou repreneur ?) pourrait-il être Canal +, détenu par l’homme d’affaires français Vincent Bolloré, propriétaire des médias d’extrême droite CNews, Europe 1 et Le JDD ? Personne ne le confirme. Le magazine Trends-Tendances évoque cette possibilité.
Un autre scénario en interne concerne une offre de reprise par 21News, un nouveau média libéral conservateur lancé il y a un an par le conseiller communal MR Etienne Dujardin. Ce média, pour l’heure limité à la publication d’articles et de vidéos en ligne, a récemment levé un million d’euros par le biais d’une dizaine d’investisseurs. Cette entrée au capital s’est accompagnée de l’intégration au conseil d’administration de nouvelles personnalités, notamment issues de Lagardère ou de Canal +, proches du businessman Vincent Bolloré et de Louis Sarkozy. 21News nourrit de grandes ambitions et veut accroître son audience, notamment au nord du pays et à travers des formats podcast. Pourquoi pas une chaîne de télévision ?
Au vu des difficultés financières de LN24, le coût d’une reprise ne serait pas excessif, selon des sources. Cela pourrait faciliter une acquisition par 21News, dont les ressources sont actuellement limitées. Cependant, la question demeure : quel modèle serait appliqué par un repreneur tel que Vincent Bolloré ou 21News, sachant que leurs projets actuels incluent une offre d’information plus onéreuse et alignée avec leur ligne idéologique ?
« La rumeur (concernant Vincent Bolloré, ndlr), je ne vais pas dire qu’on la découvre dans la presse, mais presque, car ce ne sont pas des décisions qui relèvent de notre étage », assure Thibaut Roland. « Maintenant, la chaîne a choisi un positionnement généraliste, et l’actionnaire en place valide ce choix. Je pense que le seul modèle tenable pour LN24 est de viser une audience plus large et un équilibre entre ces productions propres et ces programmes de flux, entre l’info, la fiction, les documentaires et les magazines. Si c’est pour rebasculer vers un modèle de chaîne 100 % info, quel que soit l’actionnaire qui viendrait à la tête de ce nouveau projet, il est clair que je n’aurai plus ma place là-dedans. Mais on n’est pas là-dedans, pas pour l’instant, ce n’est pas ce que j’entends. »
La dernière option qui pourrait éviter la liquidation ou la revente serait une recapitalisation de LN24 par ses actionnaires actuels. Cependant, selon nos informations, un tel scénario semble très peu probable compte tenu des montants déjà investis par les différents acteurs. Ni François le Hodey, propriétaire d’IPM, actionnaire majoritaire, ni Freddy Tacheny n’ont souhaité commenter la situation. Nos tentatives d’obtenir une réponse du groupe Bolloré ou de Canal + ont échoué.
Une chose est certaine, « ça va bouger », nous confie une source interne, et ce changement surviendra à court terme.

