Explosion des inégalités en Europe : taxation de la fortune et résultats.
La taxe Zucman, basée sur une proposition de l’économiste français Gabriel Zucman, vise à instaurer un impôt de 2% par an sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Selon un sondage Ifop, 86% des Français voyaient cette mesure d’un bon œil, tandis qu’à l’échelle européenne, 67% des personnes interrogées s’y déclaraient favorables.
« Taxe Zucman ». Du nom de l’économiste français Gabriel Zucman, cette proposition de taxation des grandes fortunes en France suscite de nombreux débats et trouve un écho jusqu’en Belgique.
Certaines voix dénoncent un risque accru d’évasion fiscale, tandis que d’autres soutiennent qu’instaurer un impôt minimum annuel de 2% sur le patrimoine des milliardaires serait une avancée significative vers une justice fiscale. Un récent sondage Ifop a révélé que 86% des Français étaient favorables à cette mesure.
Au-delà des frontières françaises, l’idée d’une taxation des plus riches séduit aussi une large majorité : un baromètre européen récent indique que 67% des personnes interrogées sont en faveur de cette initiative. Ce soutien s’inscrit dans un contexte de concentration accrue des richesses : les 0,001% les plus riches de l’Union européenne ont vu leur patrimoine augmenter de 237% entre 1995 et 2021, alors que le patrimoine moyen des 50% les plus pauvres n’a crû que de 80% sur la même période, selon le dernier rapport annuel de l’UE sur la fiscalité.
Pourtant, les ultra-riches, y compris les milliardaires, payent moins d’impôts que le reste de la population, notamment à partir d’un certain seuil de revenu où l’impôt devient même régressif.
Les impôts sur les plus riches varient considérablement en Europe. Certains pays ont réduit ces taxes, d’autres les ont supprimées. Quels pays européens continuent de taxer les grandes fortunes ? Décryptage.
Tout comme la Belgique, la France, l’Italie et les Pays-Bas ont également choisi de taxer seulement certains actifs de la fortune.
En France, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) existe depuis 2018, remplaçant l’impôt sur la fortune (ISF). Cette taxe vise les résidents fiscaux français ayant des actifs immobiliers non professionnels d’une valeur d’au moins 1,3 million d’euros, ainsi que les étrangers possédant des biens immobiliers en France pour un montant équivalent. En 2024, l’IFI a rapporté 2,2 milliards d’euros à l’État français, soit une augmentation de 11% par rapport à 2023. Cependant, l’IFI ne touche pas les actifs financiers, à la différence de la taxe Zucman qui viserait à imposer à hauteur de 2% par an tous les patrimoines dépassant 100 millions d’euros.
Aux Pays-Bas, la taxation de la fortune concerne exclusivement certains actifs. Pour être imposé, le patrimoine doit dépasser 57.684 euros. En 2025, cette taxe s’appliquera à 36% sur un « rendement fictif » des actifs. Par exemple, une personne disposant d’un patrimoine de 100 millions d’euros devra s’acquitter d’une taxe d’environ 2 millions d’euros par an.
En Italie, la taxe sur la fortune ne s’applique qu’aux actifs financiers et immobiliers détenus à l’étranger sans intermédiaire italien par des résidents. Les actifs financiers sont taxés entre 0,2% et 0,4%, tandis que les biens immobiliers à l’étranger sont imposés à 1,06%.
Pour finir, seuls trois pays en Europe ont instauré un impôt sur la fortune nette : la Norvège, l’Espagne et la Suisse. En Norvège, ce prélèvement est de 1% pour les patrimoines supérieurs à 1,7 million de couronnes (environ 146.000 euros), avec un taux de 1,1% au-delà de 20 millions de couronnes. En 2024, cet impôt a apporté 33 milliards de couronnes, équivalant à 2,8 milliards d’euros. Le Parti du Progrès, récemment élu, a suggéré de supprimer cet impôt, le qualifiant d’inefficace.
En Espagne, l’impôt sur la fortune est progressif et varie selon les régions. Le patrimoine net doit être égal ou inférieur à 700.000 euros, avec un taux de base de 3,5%. Certaines communautés, comme Madrid, appliquent un taux de 0%. En 2022, un impôt exceptionnel pour les grandes fortunes a été introduit, ciblant ceux dont le patrimoine net dépasse trois millions d’euros, avec des taux de 1,7% à 3,5%.
Ainsi, l’impôt sur la fortune dans ces quatre pays représente entre 1% et 12% du PIB en rentrées fiscales.
Toute l’Europe a connu un abandon progressif des taxes sur les riches, débutant en Italie en 1992. D’autres pays, comme l’Irlande et l’Allemagne, ont suivi. Selon un rapport de l’OCDE, les raisons de ce mouvement sont diverses, notamment un manque d’harmonisation fiscale et une concurrence entre États. Cela incitait les contribuables fortunés à déplacer leur patrimoine.
De plus, une étude de l’OCDE révèle que la coopération internationale est cruciale pour lutter contre l’évasion fiscale. Pourtant, des seuils d’imposition mal ajustés touchent des ménages « modérément fortunés », et un système basé sur l’autodéclaration engendre des failles, reflétant une résistance à taxer efficacement les grandes fortunes.
Les politiciens arguent que des impôts sur les grandes fortunes feraient fuir le capital hors des frontières, comme l’a déclaré Bernard Arnaud, PDG de LVMH. L’économiste Cristina Enache souligne que même une légère augmentation de l’impôt sur les riches peut inciter à la délocalisation.
Cependant, des recherches suggèrent que l’impact de la fiscalité sur le patrimoine n’accélère l’exil fiscal que dans des proportions limitées. En Suède, par exemple, une étude a montré que l’augmentation de l’impôt sur la fortune avait des effets sur les flux d’émigration, mais le niveau global de ces flux était relativement faible.
En Belgique, l’impact d’une taxe sur le patrimoine net pourrait être limité, selon l’experte Thérèse Bastin.
Enfin, un rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité indique que les milliardaires dans le monde ont des taux d’imposition effectifs très bas, souvent inférieurs à 0,5%. Les auteurs de ce rapport préconisent un impôt minimum de 2% sur la fortune des milliardaires, qui pourrait générer d’importantes recettes fiscales et contribuer à réduire l’évasion fiscale.

